les réserves naturelles à l'abandon

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[center]Les réserves naturelles se plaignent d'être délaissées par l'Etat[/center]

LE MONDE | 26.12.06 | SAINT-MARTIN-DE-CRAU (Bouches-du-Rhône) ENVOYÉ SPÉCIAL


La réserve naturelle des Coussouls de Crau, 7 400 hectares de steppes qui ressemblent à ce qu'elles étaient au néolithique, quand elles servaient déjà de pâturages, résiste tant bien que mal au grignotage constant des villes, des zones logistiques, des exploitations d'arbres fruitiers ou des rave parties qui s'y déroulent avec la bénédiction de la préfecture.

  Mais ses gestionnaires, qui opèrent dans le cadre d'une association unique en France entre la chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône et le Conservatoire-Etudes des écosystèmes de Provence, sont inquiets. Ils craignent de ne pouvoir remplir la mission de sauvegarde qu'ils effectuent dans le cadre de la politique environnementale de l'Etat, tant le budget 2007 alloué aux réserves naturelles leur semble maigre.

Le directeur de la réserve, Jean Boutin, estime que les 200 000 euros qui lui sont alloués annuellement depuis 2005 seront largement insuffisants. Avec cette somme, il doit remplir "quatre missions essentielles : la police et l'entretien de la réserve, le suivi scientifique des oiseaux et des éleveurs, ainsi que l'information", dont l'écomusée de Saint-Martin-de-Crau, siège de la réserve, est l'outil majeur. Selon lui, le double de cette somme serait nécessaire.

Cependant, depuis qu'une alliance a été scellée entre agriculteurs et protecteurs de la nature, la réserve, qui est en train de négocier un accord avec les sociétés de chasse, fonctionne bien. Grâce à elle, il reste encore dans la Crau 160 éleveurs ovins, dont 32 sur les Coussouls proprement dits. C'est dire que l'essentiel des 140 000 brebis du département y broutent : il s'agit de la plus grande concentration d'élevage pastoral sur le territoire français, et la seule subsistant en plaine.

Même la Camargue voisine n'est plus fréquentée par ces grands troupeaux de brebis, de boucs et de chèvres du Rove qu'on croise encore sur les petites routes des Coussouls. On trouve aussi, entre les haies de cyprès qui barrent ces paysages plats entre Alpilles et mer, de nombreux insectes, reptiles ou oiseaux comme le faucon crécerelle ou le ganga cata, que l'on ne trouve plus en France que dans cette grande plaine dont l'aspect monotone cache une très grande diversité de milieux.

SUBVENTIONS EN BAISSE

Les inquiétudes des responsables de la réserve sont partagées par l'association Réserves naturelles de France, qui regroupe les organismes gestionnaires des réserves à travers tout le pays. Dans une lettre cosignée avec la Ligue de protection des oiseaux, la Fondation Nicolas-Hulot et WWF-France, elle accuse l'Etat de "délaisser les associations déjà engagées dans la sauvegarde de la biodiversité" et assure que les subventions allouées à celles-ci ont baissé de 2002 à 2005, "les forçant à se séparer d'une part de leurs forces vives".

Si l'enveloppe dégagée en 2007 par le ministère de l'écologie pour "la gestion des milieux et de la biodiversité" affiche une augmentation de 32 % par rapport à 2006, les parcs nationaux d'outre-mer ou les zones Natura 2000 en sont les principaux bénéficiaires. Les réserves naturelles voient leurs moyens stagner ou presque (+1,5 %), alors même qu'elles sont de plus en plus nombreuses et étendues.

En Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), où l'on dénombre dix réserves naturelles, le budget 2007 reste ainsi à peu près stable, alors que les missions deviennent de plus en plus lourdes : deux réserves sont en cours d'installation, l'une à Ristolas dans le Queyras (Hautes-Alpes), l'autre dans le marais du Vigueirat (Bouches-du-Rhône).

Selon Didier Rousset, directeur délégué de l'environnement pour la région PACA, les budgets pour les réserves, dont les arbitrages pour 2007 ne sont pas achevés, ont crû "de façon très significative entre 2004 et 2006". Il assure que la réserve des Coussouls "bénéficiera encore d'un budget augmenté de façon significative", mais concède que "la situation n'est pas mirobolante, et pas à la hauteur de ce qu'attendent les gestionnaires".

Michel Samson