discussion sur les paysans

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Ottokar » 18 Jan 2007, 19:35

(Sterd @ mercredi 17 janvier 2007 à 11:27 a écrit : Le pov' paysan ça faisait déjà rigoler y'a 40 ans
certes, ça reste amusant, mais l'ambition des révolutionnaires étant de faire la révolution, ils doivent peut-être s'adresser à toutes les couches de la nation, indépendants compris. ne serait-ce que pour leur montrer que leur indépendance est un leurre, qu'ils ne gagnent rien à marcher avec les gros au nom de la solidarité entre "patrons" ou dans le "monde paysan", solidarité qui est une escroquerie et fait croire à celui qui se crève la paillassse pour pas grand chose qu'il a les mêmes intérêts que Dassault et Bettencourt. C'est sûr qu'Arlette a aujourd'hui plus facilement les voix des chômeurs que des agriculteurs, ou même des boulangers et des ingénieurs, mais ce n'est pas une raison pour renoncer à s'adresser à eux. Sans faire de démagogie, et sans défendre le pinard en soi, bien entendu, même celui de l'Aude ou du canton de Meilhac !
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Message par Gaston » 18 Jan 2007, 22:12

Bonjour,

Ça faisait un moment que les fils sur « le candidat des maires » me donnaient envie d’en ouvrir pour discuter de l’agriculture. Voilà, ça a été fait pour moi !

J’ai plusieurs personnes proches qui sont agriculteurs, d’où l’intérêt pour la question.

Globalement, je suis bien d’accord avec les posts d’Ottokar et de Canardos. Sterd, quand tu dis :

a écrit :Le paysan dans ces coins là c'est le notable, un presque chatelain, les petites exploitants broyés par Bruxelles c'est du phantasme et de l'image d'Epinal qui n'a plus beaucoup de substance.
La petite exploitation agricole a pratiquement disparu


Je pense que tu te plantes complètement. Déjà, tout dépend du type de culture. En viticulture par exemple, l’exploitation « familiale » est absolument majoritaire. Et les conditions d’existence sont largement en dessous du niveau des salariés. Zeanticpe en a donné un exemple, je t’en donnerais un concret : journées de 8-9 heures, six jours par semaines, 2 semaines de vacances en moyenne par an, pour en gros 1200 à 1300 euros par mois. Tu appelles ça un notable, un « presque châtelain » ? Les conditions de vie de la plupart des agriculteurs sont plus proches de celle des travailleurs que de celles des capitalistes. Les coopératives agricoles qui sont en sécession de paiement, je suppose que c’est du phantasme aussi ? Parce que les adhérents, je suis persuadé qu’ils seraient ravis d’apprendre que leur suppression totale de revenu, ils le fantasment. Ne parlons pas non plus de tous ceux qui sont obligés de cumuler plusieurs emplois pour s'en sortir. C'est entre autre le cas des mecs qui bossent aux remontés mécaniques dans les stations de ski. Ils font une double journée le soir en rentrant chez eux (dans leur chateau, bien sur).

a écrit :Ces gens là sont largement subventionnés et indeminisés à l'image des capitalistes, même si c'est à une échelle moindre.


Oui, sauf que les capitalistes en redemandent des subventions, alors que les agriculteurs ne souhaitent qu’une chose : être capable de s’en passer, vivre seulement de leur travail. C’est une volonté qui revient constamment dans leurs discours : « vivre dignement de son travail ». En plus, les subventions aux petits agriculteurs, c’est du pognon indirect pour les trusts chimiques, mécaniques et agro-alimentaires !!! Ils pressurent les exploitants, l’état file à ces derniers des subventions pour qu’ils puissent continuer à travailler et à acheter les marchandises des trusts qui augmentent leurs prix à la moindre occasion. Donc pas de comparaison possible entre les subventions aux « petits » agriculteurs et celles aux capitalistes.

La concentration et la rationalisation de l'agriculture même faite d'une façon anarchique par le capitalisme est nécessaire, comme était nécessaire celle de l'industrie.

Oui, sauf que à mon avis la concentration en agriculture n’est pas pour tout de suite. La revue de la fraction donnait cette explication qui ne semble très correcte :

a écrit :La production agricole elle-même n’attire que peu le grand capital. Il y a plusieurs raisons à cela : d’abord la rente foncière reste une dépense parasite, grevant les profits ; mais surtout, les investissements très importants des exploitations sont en eux mêmes un obstacle : les consommations intermédiaires (engrais, mécanisation...) s’accroissent bien plus vite que la valeur de la production. Elles passent de 22 % de cette valeur en 1960 à 30 % en 1970, et 45 % en 1985 ! A cette date, à valeur ajoutée égale, l’agriculture emploie deux fois plus de capital que la sidérurgie... La production agricole connaît donc, pour des raisons structurelles (difficultés à rationaliser le travail sur le mode industriel), avec l’accroissement de la composition organique de son capital (c’est-à-dire de la proportion, par travailleur, de capitaux immobilisés en machines, engrais...), une très forte « baisse tendancielle du taux de profit » (à bénéfice égal, l’investissement nécessaire est de plus en plus lourd). Et c’est pourquoi les gros investisseurs préfèrent laisser la production agricole elle-même à la charge des exploitations familiales.
Un économiste bourgeois, Glenn-Jonson, expliquait ainsi dans les années 70 : « Un cynique pourrait affirmer que l’exploitation familiale est une institution qui fonctionne pour entraîner les familles des exploitants à fournir une grande quantité de travail et de capitaux à un niveau de rendement inférieur à ce qui est normal, afin d’apporter à l’économie les produits agricoles à bas prix ».
Bien entendu, le grand capital industriel contrôle et oriente cette production, de par sa situation monopoliste comme fournisseur des « intrants » (aliments pour animaux, engrais, machines, produits phytosanitaires et pétroliers, etc.) et acheteur des produits. Il est secondé en cela par le capital financier, qui tire de très gros profits du surendettement des agriculteurs (le Crédit agricole, aujourd’hui première banque européenne, assure les 2/3 des prêts agricoles en France dès le début des années 70). Mais encore une fois, les investisseurs laissent généreusement à d’autres les coûts de cette production pas si rentable que ça : les exploitants, chez qui la polarisation sociale s’accélère, et aussi les deniers publics, qui offrent à « l’agriculture » des subventions de plus en plus monstrueuses.


Alors oui,

a écrit :Les paysans français ne sont plus ceux de la première moitié du XXème siècle ni des paysans russes sortant à peine du servage.


Mais est-ce qu’un travailleur en France à l’heure actuelle est identique aux travailleurs russes du début du siècle dernier ? Que leur condition de vie se soit améliorée, certes, qu'il y ait eu des évolutions sociales importantes, certes aussi, mais est-ce que ça empêche, si ce n'est de s'adresser à eux, au moins de ne pas les considérer comme des ennemis? Est-ce que tu considères le gérant de petit casino, qui doit bosser en couple dans la boutique pour s'en sortir à peu près correctement, comme un ignoble capitaliste? Que ce ne soit pas notre cible prioritaire, ok, bien sur.

Bon, ceci étant dit, je voulais poser une question : est-ce que quelqu’un aurait un bon bouquin ou une analyse de la situation agricole aujourd’hui. Parce que je dois dire que j’ai bien du mal à relier les éléments entre eux. Donc Ottokar, si tu pouvais retrouver la référence à l’article dans la LDC, je serais ravi !

Bonne soirée.
Gaston
 
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Message par Sterd » 18 Jan 2007, 23:26

(Gaston @ jeudi 18 janvier 2007 à 22:12 a écrit : Je pense que tu te plantes complètement. Déjà, tout dépend du type de culture. En viticulture par exemple, l’exploitation « familiale » est absolument majoritaire.

J'ai pas mal sillonné du côté du vignoble champenois, et je réaffirme que les viticulteurs dans ces coins là ont pris la place des chatelains. C'est pareil dans d'autres coins, peut être pas partout, mais la "petite exploitation familiale" elle a pratiquement disparu dans plein d'endroits et elle est en voie de disparition ailleurs, et vraiment, je ne trouve pas ça dommage.
J'ai vécu longtemps en Seine et Marne ou le moindre pov' paysan devait avoir dans les 500 hectares de céréales. Et ou dans les cours des fermes les grosses mercedes étaient garées à coté de la moissonneuse.
Qu'il y ait aussi des agriculteurs qui bossent comme des dingues, pour pas gagner grand chose, c'est possible. Mais c'est le cas aussi d'autres secteurs de la petite bourgeoisie. Sauf que même les couches les plus basses de la petites bourgeoisie sont rarement aussi réacs que les paysans, il n'est qu'a voir les scores des syndicats de droite dans ce milieu, ou même les revendication quasi-poujadistes de la Confédération Paysanne.
Sterd
 
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Message par Alexaparix » 19 Jan 2007, 00:02

(Sterd @ jeudi 18 janvier 2007 à 23:26 a écrit :J'ai pas mal sillonné du côté du vignoble champenois, et je réaffirme que les viticulteurs dans ces coins là ont pris la place des chatelains. C'est pareil dans d'autres coins, peut être pas partout, mais la "petite exploitation familiale" elle a pratiquement disparu dans plein d'endroits et elle est en voie de disparition ailleurs, et vraiment, je ne trouve pas ça dommage.
J'ai vécu longtemps en Seine et Marne ou le moindre pov' paysan devait avoir dans les 500 hectares de céréales. Et ou dans les cours des fermes les grosses mercedes étaient garées à coté de la moissonneuse.
Qu'il y ait aussi des agriculteurs qui bossent comme des dingues, pour pas gagner grand chose, c'est possible. Mais c'est le cas aussi d'autres secteurs de la petite bourgeoisie. Sauf que même les couches les plus basses de la petites bourgeoisie sont rarement aussi réacs que les paysans, il n'est qu'a voir les scores des syndicats de droite dans ce milieu, ou même les revendication quasi-poujadistes de la Confédération Paysanne.

Tu cites précisemment deux régions de France connues pour leurs grandes exploitations agricoles, et donc les plus riches. Mais la France agricole ne se résume pas à ça. Evidemment qu'il y a eu concentration, mais encore une fois, il y a des coins où il y avait même des courants proches du PCF parmi les paysans. (cf la revue "Terre" je crois qu'elle s'appelait comme ça.) Dans le Berry ou le Limousin les petits paysans étaient plutôt bien à gauche. A mon avis mettre tous les paysans dans le même sac (de farine) n'oriente pas vers une bonne analyse. Il m'apparaît évident par ailleurs qu'il en existe un certains nombre qui sont broyés par les trusts de la grande distribution. En parler ne me semblerait pas aberrant.
Alexaparix
 
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Message par zejarda » 19 Jan 2007, 00:26

je suis allé faire un tour ces dernires temps dans une région agricole: l'Ariège. Les exploitations sont petites, et les villes sont presques toutes à gauche. Est-ce que cela veux dire qu'il n'y a pas de paysans riches?
zejarda
 
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Message par yannalan » 19 Jan 2007, 08:07

Prendre comme exemple le vignoble chmpenois et les grandes exploitations céréalières ne me parâit pas très représentatif de la majorité des paysans.... Ce serait comme de dire "les français vivent bien, j'ai voyagé dans le 16ème et à St Tropez, ils ont tous de belles maisons et de belles voitures...
IL y a des agriculteurs qui gagnent pas mal, si on rapport eleurs gains à l'heure de boulot, ça descend déjà un peu. Beaucoup sont endettés, et pris dans un système qu'ils ne contrôlent plus : dans l'élevage porcin et le poulet batterie c'est le plus flagrant : le gars reçoit l"aliment", il sait à peine ce que la boîte met dedans et quelques semaines après l'abatteur vient ramasser le stock avant d'en remettre un autre. C'est le système que dénonçait B. Lambert dans les années 60 quand ils creait "paysans-travailleurs" qui a donné la "conf".Les traiter de poujadistes me paraît aller loin : souvent dans les grèves ouvrières, ils ont aidé à ravitailler les grévistes, par exemple.
Les éleveurs laitiers tiennent avec les prix plus ou moins garantis.
Le problème d'une politique agricole revient à savoir si on veut une agriculture ici ou pas : il est évident que si on laisse le marché agir en tout eliberté (option Australie Nouvelle Zélande Canada à l'OMC), on sera amenés dans un avenir proche à importer à peu près tout. Tant qu'il n'y a pas de crise politique qui empêche les transports, ça peut être jouable. Ca laisse aussi en plan le volet "entretien du territoire"
C'est un problème qui n'est pas simple en soi et qui mérite plus d'analyses que de dire "bof, de toute façon, ils sont à droite..."
yannalan
 
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Message par Sterd » 19 Jan 2007, 08:18

Les paysans mêmes petits sont pour la plupart employeurs d'ouvriers agricoles. Ce sont des petits patrons de PME, dont la fibre sociale est similaire a celle de leurs confrères de l'industrie et des services, bien connus pour leurs sentiments révolutionnaires. :hmpf: C'est un petit paysan qui avait assassiné un inspecteur du travail il y a un an ou deux, alors que celui ci allait dresser un nouveau procès verbal concernant les conditions de travail chez les saisonniers employés de façon plus ou moins légale dans son exploitation.

Défendre les petits paysans contre les gros me semble autant justifié que de défendre les petits patrons contre les gros ou la petite production contre la grosse.
Une alliance du prolétariat et de la paysannerie parfaitement justifiée dans les pays arriérés est un non sens dans les pays développés. L'avenir là comme ailleurs est au regroupement et à la centralisation pour produire de façon rationnelle et pas à l'émiettement et au soutien de soit disant petits producteurs.

De toute façon, la production agricole ne survit plus que grâce aux subventions. J'avais lu quelque part que 90% du revenu des céréaliers venait des diverses subventions européennes ou étatiques. La proportion dans les autres branches est au moins de 50%. Ce qui veut dire en pratique que les paysans sont de fait rémunérés par l'état. En plus ils sont pour la plupart endettés à des hauteurs pharaoniques auprès des banques.

Les paysans ne sont plus que des fonctionnaires exploitant des terres qui appartiennent au capital financier. On aura plus qu'a décréter les kolkhozes, le capitalisme a fait le gros du boulot.
Sterd
 
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Message par Ottokar » 19 Jan 2007, 08:30

(Sterd @ vendredi 19 janvier 2007 à 08:18 a écrit : Défendre les petits paysans contre les gros me semble autant justifié que de défendre les petits patrons contre les gros ou la petite production contre la grosse.
Une alliance du prolétariat et de la paysannerie parfaitement justifiée dans les pays arriérés est un non sens dans les pays développés.

Il y a une différence entre "défendre les petits contre les gros", une formule trop vague par rapport au programme marxiste, Sterd a raison, et être indifférent, n'avoir rien à dire à ceux qui travaillent eux-mêmes et n'exploitent personne.

Bien sûr les indépendants ont aussi des salariés et entre le commis de boulangerie, la vendeuse de chez la fleuriste ou l'ouvrier agricole et son patron, notre choix est vite fait. Dans les UL, on défend les salariés et ce sont les patrons qui ne respectent pas la loi qu'on traîne aux Prud'hommes quand on peut.

Mais pour autant, on se doit d'avoir une certaine attitude vis-à-vis des indépendants ou des petits patrons. Arlette le fait parfois dans ses discours. je ne vois pas ce qu'il y a de choquant. Les exemples de Sterd, vignerons du champagne, gros céréaliers, sont équivalent à Poilâne dans la boulangerie... qui votait le Pen d'ailleurs. Mais la boulangerie de son quartier c'est peut-êre autre chose. C'est comme confondre tous les patrons de bistrot, du bistrot de quartier au Café de la Paix ou au Fouquet's !
Ottokar
 
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Message par Louis » 19 Jan 2007, 08:38

je ne sais pas pourquoi, mais cette derniére phrase me semble d'un optimisme démesuré !

Sinon, il faut peut etre voir des statistiques ? Dans les "petites" exploitations combien emploient des ouvriers agricoles ? Et pas faire ça "a la louche" : on doit bien trouver des chiffres quelque part ! D'autre part, excusez mon ouvriérisme primaire, mais qu'en est-il des "paysans ouvriers" (c'est a dire de personnes qui sont paysans a temps partiel et ouvrier le reste du temps) une chose qui avait son importance encore dans les années 70. Que sont ils devenu ? Et la aussi sans se laisser gagner par le subjectivisme, mais en se référant a des statistiques, a des chiffres...
Louis
 
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Message par logan » 19 Jan 2007, 09:43

On avait abordé ce thème des paysans français il y a quelques mois.

Discussion paysans/prolétaires

Les stats sur les paysans en france
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