Bonjour,
Ça faisait un moment que les fils sur « le candidat des maires » me donnaient envie d’en ouvrir pour discuter de l’agriculture. Voilà, ça a été fait pour moi !
J’ai plusieurs personnes proches qui sont agriculteurs, d’où l’intérêt pour la question.
Globalement, je suis bien d’accord avec les posts d’Ottokar et de Canardos. Sterd, quand tu dis :
a écrit :Le paysan dans ces coins là c'est le notable, un presque chatelain, les petites exploitants broyés par Bruxelles c'est du phantasme et de l'image d'Epinal qui n'a plus beaucoup de substance.
La petite exploitation agricole a pratiquement disparu
Je pense que tu te plantes complètement. Déjà, tout dépend du type de culture. En viticulture par exemple, l’exploitation « familiale » est absolument majoritaire. Et les conditions d’existence sont largement en dessous du niveau des salariés. Zeanticpe en a donné un exemple, je t’en donnerais un concret : journées de 8-9 heures, six jours par semaines, 2 semaines de vacances en moyenne par an, pour en gros 1200 à 1300 euros par mois. Tu appelles ça un notable, un « presque châtelain » ? Les conditions de vie de la plupart des agriculteurs sont plus proches de celle des travailleurs que de celles des capitalistes. Les coopératives agricoles qui sont en sécession de paiement, je suppose que c’est du phantasme aussi ? Parce que les adhérents, je suis persuadé qu’ils seraient ravis d’apprendre que leur suppression totale de revenu, ils le fantasment. Ne parlons pas non plus de tous ceux qui sont obligés de cumuler plusieurs emplois pour s'en sortir. C'est entre autre le cas des mecs qui bossent aux remontés mécaniques dans les stations de ski. Ils font une double journée le soir en rentrant chez eux (dans leur chateau, bien sur).
a écrit :Ces gens là sont largement subventionnés et indeminisés à l'image des capitalistes, même si c'est à une échelle moindre.
Oui, sauf que les capitalistes en redemandent des subventions, alors que les agriculteurs ne souhaitent qu’une chose : être capable de s’en passer, vivre seulement de leur travail. C’est une volonté qui revient constamment dans leurs discours : « vivre dignement de son travail ». En plus, les subventions aux petits agriculteurs, c’est du pognon indirect pour les trusts chimiques, mécaniques et agro-alimentaires !!! Ils pressurent les exploitants, l’état file à ces derniers des subventions pour qu’ils puissent continuer à travailler et à acheter les marchandises des trusts qui augmentent leurs prix à la moindre occasion. Donc pas de comparaison possible entre les subventions aux « petits » agriculteurs et celles aux capitalistes.
La concentration et la rationalisation de l'agriculture même faite d'une façon anarchique par le capitalisme est nécessaire, comme était nécessaire celle de l'industrie.
Oui, sauf que à mon avis la concentration en agriculture n’est pas pour tout de suite. La revue de la fraction donnait cette explication qui ne semble très correcte :
a écrit :La production agricole elle-même n’attire que peu le grand capital. Il y a plusieurs raisons à cela : d’abord la rente foncière reste une dépense parasite, grevant les profits ; mais surtout, les investissements très importants des exploitations sont en eux mêmes un obstacle : les consommations intermédiaires (engrais, mécanisation...) s’accroissent bien plus vite que la valeur de la production. Elles passent de 22 % de cette valeur en 1960 à 30 % en 1970, et 45 % en 1985 ! A cette date, à valeur ajoutée égale, l’agriculture emploie deux fois plus de capital que la sidérurgie... La production agricole connaît donc, pour des raisons structurelles (difficultés à rationaliser le travail sur le mode industriel), avec l’accroissement de la composition organique de son capital (c’est-à-dire de la proportion, par travailleur, de capitaux immobilisés en machines, engrais...), une très forte « baisse tendancielle du taux de profit » (à bénéfice égal, l’investissement nécessaire est de plus en plus lourd). Et c’est pourquoi les gros investisseurs préfèrent laisser la production agricole elle-même à la charge des exploitations familiales.
Un économiste bourgeois, Glenn-Jonson, expliquait ainsi dans les années 70 : « Un cynique pourrait affirmer que l’exploitation familiale est une institution qui fonctionne pour entraîner les familles des exploitants à fournir une grande quantité de travail et de capitaux à un niveau de rendement inférieur à ce qui est normal, afin d’apporter à l’économie les produits agricoles à bas prix ».
Bien entendu, le grand capital industriel contrôle et oriente cette production, de par sa situation monopoliste comme fournisseur des « intrants » (aliments pour animaux, engrais, machines, produits phytosanitaires et pétroliers, etc.) et acheteur des produits. Il est secondé en cela par le capital financier, qui tire de très gros profits du surendettement des agriculteurs (le Crédit agricole, aujourd’hui première banque européenne, assure les 2/3 des prêts agricoles en France dès le début des années 70). Mais encore une fois, les investisseurs laissent généreusement à d’autres les coûts de cette production pas si rentable que ça : les exploitants, chez qui la polarisation sociale s’accélère, et aussi les deniers publics, qui offrent à « l’agriculture » des subventions de plus en plus monstrueuses.
Alors oui,
a écrit :Les paysans français ne sont plus ceux de la première moitié du XXème siècle ni des paysans russes sortant à peine du servage.
Mais est-ce qu’un travailleur en France à l’heure actuelle est identique aux travailleurs russes du début du siècle dernier ? Que leur condition de vie se soit améliorée, certes, qu'il y ait eu des évolutions sociales importantes, certes aussi, mais est-ce que ça empêche, si ce n'est de s'adresser à eux, au moins de ne pas les considérer comme des ennemis? Est-ce que tu considères le gérant de petit casino, qui doit bosser en couple dans la boutique pour s'en sortir à peu près correctement, comme un ignoble capitaliste? Que ce ne soit pas notre cible prioritaire, ok, bien sur.
Bon, ceci étant dit, je voulais poser une question : est-ce que quelqu’un aurait un bon bouquin ou une analyse de la situation agricole aujourd’hui. Parce que je dois dire que j’ai bien du mal à relier les éléments entre eux. Donc Ottokar, si tu pouvais retrouver la référence à l’article dans la LDC, je serais ravi !
Bonne soirée.