a écrit :Nicolas Hulot : "Je supplie les politiques de dire la vérité"
LE MONDE | 07.11.06 | 10h56 • Mis à jour le 07.11.06 | 11h01
Vous lancez un "pacte écologique" à l'attention des candidats à l'Elysée. Comment comptez-vous les contraindre à intégrer vos propositions dans leur programme ?Un péril écologique majeur guette l'humanité. Face à cela, on ne peut pas s'accommoder de mutations légères. J'espère d'abord que les faits écologiques vont les contraindre plus que mon interpellation. Ensuite, mon problème n'est pas de les contraindre : c'est un appel à la raison. Avec ma fondation, nous voulons amorcer la pompe à propositions et créer l'étincelle écologique pour que la société se mette en ordre de marche. Mais il faut que le diagnostic soit partagé. Sinon, le citoyen n'y croira pas. C'est pourquoi je supplie les politiques de dire la vérité sur ce qui risque de se passer si on ne fait rien.
Vous voulez un "vice-ministre chargé du développement durable". Pourquoi ?Parce que, quelle que soit la qualité des responsables du gouvernement, ils sont quasiment tous la tête sous l'eau face à l'immédiateté des difficultés quotidiennes. Il faut donc un autre degré de lecture pour soulager le premier ministre de la charge de la planification. Le vice-premier ministre est celui qui pense le long terme, le durable, et qui pèse chaque décision à cette aune.
Cela n'alourdirait-il pas l'exécutif ?La mission de développement durable ne peut être remplie efficacement qu'au sommet de l'exécutif. On pourrait imaginer d'en charger le premier ministre, un ministre d'Etat, ou de fusionner plusieurs ministères, mais cela diluerait la préoccupation environnementale.
Nicolas Sarkozy propose justement de créer un grand ministère qui regrouperait les transports, l'énergie et l'écologie…Je ne suis pas d'accord. Je le lui ai dit, et j'ai bon espoir de le faire changer de point de vue.
Quel est le profil du poste de vice-premier ministre ?Avoir une expérience institutionnelle lourde et ne pas découvrir l'écologie.
Qui, en ce moment, serait à la hauteur ?
Il y a, à droite, Michel Barnier ou Fabienne Keller, peut-être Nathalie Kosciusko-Morizet. A gauche, Dominique Voynet ferait une très bonne vice-premier ministre.
Si on vous proposait le poste, comme l'a fait, lundi, Laurent Fabius ?Il faut quelqu'un qui ait une expérience institutionnelle. Ce n'est pas mon cas.
Vous proposez une taxe sur le carbone. Est-elle acceptable alors que le prix de l'essence est déjà élevé ?Inversons la question : que se passera-t-il si on ne fait rien ? Y a-t-il un secteur qui échappera au fait que le pétrole va se raréfier et au fait que nous devons diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre ? Ça ne se fera pas avec des changements marginaux.
Faut-il autoriser la construction du réacteur nucléaire EPR ?Il est urgent d'attendre. Il ne faut pas fermer la porte à une éventuelle quatrième génération de centrales, mais l'EPR n'est pas indispensable pour y arriver. La priorité, c'est la diversité énergétique et la baisse drastique de la consommation énergétique, sur laquelle nous avons une grande marge de manœuvre.
Etes-vous favorable à la culture des OGM en France ?Quand on est dans un soupçon de risque grave et irréversible, on prend des mesures de suspension, et on se donne le temps et les moyens de l'évaluer. C'est le cas des OGM. Y a-t-il une urgence alimentaire qui obligerait à brûler les étapes? La réponse est non. Pour l'instant, un moratoire me semble évident.
Les candidats à l'Elysée pourraient ne reprendre votre pacte qu'à la marge. Sur quels critères évaluerez-vous leurs engagements ?Il n'y a pas de critère particulier. Mais je pense que l'on pourra voir si les propositions des partis sont indigentes, confuses ou pas. Avec les experts qui m'entourent, nous les évaluerons avant la fin de l'année. Certains me diront que les partis vont s'engager mais que ces paroles n'engagent qu'eux. Avec les législatives derrière, je ne vois pas un certain nombre de choses actées passer aux oubliettes, surtout après la création d'un gouvernement avec un vice-premier ministre du développement durable.
Si un ou plusieurs candidats reprenaient vos propositions, appellerez-vous à voter pour eux ?Non. Ça a été clair dès le départ.
A l'inverse, que ferez-vous si les candidats prennent peu, ou mal, en considération votre pacte ?J'ai la bête habitude de réfléchir au moment où les choses se posent. Peut-être qu'il faudra que je m'accommode d'une limitation de notre rôle, nous les ONG. J'aviserai.
Envisagez-vous de vous présenter à l'élection présidentielle ?Cela reste une hypothèse valable. Je ne peux pas me résoudre à ce que l'on manque cette fenêtre de tir. Mon souhait, c'est que l'engagement écologique de la France soit majeur, pas plus fort, mais majeur.
Dans ce cas, selon les sondages, vous ne prendriez des voix qu'à la gauche. Comment instaurerez-vous alors un rapport de force avec la droite ?J'ai eu un document entre les mains qui montre que mon impact est aussi fort à gauche qu'à droite. Dans tous les cas, je ne dois pas avancer en fonction de ça. Ce n'est l'intérêt de personne que je me présente. Cela voudrait dire, en creux, que dans ce pays, on ne peut faire bouger les choses que par la pression. Cela attiserait, une nouvelle fois, le discrédit dont souffre la classe politique. En répondant fortement à ces enjeux écologiques, elle lèverait justement, en partie, ce discrédit.
Avez-vous pensé, au cas où vous vous présenteriez, au moyen de récolter les 500 signatures ?Pas vraiment. Je ne dis pas que je n'ai rien préparé, mais je ne dis pas non plus que je ne serai pas capable d'activer quelque chose le moment venu.