Bien entendu, ma petite phrase "Pas de conscience sans langage" était volontairement tranchée pour qu'on avance sur ces deux termes et leurs rapports. Content de voir que cela part au quart de tour. :-P
Canardos:
a écrit : [...]
mais le language et la conscience ne naissent pas tout seul. il a fallu des millions d'années à un groupe d'animaux sociaux pour les developper. et il existe d'innombrables degrés intermédiaires
Je pense que nous sommes d'accord. La question qui se pose est de savoir comment. Je relisais le texte d'Engels
LE RÔLE DU TRAVAIL DANS LA TRANSFORMATION DU SINGE EN HOMME, qui donne des étapes, avec le passage à la posture bipède et la libération de la main qui va permettre de travailler puis de développer un langage. Il me semble que de proposer un continuum du type "degrés intermédiaires" est aussi ok, sauf qu'à un mille-feuilles tu conviendras qu'on puisse préférer quelque chose de plus articulé en s'interrogeant plus précisément sur le moteur de cette évolution et sur la question de la linéarité ou des ruptures. En gros, on aimerait bien sur ce forum avoir un modèle théorique qui rende compte de ces évolutions.
a écrit :il ne faut pas réduire la conscience et le le language aux formes developpées existant chez homo sapiens qui utilise des abstractions et dont on sait qu'il a une capacité de projection dans le futur puisque depuis des dizaines de milliers d'années il enterre ses morts par exemple.
Autant pour le langage je pense que ce qu'a dit Louis sur un langage articulé. C'est Martinet qui parlait de la double articulation du langage, double car située à deux niveaux, celui des
phonèmes et celui des
morphèmes. En d'autres termes, avec un ensemble limité (mais bien sûr ouvert car il peut en perdre et en créer) d'éléments qu'il combine, l'humain produit une infinité théorique d'énoncés. Ce que les autres animaux ne font pas à ma connaissance.
On en revient au même problème qu'au départ, comment on définit la conscience. A priori il s'agit de l'émergence d'un sujet. On est tous d'accord pour dire que ce sujet se définit par son rapport à l'Autre.
Ce qui me chiffonne, c'est les abstractions et la projection dont tu parles. Je m'interroge pour savoir si une abstraction est possible sans figuration (voir le développement des systèmes graphiques pictogrammes-idéogrammes-syllabaires-alphabets). Sur la projection, on va voir ce point plus tard.
a écrit :il existe des formes d'intelligence et de conscience non verbales. nous nous représentons physiquement y compris dans nos differences avant de nous représenter verbalement. Par exemple, les grands singes et les cétacés à dents se reconnaissent dans un miroir ce qui signifie qu'ils percoivent ces differences et ils reconnaissent tres bien les autres individus du groupes y compris dans leurs spécificités psychiques et physiques.
Voilà un point qui m'intéresse beaucoup. As-tu stp des références? Fil, pdf, etc?
Que penses-tu plus précisément de la citation de Louis:
a écrit :Surtout parce que le fait de se rendre compte que le visage qu'ils voient est le leur ne manifeste pas plus de la conscience de soi que le fait pour un chat, par exemple, de se rendre compte que la patte de devant qu'il voit est la sienne ; il est vrai que le singe voit son visage à travers un miroir, mais cela n'a rien à voir avec la conscience de soi ; cela veut dire seulement qu'il a compris que le miroir pouvait lui permettre une extension de ses possibilités de perception, comme dans le film « Il faut sauver le soldat Ryan » un capitaine à l'abri derrière un rocher, attache un miroir à un fusil qu'il brandit pour voir ce qui se passe de l'autre côté du rocher ; c'est une preuve d'intelligence, non de conscience.
a écrit :mieux, certains singes sont capables de théorie de l'esprit, c'est à dire qu'ils sont capables d'imaginer ce que les autres membres du groupe croient et de baser des tactiques la dessus, pour les duper par exemple, meme quand ils savent que ce n'est pas vrai. ce que ne peut pas faire un autiste profond qui pourtant meme quand il ne parle pas comprend le language humain
Si je te suis bien, une théorie de l'esprit (faire des hypothèses sur ce que se représentent les autres) est une forme de conscience, un stade. Mais ne peut-on pas y voir aussi une manipulation de stimuli? Ce qui ne renverrait pas à une conscience de soi mais à là encore de l'intelligence.
a écrit :à partir de quand la communication par signes des primates devient elle un language....avec le developpement de la syntaxe qui démultiplie les possibilités de communications...avec l'usage d'abstraction aussi, la capacité d'exprimer le futur, par exemple, donc avec le developpement du cerveau des hominidés. mais tout ça s'est fait tres progressivement sur des millions d'années.
Là tu seras ok pour dire que le développement de la syntaxe ce n'est pas précis car une syntaxe c'est déjà de l'articulé or dire cela c'est dire que l'on développe le langage avec le langage, à l'intérieur du langage. On parlait avant de la double articulation, cette combinatoire qui peut se résumer à une relation de prédication (je donne une info sur quelque chose de connu). Mais comment casse-t-on un énoncé de type communication (cri, signal, danse abeilles)? Il se peut que ma question soit mal formulée.
a écrit :Et le fait de se nommer et de nommer les autres n'est pas une condition préalable à la conscience de soi et des autres, mais plutot une étape ultérieure de cette conscience, propre à l'espece humaine, un bond qualititatif si vous preferez....
C'est bien le coeur de ce dont on discute et qu'il va falloir étayer. Ne faut-il pas formuler pour faire émerger une conscience? Si oui, quelle est la structure psychique antérieure et comment se transforme-t-elle? Ok pour un bond qualitatif, mais comment?
a écrit :mais un bond qui ne permet pas de dire aussi catégoriquement "pas de conscience sans language" mais seulement que notre forme de conscience ne peut exister sans language, meme si de nombreux élement de celle ci font appel à des processus non verbaux, le language du corps par exemple, les représentations
visuelles, etc...
Je te rejoins bien entendu (c'est le sens de la boutade de départ de partir de la situation présente) mais comme je suis gourmand, je voudrais bien comprendre ce qui se passe au stade juste avant.
a écrit :c'est bien une vision d'idéaliste que de dire que quelque chose n'existe que des lors qu'elle peut etre décrite. la terre existait 5 milliards d'années avant que l'homme ne la décrive. meme chose pour la conscience...elle pouvait exister avant qu'on en parle...pas la meme forme de conscience bien sur car le fait de parler la transforme...
Je ne savais pas que l'on parlait de la Terre comme d'un individu matériel pris dans des contradictions sociales. Tu es assez péremptoire, en évacuant nos questions d'un revers de la main.
Si je me suis référé au texte d'Engels cité plus haut, c'est bien parce que les processus dont nous discutons pourraient avoir un lien avec le travail et que c'est dans cette activité de domination de son milieu que la projection par exemple peut se faire.
a écrit :on en revient toujours au meme point...selon toi le language humain aurait précedé la conscience.
je ne pense pas que c'est la position défendue ici par Louis ou moi-même à travers les extraits de Bakhtine. Je pense qu'il y a concomittence, que c'est un couple qui évolue ensemble.
a écrit :En réalité les observation prouvent que c'est la vie sociale et la nécessité de communiquer dans le cadre d'une vie sociale de plus en plus complexe qui chez les primates ont été à l'origine de l'apparition d'un systeme de signes de plus en plus complexe qui a abouti au language humain actuel et que c'est l'existence d'une conscience de soi et des autres de plus en plus élaborée qui a abouti avec l'aide du language humain à des representations mentales de soi-meme et des autres de plus en plus riches, ce que nous appelons actuellement conscience, bien qu'en fait l'ensemble des spécialistes de psychologie cognitive s'accordent à dire que la conscience de soi ne se résume pas à ce qu'on peut verbaliser...
Oui évidemment sur l'aspect social du langage et de la conscience, juste ce truc du plus en plus complexe qui me semble manquer de précision.
J'ai souligné ce passage car tu nous postules l'existence d'une conscience de soi aidée du langage sans nous en donner l'adresse (je sais, j'insiste :swoon: ), les modalités d'existence de la conscience. Quels animaux en ont une, quels autres n'en ont pas? Pourquoi? Et l'amibe?
Tu as remarqué que je n'avais pas trop relevé tes mots doux et sarcasmes, vu qu'on est là pour échanger et débattre, non pour se donner des satisfecits ou noms d'oiseaux :harhar: