Dans l'huma
Répression . En lutte pour obtenir une indemnité de 30 000 euros, les 320 salariés de Thomé-Génot ont été évacués manu militari hier matin à Nouzonville. En dépit des promesses...
Nouzonville (Ardennes),
envoyé spécial
Scènes d’occupation militaire dans une petite bourgade tranquille des Ardennes : à l’aube, hier, vers 6 h 30, plus de 300 CRS et gendarmes ont envahi Nouzonville et, dans un climat proche de celui d’un couvre-feu, plusieurs escadrons, bardés de matraques, d’armes à feu, de masques à gaz, de boucliers et de Flash-Balls, ont pris possession des ateliers Thomé-Génot. Après une nuit de veille, la petite dizaine d’ouvriers présents dans l’usine à cette heure n’ont pas pu empêcher cette évacuation. « Opération de sécurité civile », argue la préfecture. « Provocation suprême et humiliation inutile », rétorquent, unanimes, les salariés, les syndicats et les forces progressistes du département.
Double langage à Paris
Depuis la mise en liquidation judiciaire, le 24 octobre, les 320 salariés de l’équipementier automobile, rachetés en 2004 par le fonds d’investissement américain Catalina, se mobilisent pour arracher une indemnité de départ de 30 000 euros (lire aussi L’Humanité d’hier). Après plusieurs rencontres infructueuses avec les autorités préfectorales des Ardennes, les représentants de l’intersyndicale CFDT-CGT-FO de Thomé-Génot ont décroché un rendez-vous, mercredi soir, à Paris, avec des conseillers des ministères de l’Emploi et de l’Industrie. De retour dans leur usine, mercredi vers 23 h 30, les délégués syndicaux ont tenté de calmer les troupes exaspérées par une première opération policière d’encerclement de l’usine plus tôt dans la journée. Ils n’avaient qu’un et un seul message : attendre la réunion convoquée ce vendredi par Gérard Larcher et François Loos qui, promettent-ils, doivent exposer aux parlementaires ardennais un « plan global » pour l’emploi dans le département. « On en a ras le bol, considérait ainsi dans la nuit de mercredi à jeudi Larry Seré, porte-parole de l’intersyndicale, mais on doit attendre. Le gouvernement ne répondra que vendredi sur notre revendication. D’ici là, on doit rester responsables et ne rien casser. On verra par la suite ce qu’il advient. »
De Guantanamo à Nouzonville
En fait, ils ne le comprendront que plus tard, quand le bâton sera là, la carotte sera cuite. Deux heures après le début de l’opération, quand la presse est autorisée à pénétrer dans le périmètre de l’usine, les quelques salariés, cantonnés sous bonne garde dans l’entrée de l’usine, laissent exploser leur colère et leur dépit : « On est des prisonniers maintenant. Quand on veut aller aux toilettes, on est escortés par deux CRS comme si on était des terroristes de Guantanamo. Nous, on ne voulait pas de l’épreuve de forces, on était juste là pour garder notre entreprise et voilà comment on nous traite ! On nous avait promis une réponse vendredi sur notre revendication des 30 000 euros, mais la réponse, on l’aura eu plus tôt, dès ce jeudi matin. C’est « non, et allez vous faire foutre ! » C’est vraiment, mais vraiment dégueulasse... » De leur côté, les responsables syndicaux du département reviennent ulcérés d’un rendez-vous à la préfecture. « À Paris, on nous avait garanti qu’il n’y aurait pas d’intervention avant la fin de la semaine, mais l’État n’est même pas capable de tenir parole », dénonce Jean-Louis Joffrin de la CGT. « Ce sont les pouvoirs publics, et absolument pas les ouvriers, qui foutent la merde chez Thomé-Génot, s’étrangle Jean-Marie Berthier (CFDT). On le voit ce matin avec ce déploiement policier dans la ville absolument inouï. »
Un peu plus tard, alors que les délégués syndicaux parviennent très difficilement à franchir les barrages - il leur faut, avec le concours de l’avocat des salariés, agiter la menace de poursuites pour délit d’entrave -, un homme, sans aucun doute, de bonne volonté, propose des places gratuites, réservées aux « Thomé-Génot », pour les prochains matchs du club de foot de Sedan, mais il se fait vite rabrouer par une ouvrière : « Ça suffit, les trucs pour nous divertir et nous amuser, on n’attend qu’une et une seule chose, c’est le fric ! »
*PCF. Sylvain Dalla Rosa, secrétaire fédéral du PCF des Ardennes, dénonce une « agression inadmissible ». « Le gouvernement et la préfète, avec la complicité des parlementaires UMP, ont renié leur parole et tentent de réduire les salariés au silence. Les Ardennais, et particulièrement les Thomé-Génot, ont raison de refuser la désindustrialisation de notre département et la casse de l’emploi. » A cette fin, il appelle « toutes les forces de gauche, tous les élus à s’unir . »
Thomas Lemahieu