boudieu, bourdieusien, néo bourdieusien

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par Louis » 03 Déc 2006, 13:03

J'aimerais bien ouvrir une discussion "non polémique" (ou la moins polémique possible) sur l'apport et les limites des analyses scientifiques "sociales" de Bourdieu, en particulier des notions de "champ" et "d'habitus"

Le travail de bourdieu lui meme est partagé entre deux périodes assez distinctes dans ses objets d'étude. La premiére période est celle ou il tente, avec les outils de la sociologie, de construire une "sociologie de la domination", c'est a dire les moyens, valeurs, idéologies, avec laquelle la bourgeoisie assure son pouvoir quotidien, celui avec lequelle les classes laborieuses acceptent ces valeurs "comme les leurs" (donc un role idéologique et pratique important) Bien entendu, Marx a déja soulevé ces questins, mais certainement pas "de façon pratique", en particulier pour une méfiance a l'égard de la sociologie naissante (et son "positivisme", qui continue d'ailleurs a faire bien des ravages) Une autre période assez distincte est celle ou il entre dans une période de "mobilisation sociale" (qui donnera le grand mouvement de 1995) et ou il s'interressera plus au mouvement "des dominés" en tant que tel

la sociologie de la domination

boudieu la reproduction
Un des premiers travail important est celui que Pierre Bourdieu effectue sur le systeme scolaire, ou il s'oppose en particulier aux idéologues du pcf sur le role de l'école dans notre société Celle là, pour bourdieu, a comme seul but, celui degparvenir a la reproduction de l'ordre social a partir de mécanisme latents d'acceptation

"La reproduction des inégalités sociales par l'école vient de la mise en œuvre d'un égalitarisme formel, à savoir que l'école traite comme "égaux en droits" des individus "inégaux en fait" c'est-à-dire inégalement préparés par leur culture familiale à assimiler un message pédagogique"

Pierre Bourdieu, La reproduction. 1966

c'est à cette période qu'il met en valeur le concept de "violence symbolique"

"La violence symbolique est une violence qui s'exerce avec la complicité tacite de ceux qui la subissent et aussi, souvent, de ceux qui l'exercent dans la mesure où les uns et les autres sont inconscients de l'exercer ou de la subir"

Mais aussi sur un rapport critique a lui meme (et a sa catégorie sociale)

Les intellectuels sont sans doute parmi les plus mal placés pour prendre conscience de la violence symbolique (notamment celle qu'exerce le système scolaire) parce qu'ils l'ont eux-mêmes subies plus intensément que la moyenne des gens et parce qu'ils continuent à contribuer à son exercice

Les intellectuels se trouvent toujours d'accord pour laisser hors jeu leur propre jeu et leurs enjeux

(Question de sociologie 1988)


Outre ce livre fondateur, et facile a lire (s'pas CP) on peut citer pour cette meme période "la distinction" (sur les moyens au travers desquels la culture bourgeoise s'impose a l'ensemble des catégories sociales)

la sociologie des dominés

la misére du monde est sans doute fondateur d'un certain renouveau de la pensée critique (au dela des cercles marxistes "traditionnels") au travers de multiples contributions qui essayent d'établir une sorte de cartographie de la "misére moderne" et des formes spécifiques qu'elles pouvaient prendre

"Qu'y a-t-il de commun entre deux jeunes des cités du Nord, François et Ali, entre un ouvrier d'origine tunisienne et Danielle, employée au tri postal, ou encore entre un prof de lettres et un syndicaliste ?

Même si la souffrance sociale la plus visible se rencontre chez les plus démunis, il y a aussi des souffrances moins visibles à tous les niveaux du monde social. Les sociétés modernes — et c'est l'une de leurs propriétés majeures — se sont différenciées en une multitude de sous-espaces, de microcosmes sociaux, indépendants les uns par rapport aux autres. Chacun a ses hiérarchies propres, ses dominants et ses dominés. On peut appartenir à un univers prestigieux, mais n'y occuper qu'une position obscure. tre ce musicien perdu dans l'orchestre qu'évoque la pièce de Patrick Süskind La Contrebasse. L'infériorité relative de ceux qui sont inférieurs parmi les supérieurs, derniers parmi les premiers, est ce qui définit les misères de position, irréductibles aux misères de condition, mais tout aussi réelles, et profondes. Ces misères relatives ne sont pas relativisables."

Entretien de P Bourdieu a partir de son livre "la misére du monde" 1993


deux de ses élèves vont avoir la aussi une contribution décisive, ne serait ce qu'en réintroduisant dans la sociologie des objets qui y étaient devenus étranger (quoi, vous parlez encore de "classe ouvrière

beau et pialoux Retour sur la condition ouvriére

Alors que "la misére du monde" était un bouquin pré 95, le fameux "retour sur la condition ouvriére" est clairement post 95, dans la mesure ou il recommance a parler de concepts largements disparus entre les années 80/90 (lutte de classe, classe ouvrière)

Voila quelques éléments qui balisent la réflexion sur l'oeuvre de bourdieu Mais d'autres éléments peuvent etre discutés, en particulier la sociologie de l'immigration (avec l'oeuvre de Abdelmalek Sayad) et la sociologie de la science
Louis
 
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Message par Ottokar » 04 Déc 2006, 17:13

Oui, et en dehors de descriptions parfois justes et pertinentes, parfois pas et de prises de positions sympathiques, essentiellement à la fin de sa vie.
Ottokar
 
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Message par Louis » 04 Déc 2006, 18:05

a écrit : quelles choses les théories de Bourdieu auraient, selon toi, apporté de plus que le marxisme à la compréhension de la société ?



De "plus" rien De nouveau (et tout simplement parce que les problemes ne se posaient pas en ces termes du temps de marx ou d'engels) certainement des outils pour intégrer certains phénoménes a la panoplie marxiste (sauf a penser que le marxisme est une religion, avec des textes sacrés, et pas une science, qui progresse au fur et à mesure)

Donc voila quelques éléments "nouveaux"

Une compréhension plus fine (et plus actuelle) des mécanismes de dominations culturelles D'ailleurs je ne pense pas (du tout) que ce qu'apporte bourdieu "remet en cause" le marxisme, ou en propose une nouvelle version, ou qu'un "bourdieusisme" se substituerais au marxisme, mais je me demande (et pas qu'avec lui d'ailleurs) ce que les sociologues par exemple peuvent nous apporter d'intelligence dans les situation actuelles De la part de Bourdieu, c'est en particulier le role de l'école (que marx ne pouvait pas analyser a son époque, et pour cause) Mais dans le cas de ses continuateurs (je pense en particulier a Abdelmalek sayad) on peut aussi citer le probleme de l'immigration (la aussi, marx ne nous a pas laissé de lumiéres particulieres, et pour de bonnes raisons !)
Louis
 
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Message par Louis » 04 Déc 2006, 19:26

("vérié" a écrit :Marx... et les marxistes nous ont laissé des méthodes pour comprendre la société... et pour essayer de la changer. Certes, Bourdieu et ses disciples, de meme que tout un tas d'autres gens, ont étudié des phénomènes que ne connaissaient pas Marx, Engels, Trotsky et cie. Mais il ne faut pas confondre méthodeset objets d'étude. Et je ne saisis toujours pas pourquoi ses méthodes seraient novatrices.

Deja il me semble que de nouveaux objets d'études appellent une transformation (qui n'est pas forcément une substitution, mais un renouvellement) des méthodes anciennes. Soit selon moi on considére le marxisme comme un dogme, qui s'écroule dès qu'on modifie une virgule, soit c'est une théorie vivante, en marche, qui incorpore donc de nouvelles approches et de nouveaux moyens. Pas pour faire joli, mais simplement parce que le prolétariat par exemple est majoritairement lettré et que ça a des conséquences dans la lutte de classe, qu'une partie du meme prolétariat vient d'anciennes colonies, que la télévision est devenue un moyen de diffuser de l'idéologie que ni marx ni engels ni lénine ni trotsky ne connaissaient... Donc la question c'est comment on traite les nouvelles sciences qui en rendent comptent, en tenant compte évidemment de la gangue idéologique qui pése sur eux Je n'ai jamais dit qu'on devait prendre ce que disait bourdieu comme agent comptant, j'ai dit qu'on devait voir la dedans ce qu'il y avait de scientifique pour s'en inspirer dans notre façon de penser et d'intervenir vis a vis de ces "nouveaux problémes" Tu t'es intéressé aux "problémes des cités" Il y a la dedans tout un tas de choses parfaitement pensable à partir du marxisme du XIX x*siécle Mais tout un tas de nouveaux facteurs sont aussi a incorporer la dedans (les problémes d'identité, les ghettos ethniques etc) Et tu ferais bien de lire Abdelmalek Sayad....
Louis
 
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Message par Louis » 05 Déc 2006, 10:39

La comme je le disais, c'est plutot Abdelmalek Sayad qui a dit quelque chose de plutot pertinent (Abdelmalek Sayad était l'ami et l'éleve (enfin, un des) de bourdieu ) Bon, il est (AS) mort en 1998, et ses recherches ne portent pas sur "l'islamisme", directement

Sinon, j'essaierais (mais là je dois bosser) de vous expliquer peut etre plus en détail la différence entre violence symbolique et idéologie, et ce que la premiére peut apporter a la seconde (donc pas "remplacer")
Louis
 
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Message par Sterd » 05 Déc 2006, 12:25

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