Quand le médiateur du Monde s'essaie à la psychologie de ses lecteurs :
a écrit :
Robert Solé, Le Monde, 23/3/03
Plusieurs lecteurs s'étonnent que Le Monde désigne de temps en temps le président irakien par son seul prénom. Jérémie Yvetot (Belfort) s'en indigne : 'Que George Bush et son armée de communicants aient décidé de le nommer 'Saddam', afin de lui retirer toute autre qualité que celle d'ennemi mondial numéro 1, est une chose. Mais qu'un journal comme Le Monde s'associe à cette propagande...'
Mon homologue du Detroit Free Press (Michigan), John X. Miller, a posé récemment la question, via Internet, à la soixantaine de médiateurs de presse dans le monde : faut-il appeler le président irakien 'Saddam' ou 'Hussein', le nom complet étant souvent trop long pour figurer dans un titre ?
Dick Rogers, du San Francisco Chronicle, nous a fourni une étude détaillée de la question, établie par son comité de rédaction. La difficulté vient de ce que 'Saddam' et 'Hussein' sont deux prénoms et que l'intéressé, qui s'appelait au départ Al-Tikriti, avait aboli dans son pays les noms de famille d'origine régionale. A Bagdad, on dit 'Saddam': cela fait partie du culte de la personnalité. Pour s'en démarquer, le San Francisco Chronicle comme le Boston Globe ou le Los Angeles Times ont choisi 'Hussein'. D'autres, dont le New York Times, écrivent 'Saddam', parce que c'est l'usage en Irak et que cela a permis de ne pas confondre le président irakien avec le roi Hussein de Jordanie... Bref, quand Le Monde écrit 'Saddam', il peut être suspecté de tout ce qu'on veut, mais pas de voler au secours de George Bush.
Cette controverse, susceptible de disparaître en même temps que le maître de Bagdad, peut paraître bien dérisoire alors que la population irakienne vit sous les bombes, après avoir subi vingt ans de dictature. Mais chaque lecteur exprime sa compassion ou son malaise comme il le peut.
on peut peut-être imaginer que le choix de ne parler que de "saddam", c'est une façon de faire oublier que cette guerre est menée contre tout un peuple et pas seulement contre un individu.