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[center]La biodiversité gavée de promesses[/center]
Par Sylvie BRIET
QUOTIDIEN : Mercredi 20 septembre 2006
En pointe sur l'environnement pour ses engagements et ses intentions, l'Europe n'obtient qu'une très mauvaise note sur le terrain. Notamment dans ses actions de développement. Ses agissements sont même parfois contre-productifs. Comment empêcher le développement de nuire à l'environnement ? Ou, en renversant la question, un développement sans conservation de la biodiversité est-il viable ?
Depuis hier, à Paris, une conférence internationale se penche sur le sujet.
«Malheur parfait». La Commission européenne se veut efficace et appuie en priorité les infrastructures : projets de barrages, de routes, de chemins de fer.
Grand absent dans ces objectifs : l'environnement. A tel point que parfois les impacts négatifs l'emportent sur les aspects positifs. Jean-Claude Jacques, de l'Union mondiale pour la nature (UICN), l'ONG qui a pris en charge l'organisation de la conférence, cite l'exemple de la Côte-d'Ivoire : «L'exemple du malheur parfait. Il a été décidé, il y a une quinzaine d'années, de financer une route en pleine forêt dense pour désenclaver les villes du littoral. L'étude d'impact conclut qu'il faut classer une partie de la forêt, toute la bande le long de la route ; ce n'est pas fait. Six ans après la construction de la route, la forêt a reculé de façon vertigineuse. Les populations rurales se sont installées et y cultivent cacao et café. Il fallait un programme de suivi à long terme, ouvrir une partie de la forêt aux cultures et en protéger une autre.»
Dans d'autres domaines, la Commission affiche des bonnes intentions qui se heurtent aux réalités : elle prévoit de revoir les accords de pêche entre pays africains et pays européens, cette fois dans un esprit de gestion durable. «Mais si les Européens s'imposent des quotas, les Chinois et les Japonais vont arriver sur le marché», note Jean-Claude Jacques. Même difficulté avec la surexploitation des forêts. Une des solutions est l'écocertification, qui permet de savoir d'où vient le bois. Mais ce n'est pas gérable à grande échelle, les pays du Sud reprochant aux pays développés d'imposer leur gestion. Seulement 1 % des importations de bois en Europe sont écocertifiées.
Le fossé entre les engagements européens et les résultats s'élargit à mesure que la dégradation de l'environnement s'accentue. Et de manière anecdotique mais révélatrice, alors qu'une formation obligatoire en environnement est prévue par la Commission pour tout fonctionnaire travaillant sur ces domaines, la Cour des comptes européenne pointe l'absentéisme qui règne dans ces cours. Plus sérieusement, moins de 0,15 % du budget total de la Commission pour les actions extérieures est alloué à l'environnement. Les fonds versés augmentent, mais les causes de sa destruction aussi.
Certes, il y a des données rassurantes : aujourd'hui, 11 % de la superficie émergée de la terre est protégée, c'est plus que jamais. Quelques espèces emblématiques comme les pandas, les baleines ou les éléphants augmentent. Mais les études montrent le déclin de population de la majorité des espèces.
Imagination. La coopération européenne au développement devra faire preuve d'imagination pour tenir ses nombreuses promesses. Pour n'en citer qu'une : en 2001, à l'occasion du Conseil de Göteborg, l'Union européenne et les Etats membres se sont engagés à mettre un terme à la perte de la biodiversité biologique avant 2010. On sait déjà que c'est impossible.