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[center]Les abeilles du Sud-Ouest menacées par un frelon venu d'Asie[/center]
LE MONDE | 19.02.07 |
Il porte un nom de velours, Vespa velutina, pour mieux dissimuler des mandibules de fer. Tout de noir vêtu, tel l'ange exterminateur, il sème la terreur parmi les colonies d'abeilles du Grand Sud-Ouest. Les apiculteurs sont sur le pied de guerre, les entomologistes pris de court... Ce frelon asiatique appartient à la sous-espèce nigrithorax. Sa couleur uniformément brun foncé, soulignée par une unique bande jaune orangé, le distingue du frelon européen, Vespa crabro, à la tête et au thorax rougeâtres et à l'abdomen rayé de jaune et de noir.
Repéré pour la première fois en France à l'automne 2005, dans le Lot-et-Garonne, il a depuis essaimé à vive allure. On le signale aujourd'hui en Dordogne, en Gironde, dans les Landes, dans le Tarn-et-Garonne, la Haute-Garonne ou les Hautes-Pyrénées, et les spécialistes s'attendent à le voir bientôt pousser jusqu'à l'Espagne.
Comment cet hyménoptère, originaire de lointaines contrées allant du nord de l'Inde aux montagnes de Sumatra, en passant par la Chine et le Bhoutan, est-il arrivé sur le continent européen ? Peut-être par bateau avec une cargaison de poteries chinoises importées, depuis la province du Yunnan, par un producteur aquitain de bonzaïs. Toujours est-il qu'il s'est "bel est bien acclimaté dans notre pays, puisqu'il est capable d'y nidifier, de s'y reproduire et que les femelles reproductrices y passent l'hiver", observe Claire Villemant, du Muséum national d'histoire naturelle de Paris.
Avec sa petite taille, légèrement inférieure à celle du frelon d'Europe, et son absence d'agressivité envers les humains - dès lors que ceux-ci n'approchent pas de ses nids -, cet envahisseur passerait inaperçu s'il ne se révélait un redoutable prédateur.
DÉFENSE EFFICACE
A la différence de Vespa crabro, qui se nourrit et gave ses larves de chenilles, mouches et insectes variés, Vespa valutina est friand d'hyménoptères sociaux et d'abeilles en particulier. Des apiculteurs relatent des scènes quotidiennes d'attaques de leurs butineuses par des escadrilles de frelons qui en font, si l'on peut dire, leur miel. La littérature scientifique rapporte qu'en Chine, ces exécuteurs ailés - qui n'hésitent pas à pénétrer à l'intérieur des ruches, après avoir décimé leurs gardiennes, pour prélever le couvain - peuvent ravager jusqu'à 30 % d'une colonie.
"L'ampleur de l'invasion est telle que l'éradication n'est plus envisageable", constate Claire Villemant, qui juge néanmoins indispensable de "suivre l'expansion" du nouveau venu, ainsi que d'étudier son impact sur les populations de frelons autochtones.
La nature ayant des ressources, les abeilles pourraient trouver elles-mêmes la parade, en imitant leurs homologues asiatiques. Celles-ci ont développé une stratégie de défense très efficace, consistant à se masser autour de leur agresseur en agitant frénétiquement leurs ailes : en quelques minutes, la température du groupe atteint 45 oC, chaleur à laquelle elles sont capables de résister mais qui provoque la mort par hyperthermie du frelon noir, cuit à l'étouffée.
Pierre Le Hir