mode de production asiatique

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Jacquemart » 02 Sep 2006, 22:00

Ben, si c'est pour dire qu'il peut exister des sociétés où l'exploitation ne passe pas par la propriété privée des moyens de production, c'était déjà une évidence pour Marx et Engels, alors une fois qu'on a dit ça, on n'a pas inventé l'eau chaude.
Et si c'est pour dire qu'en URSS, la bureaucratie vivait collectivement du surproduit extorqué à la classe ouvrière, là, c'est depuis Trotsky qu'on sait cela.
Alors, la comparaison, on peut toujours la faire, mais elle n'aide pas à comprendre grand chose, et surtout pas les vrais enjeux (politiques) de la discussion sur le sexe - pardon, la nature, de l'URSS.
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Message par canardos » 02 Sep 2006, 22:34

j'avoue que ces réferences au "mode de production asiatique" me semble faire preuve d'une grande confusion....

je ne suis pas dogmatique, Verié dirait un "marxiste stalinien", et je ne pense pas que le féodalisme ni meme l'esclavagisme généralisé à la romaine ait constitué une voie de passage obligée entre les premieres sociétés de classes dans lesquelles le surproduit social était sous une forme ou une autre accaparé par un embryon de classe dominante et la société capitaliste sous le pretexte que la premiere société ou s'est opérée cette transition est passé par un stade esclavagiste puis féodal et a ensuite diffusé le capitalisme dans le reste du monde.

mais la, j'ai l'impression qu'on mélange allegrement differentes notions en abandonnant le repère de l'analyse de classe pour se polariser sur les similitudes des formes de l'état.

un requin ressemble à un dauphin mais l'un est un poisson et l'autre un mammifere, il n'ont pas la meme origine, pas la meme anatomie, pas la meme physiologie, ils ont simplement adopté des formes identiques pour la nage, les lois de l'hydrodynamique étant ce qu'elles sont.

de la meme manière, superficiellement la dictature nazi et la dictature stalinieenne se ressemblaient, mais leurs interets et l'équilibre social sur lequel elles reposaient étaient fondamentalement differents.

et bien c'est faire une erreur de meme nature que de classer dans une meme categorie toutes les sociétés paysannes ou il y a eu un pouvoir central fort doté d'un appareil bureaucratique effectuant des grands travaux, c'est définir les rapports de production par les formes de l'etat, autrement dit marcher sur la tete.

Certaines de ces sociétés ne connaissaient pas la propriété privée et gardaient des structures largement tribales, un appareil d'etat controlé par une aristocratie prelevant une part importante du surproduit social sur ces communautés, d'autres comme la société chinoise connaissaient la propriété privée, certes limitée par d'importantes servitudes communautaires, avaient une bourgeoisie et une paysannerie riche, meme si l'etat imperial aristocratique veillait à ce que cette bourgeoisie ne dépasse pas certaines limites.

En résumé, la diversité des niveaux de developpement des forces productives, des formes de propriété et des classes dominantes, de la manière dont était prélevé le surproduit social dans les differents sociétés auxquelles se réferent les défenseurs du mode de production, l'évolution de ces sociétés , interdisent à mon avis d'utiliser un concept global comme le mode de production asiatique sur la seule base commune d'une ressemblance superficielle fondée sur la centralisation de l'etat et le role qu'il joue dans des grands travaux
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Message par canardos » 03 Sep 2006, 10:12

d'une façon générale l'apparition des classes dominantes a commençé dans les sociétés humaines avant l'apparition de la propriété privée proprement dite par la constituion de chefferies hereditaires politiques militaires et religieuses qui se sont accaparés une partie du surproduit social sous forme de tributs et d'impots en natures apportés par la collectivité tribale ou par d'autres collectivités tribales soumises militairement.

Verié, pour l'empire inca, j'avoue mon incompétence pour te répondre si cet empire en était encore à ce stade.....pour ce que j'en connais ça y ressemble...les conquerants azteques et incas faisaient regner notamment une terreur collective sur les peuples conquis, terreur qui garantissait la livraison de tributs et donc la train de vie d'une caste militaire et religieuse hereditaire issue des anciennes chefferies.

Deja quand tu étend le raisonnement à l'égypte ancienne que je connais un peu mieux, ça me parait plus problématique. La propriété fonciere existait ainsi qu'une aristocratie locale puissante, meme si le clergé possedait une partie des terres. Mais l'économie restait encore largement non monétaire et marchande.

mais alors quand tu étend ton raisonnement à la chine, une société dynamique, évoluée techniquement et intellectuellement dont il s'est fallu de peu qu'elle connaisse la révolution industrielle au XVI ieme siecle avant l'europe, je ne te suis plus du tout.

il existait des classes sociales avec des grands propriétaires, une bourgeoisie marchande. ...que l'état aristocratique ait réprimé son essor par souci de trouver des recettes fiscales supplémentaires et par peur d'etre déstabilisé par cette bourgeoisie montante, c'est certain. Que cet état ait eu dans ses fonctions un certain nombre de grands travaux publics, c'est également exact....

mais que tu puisses dans ce cas parler de classes sociales sans propriété privée des moyens de production me semble totalement faux. L'etat chinois n'était pas la forme d'existence d'une classe dominante Tu te fondes sur des similitudes exterieures entre l'appareil d'état de sociétés ayant un faible developpement des forces productives et des rapports sociaux encore archaiques et des sociétés deja totalement engagées dans l'économie marchande et monétaire comme la chine des Ming en oubliant la méthode marxiste ...

c'est ça que je trouve aberrant dans la notion de mode de production asiatique c'est d'abandonner l'analyse des rapports de production pour caracteriser un mode de production à partir des ressemblances des superstructures politiques.

encore une fois les requins et les dauphins se ressemblent superficiellement, mais les dauphins ne sont pas des poissons .
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Message par canardos » 03 Sep 2006, 13:09

1) pour les incas je ne sais pas....faute d'écriture la documentation manque sérieusement je crois....

par contre, pour les azteques il y a de nombreuses preuves du systeme de terreur institué pour soumettre les peuples conquis et leur faire verser des tributs


2) pour l'égypte, comme tu dis, il n'y a pas de mode de production chimiquement pur, d'autant que la société egyptienne ancienne a évolué sur 3000 ans....il faut toujours prendre en compte la dimension temporelle et historique


3)il y a deux raisons pour laquelle je réfute le concept de mode de production asiatique:

a) on y fait entrer avec un chaussepied des sociétés trop differentes. Quel rapport tres lointain entre la chine clanique des zhou et celle des Ming?

8) au niveau méthodologique, la justification de ce concept repose plus sur des similitudes des formes d'organisation étatiques que sur une analyse des forces productives et rapports de production réels et des classes sociales. Elle fait l'impasse sur le processus dialectique d'évolution de ces sociétés.
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Message par canardos » 03 Sep 2006, 16:12

1) je ne me prononce pas sur l'empire inca, je connais tres peu...

mais sur l'empire azteque, si les espagnols ont pu gagner si rapidement, c'est que de nombreux peuples en ont profité pour se soulever. Les azteques n'assimilaient guere les peuples vaincus, ils les saignaient régulierement....il faut dire qu'ils étaent nouvellement arrivés et que ce genre d'empire durait en général tres peu, si l'on en juge par les civilisations mesoamericaines qui les ont précédés...

mais je veux bien admettre que le concept de mode de production asiatique s'applique pour définir ce genre de chefferie hereditaire militarothéocratique prelevant le surproduit social par l'imposition de communautés entière et assurant son pouvoir à la fois par la force et par l'accomplissement de grands travaux collectifs.

ce qui me pose probleme, c'est quand tu étend ce raisonnement, au dela de communauté restées à un stade relativement primitif en matiere de developpement des forces productives (pas de roue, pas de fer) au reste du monde..... ça peut se plaider encore pour l'égypte de l'ancien empire, c'est deja plus discutable pour l'égypte du nouvel empire apres les invasions des hittites et des hyksos, mais malheureusement le tonneau de goudron gache la cuillérée de miel...

2) tu écris
a écrit :Je ne saisis pas très bien ce que tu veux dire. Les rapports de production sont simples. Il y a d'un coté des communautés paysannes qui pratiquent l'agriculture, l'élevage, la pêche. De l'autre une bureaucratie étatique dirigé par un monarque absolu déifié, qui emploie par ailleurs des artisans, des ouvriers, des fonctionnaires (issus de la paysannerie ou qui se "reproduisent" au fil des générations.
Parfois il s'agit d'une théocratie, parfois les différents corps : prêtres, fonctionnaires, militaires etc sont nettement séparés avec des hierarchies parralléles, comme chez les Incas.


Ces systèmes se distinguent clairement du féodalisme et de l'esclavagisme, ce qui justifie un concept particulier.

Quant à leur dynamique, ces système étaient relativement statiques. Mais, au fil du temps, on peut penser que la bureaucratie centralisatrice, issue à la fois des anciennes chefferies du peuple dominant les Incas et des chefferies des peuples dominés par eux, dans une sorte d'osmose voulue par le pouvoir central, aurait tendance à se transformer en aristocratie héréditaire. Mais l'Empire inca n'a duré que deux siècles. Et, d'une façon générale, ces systèmes étaient fragiles et instables car ils étaient soumis à de puissantes forces centrifuges. Une rivalité entre deux prétendants au pouvoir (il n'y avait pas de droit d'ainesse) poouvait suffire à compromettre l'équilibre du système et c'est ce qui a permis aux conquistadores de s'imposer relativement facilement.

Quand ces "régimes" s'effondraient, ils laissaient la place à de nouveaux systèmes semblables. C'est le cas de toutes les villes-Etats qui ont précédé les Incas en Amérique du sud et dont on sait très peu de choses. Par exemple Tiwanaku en Bolivie ou Chan Chan sur la côte du Pérou, qui furent des civilisations tout aussi brillantes, auxquelles les INcas ont emprunté des techniques. Autant qu'on peut le savoir, elles fonctionnaient sur le même modèle.



je résume ta pensée telle que je la comprend.....on retrouve l'opposition sociétés "chaudes" sociétés "froides" chere à Levi-Strauss, avec un clivage qui va bien plus loin que celui que faisait Levi-Strauss qui se limitait aux sociétés "primitives".

d'un coté des sociétés dynamiques à histoire, les sociétés européennes avec les stades esclavagistes, féodaux et capitalistes, et de l'autre coté "les restes du monde" pour reprendre l'expression grolandaise, des société statiques, sans histoire, qui ne faisanient que de reproduire à l'infini leurs propres contradictions car
a écrit :Quand ces "régimes" s'effondraient, ils laissaient la place à de nouveaux systèmes semblables


si ce n'est pas une vision européocentriste, bien plus européocentriste que la vision partiellement erronées qu'ont pu avoir marx et engels à leur époque fautes de données suffisantes.

ton raisonnement omet de le fait que dans la plupart de ces sociétés la classe dominante a une existence propre en tant que propriétaire foncier meme si elle profite aussi de la possession de l'appareil d'etat pour beneficier de charges lucratives comme dans la monarche absolue française. Tu evacues aussi la question de la nature de ces bureaucraties d'état et des classe sociales qui les composent et qui les controlent. tu gommes completement ledeveloppement historique de ces sociétés au risque d'oublier que la chine et l'inde du 16ième siècle étaient plus developpées économiquement et techniquement que l'europe.

Autrement dit je veux bien entendre parler d'un mode de production "asiatique" encore que tes seuls exemples n'aient rien d'asiatique, à condition de le circonscrire à un nombre limité de sociétés assez peu évoluées techniquement et notamment d'éviter de l'étendre aux sociétés chinoises et indiennes, pays qui possedaient une économie largement monétaire et une bourgeoisie marchande bien avant l'europe.

je pense au contraire que le fait que la révolution industrielle ait eu lieu en europe a découlé d'un certains nombre de facteurs conjoncturels plus politique qu'économiques et que si elles n'avait pas eu lieu la, ces facteurs conjoncturels auraient pu etre réunis ultérieurement dans d'autres sociétés que l'évolution des forces productives aurait également fait evoluer car une grande partie des conditions objectives pour l'avenement au pouvoir de la bourgeoisie étaient également réunies.
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Message par Jacquemart » 03 Sep 2006, 17:41

a écrit :Cela permet de rappeler que les classe sociales se forment dans la division du travail. La propriété juridique n'est que la consécration formelle d'une situation.

Pas bien d'accord avec ça... et avec bien d'autres choses, mais là, j'ai peur de ne pas pouvoir suivre le rythme effréné de la discussion. Enfin, des discussions, devrais-je dire, parce que j'ai l'impression que le sujet du fil, c'est "l'Histoire de l'humanité". Rien de moins. Et je crains fort d'être épuisé avant le sujet.
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