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Le singe encore plus proche de l'homme
Dans la revue «Nature», des généticiens retardent de 2 millions d'années la séparation entre les deux lignées. Polémique.
par Corinne BENSIMON
LIBERATION QUOTIDIEN : jeudi 18 mai 2006
Le divorce fut laborieux, hésitant comme un bégaiement. D'abord, il y a eu des divergences subtiles, qui ont créé des distances. Puis des retrouvailles, avec étreintes et naissances, nombreuses, qui ont tissé de nouveaux liens. Des éloignements de nouveau. Et enfin, le point de non-retour. Chacun son chemin. Entre les ancêtres des humains et ceux du chimpanzé, la séparation a duré quatre millions d'années. Quatre mille millénaires pour que soit consommée la divergence entre les lignées dont sont issus l'homme moderne et son plus proche parent vivant. Longtemps après avoir commencé à évoluer dans des directions différentes, ils ont continué à s'hybrider. Tant et si bien que leur spéciation s'est achevée récemment, il y a «seulement» six millions d'années.
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Copulation. Tel est donc le scénario que propose une équipe de chercheurs américains, au terme d'une étude d'une envergure sans précédent des ADN des deux espèces actuelles, Homo sapiens et son cousin, Pan troglodytes. Dans un article publié hier en ligne par la revue Nature, David Reich, Eric Lander et leurs collègues de Harvard (Etats-Unis) produisent une analyse génétique qui bouscule singulièrement la vision des origines du genre Homo. Selon ces spécialistes de la génomique, la spéciation fut non seulement lente et non linéaire, mais elle s'est achevée il y a 6,3 ou même 5,4 millions d'années. Or l'étude des plus vieux fossiles présentant des caractères humains (dont Toumaï, lire page

a conduit à dater la séparation à 8 millions d'années. Avec l'étude américaine, l'odyssée de l'espèce rajeunit d'un à deux millions d'années... et sa genèse récolte quelques épisodes croustillants de copulation. Si les chercheurs ont correctement fait parler l'ADN.
Génomes. Cette «parole», ils l'ont tirée essentiellement de la séquence du génome humain (achevé en 2001), et de celui du chimpanzé (livré l'an dernier). Reich et ses collègues ont réalisé la première confrontation de grande ampleur de ces deux patrimoines. Cette exploration comparée permet, classiquement, de révéler les différences existant entre les deux génomes, différences résultant, pour la plupart, de l'accumulation de mutations. Le rythme auquel des mutations s'accumulent dans l'ADN d'une espèce étant estimé constant, les généticiens utilisent le nombre de mutations constatées pour dater l'âge de la divergence génétique, et in fine, le temps qui s'écoule entre le début du processus de spéciation et son achèvement. Entre l'homme moderne et le singe, les différences sont minimes. Environ 99 % de la séquence d'ADN est commune. D'après l'étude américaine, l'infime espace de cette différence génétique s'est forgé en moyenne en quatre millions d'années. Cependant, les gènes d'une espèce n'évoluant pas tous en même temps, l'analyse point par point des deux génomes a apporté deux surprises. Primo, les régions de l'ADN les plus «jeunes» chez l'homme et le chimpanzé sont bien plus récentes qu'on ne le pensait, ce qui indiquerait que la spéciation s'est produite il y a environ 6 millions d'années, un à deux millions d'années plus tôt qu'on ne le pensait. Secundo : le chromosome sexuel X est 1,2 million d'années plus récent que les autres chromosomes. Ce serait là le signe que les deux espèces se sont interfécondées alors même que leur spéciation était engagée. Les ancêtres des humains auraient vécu longtemps une longue période de métissage avec ceux des chimpanzés. Décidément très proches.