ABIDJAN (AFP) - mardi 05 septembre 2006 - 19h59 - Le déversement de plusieurs tonnes de déchets toxiques, peut-être venus de l'étranger, dans des décharges d'Abidjan, a provoqué la mort d'au moins deux personnes et intoxiqué des centaines d'autres, embarrassant un gouvernement ivoirien accusé de laxisme par les victimes.
Au moins deux fillettes sont mortes lundi après avoir inhalé ces produits toxiques déversés depuis trois semaines dans des décharges publiques d'Abidjan, a-t-on appris mardi de source hospitalière.
"Il y a eu deux morts, une fillette de quatre ans et une autre de neuf ans au CHU (Centre hospitalier et universitaire) de Cocody", l'un des quartiers chics de la capitale économique ivoirienne où les produits ont été déversés, a affirmé à l'AFP un responsable du CHU de Cocody sous couvert de l'anonymat.
L'affaire a été dévoilée ces derniers jours dans la presse d'opposition, et a pris de l'ampleur à mesure que l'on recensait des victimes d'intoxication par centaines dans la capitale économique ivoirienne.
Selon plusieurs quotidiens, dans la nuit du 19 au 20 août, le Probo Koala, un navire affrété par une société immatriculée aux Pays-Bas, aurait déversé plusieurs tonnes de déchets très toxiques dans les décharges publiques d'Akouédo, de la zone industrielle de Vridi et du plateau Dokoui.
Depuis, plusieurs centaines d'habitants des quartiers bordant ces décharges ont été victimes d'intoxications.
Lundi après-midi, alors que le gouvernement continuait de garder le silence, une source hospitalière a indiqué à l'AFP que le centre hospitalier universitaire (CHU) du quartier de Cocody avait reçu, depuis le jeudi précédent, plus de 340 personnes intoxiquées par l'inhalation de ces déchets.
Au CHU de Treichville, un autre quartier d'Abidjan, on indiquait également qu'un nombre inconnu de personnes intoxiquées avaient été prises en charge.
Dans l'après-midi, plusieurs centaines de personnes ont manifesté sur le plateau Dokoui en dénonçant le "laxisme" du gouvernement.
Réclamant "la vérité et la transparence", les manifestants, en majorité des jeunes, ont érigé des barrages, notamment autour de la décharge, obligeant les automobilistes à rebrousser chemin.
Rassemblés dans le calme, ils brandissaient des pancartes barrées des slogans "Banny (Charles Konan Banny, Premier ministre, ndlr) et son gouvernement, notre vie vous appartient", "Produit toxique ou armes bactériologique, on meurt" ou encore "Pour de l'argent on nous tue".
Sur place, de nombreux riverains interrogés par l'AFP se sont plaints de problèmes d'estomac, de saignements du nez ou de difficultés respiratoires.
Le directeur du zoo d'Abidjan, le seul du pays, situé dans le quartier, s'est de son côté inquiété des conséquences de cette pollution sur ses animaux.
Dans la soirée, le ministre ivoirien de la Santé a fini par admettre que des déchets toxiques avaient bien été déversés sur plusieurs sites d'Abidjan.
"Le gouvernement continue à chercher tous les sites où ces déchets on été déversés", a déclaré le ministre, Rémy Allah Kouadio, à la télévision publique ivoirienne.
"Effectivement, ces déchets sont composés de produits toxiques", a-t-il admis, ajoutant: "Nous en sommes conscients, mais les dispositions sont en train d'être prises au niveau de la santé".
"La Côte d'Ivoire n'a jamais eu à faire face à un tel fléau", a-t-il souligné, en précisant que le gouvernement mettait "à la disposition de la population des médicaments de premières nécessité".
Mardi après-midi, on annonçait de source gouvernementale la tenue pour mercredi à Yamoussoukro (centre) d'un conseil des ministres extraordinaire consacré à cette pollution.
L'opposition ivoirienne a vivement réagi lundi par la voix du Rassemblement des Républicains (RDR), qui a affirmé dans un communiqué que les autorités portuaires "avaient été avisées du contenu exact du bateau et savaient qu'il ne s'agissait pas d'eaux usées normales mais de déchets toxiques" contenant notamment de l'"acide sulfurique" et des "éléments chlorés".
Estimant le nombre de victimes à "550 à ce jour", le RDR a condamné la "légèreté" des autorités et exigé du gouvernement "la publication des résultats des analyses et enquêtes en cours le plus rapidement possible" et une "prise en charge totale des victimes".
