a écrit :
[center]Changement climatique : les scénarios s'affinent[/center]
LE MONDE | 27.12.06 |
n 2100, le monde sera plus chaud, le niveau des mers aura augmenté et les phénomènes météorologiques extrêmes seront plus fréquents. C'était la conclusion du dernier rapport du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC, IPCC en anglais), publié en 2001.
Ces 2 500 scientifiques, sollicités par l'ONU, persistent. Ils mettent actuellement la dernière main à leur quatrième rapport, dont les conclusions du volet scientifique, dites "à l'attention des décideurs", seront discutées à Paris, fin janvier 2007.
Après le Sunday Telegraph britannique, à la mi-décembre, le journal El Pais révèle, dans son édition du mardi 26 décembre, des éléments de ce document. Selon le quotidien espagnol, le GIEC estime que la température moyenne du globe devrait s'élever "de 2 à 4,5 degrés, avec une valeur plus probable de 3 degrés", d'ici à 2100. Les experts jugeraient "très improbable que l'augmentation soit inférieure à 1,5 degré", mais aussi que des hausses d'une valeur supérieure à 4,5 degrés "ne peuvent être exclues".
En ce qui concerne l'élévation du niveau des mers, consécutif à la dilatation de l'eau sous l'effet de la chaleur et à la fonte d'une partie des calottes polaires, les experts tableraient, selon El Pais, sur une hausse de 19 à 58 centimètres d'ici la fin du siècle.
Ces estimations paraissent plus resserrées que celles figurant dans le rapport du GIEC publié en 2001 : la fourchette de hausse des températures en 2100 allait alors de 1,4 à 5,8 degrés, tandis que l'élévation du niveau des mers variait de 9 à 88 centimètres selon les modélisations.
Faut-il porter crédit aux révélations d'El Pais ? Les chercheurs français qui ont participé à l'élaboration du rapport du GIEC se sont engagés à ne pas le divulguer avant son approbation finale et rechignent à commenter ces chiffres.
"Les documents qui circulent actuellement ne sont pas tous finalisés", prévient ainsi Michel Petit, président de la Société météorologique de France et responsable pour le GIEC du thème Incertitudes et gestion du risque climatique. L'élaboration du rapport nécessite en effet plusieurs navettes entre ses rédacteurs - des chercheurs choisis pour leur compétence - et leurs collègues et experts nationaux, qui peuvent émettre des remarques jusqu'à la dernière mouture.
En l'occurrence, le "résumé pour les décideurs" de la partie proprement scientifique du rapport vient tout juste d'être examiné par les Etats, qui ont adressé leurs observations. "Sur la quinzaine de pages que compte ce document, la France, à elle seule, a adressé une quarantaine de remarques, note Michel Petit. Le rapport final risque donc d'être différent de l'avant-dernière version."
D'autant que la conférence prévue à Paris, fin janvier, aura précisément pour fonction de relire, ligne par ligne, ce fameux résumé, qui condense la connaissance accumulée sur le changement climatique et se doit d'aborder les sujets qui fâchent - à savoir le rôle des activités humaines dans ces évolutions.
"Nous publierons la version avant et après discussion, indique le glaciologue Jean Jouzel, un des représentants français au GIEC. C'est la meilleure façon de se rendre compte que ces discussions portent essentiellement sur des questions de forme, et non sur des remises en cause des résultats scientifiques." Ceux-ci doivent permettre à deux autres groupes d'experts du GIEC, spécialisés dans l'étude, pour l'un, des impacts du changement climatique et, pour l'autre, des moyens de minimiser la portée de celui-ci, de se prononcer à leur tour. Le rapport final du GIEC ne sera disponible que fin 2007.
L'économiste Jean-Charles Hourcade, qui participe au groupe 3 du GIEC, estime que les chiffres cités par El Pais sont conformes à ce qu'il connaît du rapport. Si les fourchettes d'évaluation de la hausse des températures et du niveau des océans sont plus étroites que dans le rapport de 2001, c'est parce que les scénarios d'émissions de gaz à effet de serre retenus alors étaient extrêmes. "Cette fois, nous avons travaillé sur des scénarios d'émissions plus resserrés", constate-t-il.
En revanche, souligne le chercheur, la sensibilité climatique, c'est-à-dire la hausse de température pour une augmentation donnée de la concentration dans l'atmosphère de gaz à effet de serre, a été revue à la hausse. "Cela signifie aussi que les chances pour que l'on se trouve en 2100 dans les fourchettes basses prévues par les modèles sont plus faibles", précise-t-il.
Ces modèles comportent encore de grandes incertitudes, commente Michel Petit : "Les fourchettes vont de un à trois en ce qui concerne la réponse à un doublement de la concentration de CO2." "On nous reproche parfois de prendre les options les plus pessimistes, note-t-il. C'est pourtant comme cela qu'on procède quand on veut construire un pont solide."
Hervé Morin
a écrit :
[center]La température mondiale devrait battre un record en 2007[/center]
Agence France-Presse Londres Le mercredi 03 janvier 2007
La température moyenne à l'échelle mondiale pourrait atteindre un niveau record en 2007 pour se situer à 14,54 degrés Celsius, détrônant ainsi l'année 1998, selon les services météorologiques britanniques.
«La température mondiale en 2007 devrait être de 0,54 degré Celsius au-dessus de la moyenne long terme (1961-1990) de 14,0 degrés Celsius», a indiqué jeudi l'organisme météorologique dans un communiqué.
«Il y a 60 % de probabilité que 2007 soit aussi chaude ou plus chaude que la plus chaude actuellement», a-t-il ajouté. Le record remonte à 1998, lorsque la température avait dépassé de 0,52 degré la moyenne long terme.
Au cours des sept dernières années, les prévisions annuelles de température de la planète effectuées par la météo britannique ont été «remarquablement précises» avec une marge d'erreur de seulement 0,06 degré.
«Il y a 95 % de chances que la température se situe entre 0,38 et 0,70 degré au-dessus de la normale», ont souligné les services britanniques.
«Le record potentiel de 2007 découle en partie de l'intensité modérée d'El Nino qui s'est déjà installé dans le Pacifique, et qui devrait persister au cours des premiers mois de 2007», ont-ils ajouté.
Ce phénomène climatique est lié à un réchauffement des eaux du centre et de l'est de l'Océan Pacifique, perturbant le climat des côtes occidentales de l'Amérique latine à l'Afrique de l'Est, et peut avoir une influence sur le climat mondial.
Le Royaume-Uni a déjà enregistré pour sa part un record de température en 2006 avec une moyenne de 9,7 degrés Celsius, soit 1,1 degré de plus que la moyenne de long terme.
a écrit :
[center]L'Australie à sec[/center]
LE MONDE | 03.01.07 |
ENVOYÉE SPÉCIALE
Minutieusement, ils consignent sur un calendrier chaque goutte d'eau tombée. La dernière pluie remonte au 16 novembre : 2 mm. Le 3 novembre : 3 mm. Octobre : rien. Septembre : 11 mm au total. Août : 4 malheureux millimètres. Clem et Cheryle Hodges exploitent depuis trente-huit ans la ferme de Toongarah, à six heures de route de Sydney. Ils n'ont jamais connu pareil désastre. Et ni leurs parents ni leurs grands-parents n'ont vu leurs terres aussi desséchées.
Il existe bien une campagne australienne - le pays ne se résume pas au désert rouge de l'outback. C'est un patchwork de champs de céréales, de pâturages, de vergers fruitiers et de vignes, qui était encore fertile et vert il n'y a pas si longtemps. Depuis cinq ans, tout a viré au sépia. L'année 2006 a battu tous les records. Les débits des rivières Murray et Darling, qui alimentent toute la région, atteignent à peine 10 % de leur niveau moyen.
Les ruisseaux sont taris. Dans les prairies, l'herbe rare est couleur paille. Le blé et l'orge n'ont pas poussé, ou si mal, sur la terre craquelée. De grands eucalyptus morts tendent leurs branches nues vers le ciel d'un bleu impitoyable. Le moindre pas soulève un nuage de poussière rougeâtre. Les mouches avides d'humidité viennent se coller aux yeux et aux bouches des hommes et des bêtes.
La famille Hodges vient de finir sa récolte. Ce fut vite fait : les rendements ont chuté de 90 %. "Cette parcelle de blé a produit 0,5 tonne à l'hectare, contre 3 tonnes en temps normal, commente Clem au volant de son vieux camion. Celle-là, on ne s'est même pas donné la peine de la récolter, l'orge n'est pas sortie de terre."
Tandis que les hommes sont aux champs, les femmes luttent au jardin. En Australie, jardiner est chose sacrée. Les pelouses grillées désespèrent Cheryle, qui tente avec acharnement de maintenir en vie deux rosiers aux tiges molles et quelques légumes plantés dans des pneus pour mieux retenir l'humidité. Pour boire et se laver, il y a encore de l'eau de pluie dans les citernes, mais pour combien de temps ? Nous ne sommes qu'au début de l'été. La source de la ferme, trop salée, ne sert que pour le bétail.
"Cette année sera la pire de toute notre histoire, explique Clem. Avec notre viande, nos légumes, la vente de brebis et l'aide du gouvernement, nous avons juste assez pour survivre. Il faut rogner sur tout." Mais, comme la plupart des paysans australiens, les Hodges préfèrent couper court au récit de leurs malheurs et parler d'autre chose, en éclatant de rire pour un oui ou pour un non. De golf ou de cricket par exemple, ces passions nationales héritées des Britanniques. "Il faut sortir, faire du sport, sinon on deviendrait fous", expliquent-ils. Dès que possible, ils rejoignent leurs amis pour des soirées barbecue. Et le vendredi soir, tous convergent vers le village de Bogan Gate. Ce hameau perdu sur la ligne de chemin de fer qui relie Sydney à Perth se résume à trois silos de 30 mètres de haut pouvant contenir 38 000 tonnes de céréales, un modeste pâté de maisons, une station-service désaffectée, un magasin de décoration, étrangement situé mais "très populaire", assure Cheryle. Tous les voisins se retrouvent au pub du Railway Hotel, un verre de bière à la main. Ici, "tout le monde est dans le même bateau", constate Kerry Morrissey.
Les retenues d'eau sont complètement à sec dans la ferme de Kerry et de Wayne, son mari. "C'est la première fois de ma vie que je dois amener de l'eau en camion dans les champs pour remplir des abreuvoirs, raconte-t-elle. Mais les moutons s'entêtent à aller aux retenues vides, ils meurent embourbés." L'aide du gouvernement "met à manger sur la table, mais ne paie pas les dettes". Combien de temps tiendront-ils ? Kerry remarque juste qu'il y a "pas mal de propriétés à vendre dans le coin".
Au pub, certaines têtes ont disparu. "Les hommes, ici, ne montrent pas leurs émotions, constate Colin McKay, un ami des Hodges. S'ils viennent au pub et discutent, les gens restent sains d'esprit. Mais on peut se faire du souci pour ceux qu'on ne voit pas."
Des rumeurs circulent : un paysan se suiciderait tous les quatre jours. Aucun chiffre n'est confirmé par les "assistants sécheresse" - nouvelle catégorie de fonctionnaires du ministère de l'agriculture -, mais le sujet est "une préoccupation sérieuse", selon eux. Dans sa paroisse de Gunning, le révérend Vicky Cullen a "enterré trois jeunes paysans cette année". "On n'appelle pas cela des suicides parce qu'ils ressemblent à des accidents de voitures", constate-t-elle.
Déprimée, épuisée, endettée jusqu'au cou, l'Australie rurale attend la pluie. Personne ne doute de son retour et chacun tente même une prévision. Sauf Clem. "Dans un mois, dans six mois, je ne sais plus", dit-il. "Ça ira mieux l'année prochaine, mais je disais déjà ça l'année dernière, et l'année d'avant", glisse son plus jeune fils, Steven.
Cette effroyable sécheresse est-elle la conséquence du réchauffement climatique ? Et la préfiguration du climat futur ? Les paysans australiens ne peuvent y croire. Ils se rassurent en citant un poème, Mon pays, sorte d'hymne national écrit par Dorothea McKellar en 1904, qui dit : "J'aime un pays brûlé par le soleil/une terre de plaines majestueuses/de montagnes aux contours déchiquetés/de sécheresses et de pluies torrentielles..." L'Australie est habituée aux extrêmes climatiques. L'actuel épisode est comparé à la sécheresse de la Fédération, qui eut lieu à la fin du XIXe siècle. Mais elle la dépasse en gravité. Conséquence de la sécheresse et de la chaleur cumulées : les feux de forêts prennent eux aussi une ampleur sans précédent. Attisés par le vent, ils ont détruit quelque 850 000 hectares, dans trois Etats.
"Je préfère penser que tout cela fait partie d'un grand cycle qui revient tous les cent ans et que je ne verrai plus jamais rien de tel de ma vie", lance Gary, l'un des fils Hodges. Chacun trouve des raisons d'espérer à la lecture des historiques de précipitations, qui montrent le retour des pluies après les périodes sèches. "Etre paysan en Australie, ça a toujours été la loterie", rappelle Jack Munro, agriculteur à Rankins Springs. Gérer ce risque fait partie du jeu. "No worries", pas d'inquiétude : c'est l'expression préférée des Australiens.
L'angoisse perce tout de même. Cheryle a "longtemps été sceptique sur le changement climatique". "Mais manifestement quelque chose de nouveau se passe, explique-t-elle. Il nous arrivait d'avoir deux années sèches d'affilée, pas cinq. Et pas dans tout le pays en même temps." Beaucoup disent que l'Australie aborde désormais "un territoire inconnu".
"La plupart des agriculteurs sont de grands optimistes, ils sont persuadés que les pluies reviendront, lance Peter Cullen, professeur honoraire à l'université de Canberra, spécialiste des ressources en eau. Ce n'est pas mon cas, je crois que le pays est en train de s'assécher." Et cela continuera. "Les températures ont augmenté en moyenne de 0,8 degré depuis 1960, détaille Bryson Bates, directeur de l'unité climat du Csiro (Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation, l'organisme de recherche national). Dans le même temps, le régime des pluies a été modifié, le climat est plus sec. Les grandes inondations que nous connaissions ne se produisent plus. Les modèles prévoient un climat plus chaud et sec dans le tiers méridional du pays, avec des sécheresses plus sévères et fréquentes, tandis que le tableau est incertain pour le Nord." C'est dans le tiers sud que se concentrent population et production agricole.
Pour le ministre fédéral de l'environnement, Ian Campbell, "on perd de la crédibilité si on rattache un événement extrême comme celui-là et le changement climatique, qui est un phénomène de long terme. Mais on peut affirmer que si nous ne nous attaquons pas à la question du réchauffement, ce genre d'épisode se répétera. Cela pourrait être un avant-goût du futur".
Certains ne donnent donc pas cher de l'avenir de l'agriculture australienne. L'économiste britannique Nicholas Stern estime que des régions entières du pays seront menacées de cesser la production. Le géographe Jared Diamond, dans son ouvrage Effondrement, juge l'Australie parmi les sociétés les plus vulnérables de la planète, car elle surexploite déjà systématiquement son sol et son eau.
Mais les intéressés, opiniâtres, ne sont pas prêts à lâcher prise. "Nous sommes flexibles, nous nous adapterons, riposte David Sykes, céréalier et éleveur à Temora. Nous utiliserons des variétés adaptées au climat, nous changerons nos techniques de culture pour préserver l'humidité des sols." Et pourquoi ne pas essayer les OGM ? "On ne peut pas disparaître ! Les gens ont bien besoin de manger, non ?", lance sa femme Gina.
Le gouvernement australien non plus n'est manifestement pas décidé à renoncer. Dans ce pays où les entreprises naissent et meurent dans l'indifférence générale et où toute subvention est âprement débattue, le gouvernement a dépensé des milliards de dollars pour venir en aide aux ruraux. "C'est la première fois que nous bénéficions d'un soutien pareil, se réjouit Jack Munro. Le gouvernement a reconnu qu'il fallait maintenir une "masse critique" d'agriculteurs dans les campagnes, sans quoi elles se videraient complètement." Le secteur joue un rôle économique non négligeable : 64 % de la production est exportée. La sécheresse australienne a d'ailleurs grandement contribué à l'explosion du cours mondial du blé.
"Notre agriculture ne disparaîtra pas, elle changera", affirme Peter Cullen. Les Australiens ont en la matière un maître mot : "Le marché décidera de qui survivra." Tous prédisent qu'à l'avenir certaines zones du territoire seront viables, et d'autres non. Reste à savoir où passera la frontière : près ou loin de chez soi ?
Une catégorie d'agriculteurs a du souci à se faire : les irrigants, qui possèdent des droits d'usage de l'eau des rivières et de l'eau souterraine. En ce moment, leurs fermes sont comme des oasis au milieu du désert. Mais si la grande majorité des Australiens ne surveillaient guère l'usage de l'eau jusqu'à présent, la sécheresse occasionne un débat houleux sur le partage de cette ressource.
Car les villes sont, elles aussi, au régime sec. Les barrages qui alimentent les capitales régionales atteignent des niveaux dangereusement bas, et les restrictions sont générales. Les douches rapides sont encouragées, on n'arrose plus les jardins qu'avec parcimonie. Les urbains taxent l'irrigation, qui utilise 70 % de l'eau de surface, de gaspillage, et lorgnent sur les quantités utilisées pour arroser les vergers, les vignes et le riz.
"Nous avons fait beaucoup de progrès, se défend Nyce Dalton, agriculteur dans la région de Griffith. Dans les années 1950, on produisait 5 tonnes de riz à l'hectare, en utilisant 20 mégalitres d'eau. Aujourd'hui, on est à 10 tonnes, avec 12 mégalitres." Dans les vignobles et les vergers, la distribution au goutte-à-goutte, plus économe, se banalise. Certains viticulteurs suivent sur ordinateur l'évolution du taux d'humidité dans leurs terres. En période de sécheresse, ils doivent aussi se serrer la ceinture : on ne leur octroie le droit de pomper qu'une partie de leurs quotas, voire rien du tout.
Malgré ces efforts, la concurrence pour l'accès à l'eau reste bien réelle dans de nombreuses villes rurales et pour la capitale de l'Etat du Victoria, Adélaïde, alimentée par la rivière Darling, aujourd'hui quasiment à sec. "Trop de quotas ont été distribués aux agriculteurs au fil des ans, affirme Malcolm Thompson, directeur de la Commission nationale de l'eau. Il faut revenir à des niveaux plus raisonnables." Pour cela, les Australiens s'en remettent, comme toujours, au marché. Les quotas d'eau peuvent être échangés comme n'importe quel bien. Le raisonnement des experts du secteur est le suivant : l'eau étant plus rare, son prix grimpera, et elle prendra naturellement le chemin des exploitations qui l'utiliseront au plus juste afin d'en tirer le meilleur revenu.
L'Etat veut tout de même jouer un rôle dans ce marché. "Nous sommes acheteurs, lance le ministre Ian Campbell. Nous avons besoin de davantage d'eau dans les rivières pour préserver l'environnement." Mais ni Sydney, ni Melbourne, ni Brisbane, ni Perth ne sont alimentées par des rivières où prélèvent les paysans. Elles dépendent des pluies, et doivent donc chercher leurs propres solutions pour faire face à la pénurie. Une frénésie de grands projets saisit le pays.
La première usine de dessalement d'eau de mer a été inaugurée en novembre, à Perth. D'autres sont en préparation. La construction de nouveaux grands barrages est étudiée, même si elle est très controversée. "Si je n'ai plus d'argent dans mon portefeuille, je ne résoudrai pas le problème en me procurant un deuxième portefeuille, raille Raymond Nias, du WWF. Sans pluie, un barrage est juste un mur qui coûte très cher."
La piste du recyclage de l'eau est explorée, les économies encouragées. Grâce à ces politiques, l'Australie urbaine ne mourra pas de soif, mais elle paiera son eau de plus en plus cher. "Nous avions l'habitude de considérer l'eau comme acquise, et même de la gaspiller, affirme Malcolm Thompson. Aujourd'hui, nous basculons dans une nouvelle époque. Nous devons prendre en compte la possibilité que les pluies ne reviennent pas à leur niveau antérieur, et tout redimensionner, même s'il doit y avoir de la douleur sur le chemin."
Gaëlle Dupont
a écrit :
[center]Un continent trop longtemps insouciant des périls écologiques[/center]
LE MONDE | 03.01.07 |
Jusqu'à aujourd'hui, les Australiens cultivaient une certaine insouciance vis-à-vis des périls écologiques. A 20 millions d'habitants sur un territoire de 7 millions de km2 au sous-sol extrêmement riche, ils utilisaient sans compter l'eau, l'énergie et l'espace pour atteindre l'Australian dream : une vaste maison de plain-pied flanquée d'un jardin, le plus près possible de la mer.
"Alors que nous habitons le continent le plus sec au monde, aucune maison en ville n'est équipée de système de récupération de l'eau de pluie, constate Cate Faehrmann, directrice du Nature Conservation Council de Nouvelles-Galles-du-Sud. Les maisons sont de plus en plus grandes, pour des familles de plus en plus petites. Elles ne sont pas conçues pour vivre dans un pays chaud et ont toutes l'air conditionné."
Le montant des factures d'électricité n'est pas un souci : grâce aux abondantes réserves de charbon, l'énergie est très bon marché. De plus, dans ce pays où les transports en commun sont inadaptés, chaque famille possède plusieurs voitures. Résultat : les émissions de gaz à effet de serre par personne sont parmi les plus élevées au monde - mais vu la faiblesse de la population, la contribution du pays au réchauffement reste faible. Craignant de mettre en péril l'industrie de l'énergie et la croissance, le gouvernement australien n'a pas ratifié le protocole de Kyoto.
C'est le seul pays riche dans ce cas, avec les Etats-Unis. L'une des promesses de campagne de John Howard était de rendre les Australiens "relaxed and confortable" - détendus et à l'aise. L'exigence climatique ne cadre manifestement pas avec cet objectif.
La sécheresse a tout changé. "C'est l'équivalent pour nous de l'ouragan Katrina", affirme Ben Pearson, chargé de la campagne sur l'énergie chez Greenpeace. Elle a fait basculer le débat, en matérialisant la vulnérabilité du pays. Comment concilier croissance de la population et diminution des ressources en eau ? L'Australie peut-elle rester en dehors de la lutte contre l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre ? Toutes ces questions font désormais quotidiennement la "une" des journaux.
Première conséquence : il y a quelques semaines, le chef du gouvernement a reconnu l'existence du phénomène. Mais il rejette toujours l'idée d'adhérer au protocole de Kyoto... tout en faisant la promotion d'un "nouveau Kyoto", pour après 2012, qui engloberait les pays en développement, dont les émissions sont en très forte croissance.
"A moins que ces pays ne se joignent aux efforts, tout ce que feront les pays développés sera perdu", plaide le ministère de l'environnement. En outre, le gouvernement rappelle que le pays s'est fixé un objectif : ne pas dépasser 108 % des émissions de 1990 d'ici à 2012. "La cible peut paraître facile à atteindre, mais elle tient compte de notre forte croissance économique, et du fait que nous sommes un grand exportateur d'énergie", poursuit le ministère.
Les autorités encouragent la recherche sur le "charbon propre", grâce aux technologies de séquestration du carbone, et subventionne de grands programmes d'énergies renouvelables. Mais elles ne prévoient aucune incitation financière pour améliorer la compétitivité de ces énergies, dont le coût est aujourd'hui beaucoup plus élevé que celui des énergies fossiles. La part des énergies renouvelables est aujourd'hui de 10 %, c'est peu au regard du potentiel du pays. De plus, elle stagne, alors que la production totale d'énergie augmente.
L'opposition compte faire campagne sur ces thèmes lors des élections nationales en 2007. "Dans un premier temps, le gouvernement a affirmé que Kyoto serait un échec, puisque le protocole était mort, maintenant il veut prendre la tête d'un nouveau Kyoto après 2012, c'est irrationnel, raille Anthony Albanese, porte-parole pour l'environnement du Parti travailliste. Nous n'avons pas besoin d'un nouvel accord international, il existe déjà, il avance, 168 pays l'ont ratifié. L'isolement de l'Australie doit cesser."
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