alors, crockette, t'as lu les posts?
ça répond à tes questions sur le flagelle des bactéries l'os sphenoide et "les milliers de scientifiques" qui soutiendrait l'"intelligent design"?
(txi @ mercredi 21 mars 2007 à 11:40 a écrit :a écrit :ça répond à tes questions sur le flagelle des bactéries l'os spnoidide et "les milliers de scientifiques" qui soutiendrait l'"intelligent design"?
Petit coup de fatigue, cher volatile ? :roll:
zut, c'est la preuve que le sphenoide a encore évolué....Dambricourt Malassé aurait raison finalement....
:huh:
- canardos
- Message(s) : 18
- Inscription : 23 Déc 2005, 16:16
a écrit :
[center]Le scarabée Bombardier et l'argument du Design[/center]
Par Mark Isaak,
[Posté originellement en: 1997][Liens et Références Updatés: Mai 30, 2003]-- Traduction L. Penet
Une réponse apportée à "l'argument" du scarabée bombardier utilisé par les créationistes depuis l'aube du 20eme siècle...
Les scarabées bombardiers appartiennent au sous-ordre connu sous le nom de Adephaga. Les Adéphages sécrètent un grand nombre de composés chimiques
pour une multitude de raisons, l'une d'entre elle étant la défense.
Une position centrale du créationisme est que toute vie présente comme un dessein, et un exemple communément cité de ce dessein est le scarabée bombardier. Prétendre une telle qualité requiert une étude dudit scarabée bombardier et de ce que "dessein" peut bien vouloir signifier. Une étude attentive de ces questions révèle cependant que ce scarabée présente les preuves d'une évolution et défie sérieusement le concept de dessein.
Cet article prends d'abord le temps d'observer les scarabées bombardiers et ce qui les rends si spéciaux; ensuite il examine la question de comment ces derniers peuvent se rapporter aux différents concepts de dessein-- spécifiquement la complexité, le pattern, et le dessein proprement dit.
Que sont les scarabées bombardiers?
Les scarabées bombardiers incluent les scarabés coureurs des quatre tribus suivantes: Brachinini, Paussini, Ozaenini, et Metriini[Aneshansley et al, 1983]-- soit plus de 500 espèces réunies [Lawrence & Britton, 1991]. Le Genre Brachinus est le plus largement distribué.
Un scarabée bombardier. (Image de The Tree of Life).
Les scarabées bombardiers sont de remarquables créatures, méritant véritablement l'attention qu'elles ont recue. Elles doivent leur nom commun de cette capacité à se défendre de leurs prédateurs en tirant une substance toxique bouillante depuis des glandes spéciales de leur postérieur. Dans au moins une espèce le spray prend même la forme d'un jet pulsatile [Dean et al., 1990] (D'autres espèces vaporisent un jet continu, mais la plupart des espèces n'ont cependant pas été étudiées d'aussi prêt).
Le mécanisme de ce spray fonctionne comme suit: des cellules sécrètrices produisent des hydroquinones et de l'hydrogène péroxyde (ainsi que probablement d'autres substances, suivant les espèces), qui sont collectés dans un réservoire. Le réservoire s'ouvre par une valve controlée musculairement sur une chambre de réaction aux parois renforcées. Cette chambre est alignée de cellules qui elles sécrètent des enzymes catalases et péroxidases. Ainsi, quand le contenu du réservoire est propulsé dans la chambre de réaction, les catalases et les péroxidases dégradent rapidement l'hydrogène péroxyde permettant la catalyse oxydative des hydroquinones en p-quinones. Ces réactions libèrent du dioxygène et génère suffisemment de chaleur pour porter le mélange à son point d'ébullition tout en vaporisant prés d'un cinquième du mélange. Sous la pression des gaz ainsi libérés, la valve étant maintenue fermement fermée, les produits chimiques sont ainsi expulsés de facon explosive par une ouverture à la pointe de l'abdomen [Aneshansley & Eisner, 1969; Aneshansley et al, 1983; Eisner et al, 1989].
La plupart de la littérature créationiste donne une description erronée de ce phénomène. Basées sur une traduction admissiblement tendancieuse d'un article de 1961 par Schildknecht & Holoubek, [Kofahl, 1981] Duane Gish {l'originateur du pamphlet créationiste sur le scarabée bombardier, ndt} a prétendu que l'hydrogène péroxyde et les hydroquinones allaient exploser spontanément sans l'existence d'un inhibiteur, de sorte que le scarabée commencerait supposément par mélanger les trois composés avant d'y ajouter un anti-inhibiteur quand il souhaiterait une explosion [Weber, 1981]. En fait, les deux produits n'explosent tout simplement pas quand ils sont mélangés ensembles, comme d'autres l'ont démontré [Dawkins, 1987, p. 86-87]. (Schildknecht a émis l'hypothèse d'un inhibiteur physique qui empêcherait la mixture de se dégrader dans les scarabées non-disséqués; en réalité, la dégradation dont il fut témoin était probablement simplement le résultat d'une exposition à l'air.) Gish utilisait encore ce scénario erroné aprés avoir été corrigé par Kofahl en 1978 [Weber, 1981]. La même erreur caricaturale est répétée dans des livres par Hitching en 1981, Huse en 1983 et 1993, et également deux fois dans un magazine créationiste en 1990 [Anon, 1990a, b].
Dans un livre pour enfants, Rue fait un meilleur travail de description de la chimie impliquée mais a finalement tout de même le mécanisme physique faux à la place, prétendant que le liquide est tiré par la chambre de mise à feu mais n'explose pas avant la sortie du corps du scarabée...
" S'il explosait à l'intérieur, cela soufflerait n'importe quel scarabée bombardier en morceau"
[Rue, 1984, p. 23]
En fait, c'est bien parce que l'explosion se produit dans la chambre de mise à feu que cette force peut être dirigée vers une menace.
On peut s'étonner de quel poids peut bien peser un argument de dessein si les personnes qui le tiennent ne savent même pas de quoi le design supposé peut bien avoir l'air...
La "Complexité"
Le fait de savoir comment une chose a l'air ne nous dit rien de si elle présente effectivement un dessein/design; Pour cela, il faut tout d'abord savoir ce que dessein veut bien vouloir dire. Bien que ce terme soit rarement défini, l'aspect probablement le plus important du dessein, dés lors qu'il est en relation avec le créationisme, est apparemment "la complexité". Comme Richard Lumsden a dit,
Les systèmes qui sont d'une grande complexité, c'est-à-dire qui sont fonctionnellement intégrés en systèmes à composantes multiples, les systèmes qui sont d'une grande spécificité et ou si un seul ou seulement quelques uns des arrangements possibles de ces composantes fonctionnent, ainsi que les systèmes qui sont de faible probabilité, au moins en occurence spontanée... ceux ci sont la marque de systèmes d'ingénieurerie avec dessein objectif.[Lumsden, 1995]
Cepedant, la théorie de l'évolution permet également de produire la complexité, fonctionnellement intégrée, ainsi que les systèmes de faible probabilité, via une variation graduelle et la sélection. Par exemple, Darwin a expliqué comment, suivant sa théorie, quelques cellules photosensibles peuvent évoluer graduellement en oeils humains [Darwin, 1872, chpt. 6]. Pour que la complexité soit réellement un problème pour l'évolution, il faut montrer que ces propriétés ne peuvent pas être obtenues par un développement graduel. Michael Behe suppose une telle propriété avec le concept qu'il appelle Complexité Irréductible, qu'il définit comme
"Un système unique de plusieurs parties parfaitement correspondantes, de parties interagissant et qui contribuent à réaliser une fonction de base, au sein duquel le retrait de n'importe quelle partie cesse de faire effectivement fonctionner le tout."
[Behe, 1996, p. 39]
Bien que Behe laisse ouvertes les questions de savoir si les scarabées bombardiers sont irréductiblement complexes, Gish exprime le concept succintement et lui fait référence quand il dit:
"Comment allez vous pour expliquer cette évolution par sélection naturelle étape par étape? Cela est tout simplement impossible!"
[cité dans Weber, 1981]
Gish est tout simplement dans l'erreur: une évolution étape par étape du système du scarabée bombardier est en fait trés simple à imaginer. Le scénario présenté ci-dessous montre une évolution possible étape par étape du mécanisme du scarabée bombardier à partir d'un arthropode primitif.
1 Les Quinones sont produites par des cellules épidermiques pour tanner la cuticule. Ceci existe fréquemment chez les arthropodes. [Dettner, 1987]
2 Certaines de ces quinones ne sont pas utilisées, mais restent sur la surface de l'épiderme, donnant à l'arthropode un trés mauvais gout. (Les Quinones sont utilisées comme sécrétions défensives dans une grande variété d'arthropodes modernes, des scarabées aux mille-pattes. [Eisner, 1970])
3 De petites invaginations se développent dans l'épiderme entre les sclérites (plaques de cuticule). En se tortillant, l'insecte peut faire presser plus de quinones à sa surface en cas de besoin.
4 Les invaginations s'approfondissent. Des muscles sont déplacés tout autours progressivement permettant un rejet plus facile des quinones de certaines de ces invaginations. (De nombreuses espèces de fourmis ont des glandes similaires à celle ci par exemple, notamment au bout de leur abdomen. [Holldobler & Wilson, 1990, pp. 233-237])
5 Une paire de ces invaginations (maintenant devenus des réservoires) deviennent si profonds que les autres sont inconséquents en comparaison. Ces derniers régressent progressivement vers l'état épidermique originel.
6 Eisner, 1970, pour une revue.) Ceci aide ces insectes à se défendre contre les prédateurs, qui eux peuvent avoir évolué une résistance aux quinones. Un de ces composés est l'hydroquinone.
7 Les cellules qui sécrètent les hydroquinones développent des couches multiples le long des parties du réservoire, permettant à plus d'hydroquinones d'être produites. Des canaux entre les cellules permettent aux hydroquinones de toutes les couches d'atteindre le réservoire.
8 Les canaux deviennent un conduit, spécialisé pour transporter les produits chimiques. Les cellules sécrétrices se retirent de la surface du réservoire, devenant ultimement un organe distinct.
Ce stade -- des glandes sécrétrices connectée par des canaux à des réservoires -- existent chez de nombreux scarabées. La configuration particulière des glandes et réservoires que les scarabées bombardier ont en commun est fréquente chez les autres coléoptères de ce sous-ordre [Forsyth, 1970].
9 Des muscles s'adaptent, qui closent le réservoire, empêchant les substances de s'écouler quand cela n'est pas désirable.
10 L'hydrogène péroxide, qui est un sous-produit commun du métabolisme cellulaire, est ensuite mêlé aux hydroquinones. Les deux réagissent lentement, de sorte qu'un mélange de quinones et d'hydroquinones devient alors utilisé pour la défense.
11 Des cellules qui sécrètent de petites quantités de catalases et de péroxidases apparaissent le long du passage d'exsudation du réservoires, en dehors de la valve qui le ferme. Celles-ci permettent d'assurer que plus de quinones sont utilisées dans les sécrétions défensives.
Les catalases existent dans presque toutes les cellules, et les péroxidases sont également communes chez les plantes, les animaux et les bactéries, donc ces composés chimiques n'ont pas besoin d'être développés à partir de rien mais tout simplement d'être juste concentrés à un endroit.
12 Plus de catalase et de péroxidase sont produites, de sorte que la décharge est plus chaude et est éjectée plus vite par l'oxygène généré par la réaction. Le scarabée Metrius contractus illustre même l'exemple d'un scarabée bombardier qui produit une décharge brumeuse, mais aucun jet, depuis ses chambres de réaction. L'ébullition du liquide produit un fin brouillard[Eisner et al., 2000].
13 Les parois de cette partie du passage d'expulsion deviennent plus fortes, permettant ainsi de supporter mieux la chaleur et la pression générée par la réaction.
14 Encore plus de catalases et de péroxidases sont produites, et les parois s'épaississent et forment une chambre de réaction. Graduellement, celles ci deviennent le mécanisme d'aujourd'hui chez les scarabées bombardiers.
15 La pointe de l'abdomen des scarabées devient quelque peu élongée et plus flexible, permettant au coléoptère de viser et d'orienter sa décharge dans de multiples directions.
Notez que toutes les étapes ci-dessus sont petites et peuvent même être divisées en étapes plus petites. Le mécanisme des scarabées bombardiers peut prendre origine par la simple accumulation de micro-évolution. De surcroit, toutes ces étapes sont probablement avantageuses, de sorte qu'elles peuvent parfaitement avoir été sélectionnées. Aucun évènement improbable n'est requis. Ainsi qu'il est remarqué, plusieurs de ces stades intermédiaires sont connus pour être viables du simple fait qu'ils existent dans des population actuelles.
Le scénario proposé ci-dessus est hypothétique; l'évolution factuelle des scarabées bombardiers ne s'est probablement pas déroulée exactement comme cela. Les étapes sont présentées séquentiellement par souci de clarté, mais ne nécessitent pas de s'être déroulées dans l'ordre donné. Par exemple, la fermeture du réservoire par les muscles (étape 9) peut avoir concourru simultanément avec chacune des étapes 6 à 10. Déterminer la séquence réelle du développement nécessiterait énormément plus d'effort de recherche au niveau de la génétique, de l'anatomie comparée, et de la paléontologie des scarabées. Le scénario montre en revanche que l'évolution d'une structure complexe est loin d'être impossible. L'existence de scénarios alternatifs ne fait que renforcer cette conclusion.
Quelques autres points concernat ce scénario méritent d'être soulignés:
Les parties d'un système complet n'ont pas besoin d'être créées spécifiquement pour ce système, et les caractéristiques utilisées pour un objectif peuvent être utilisées pour une autre fonction. Ainsi, les quinones servant originellement à noircir la cuticule ont été utilisées par la suite pour la défense. Les muscles qui controlent la valve et vident le réservoire peuvent trés bien être adaptés de muscles existant déjà dans l'abdomen du scarabée.
La complexité peut tout aussi bien diminuer qu'augmenter. Dans le scénario proposé, la plupart des invaginations dans lesquelles les quinones sont stockées ont par la suite disparues. Dans d'autres cas la structure peut originellement se développer avec une structure complexe la supportant, avant que cette dernière ne diminue ou ne disparaisse.
Deux parties voire plus peuvent évoluer trés finement à une certaine période en conjonction avec une autre partie. La puissance des parois de la chambre de réaction et la quantité de catalase ont augmenté ensemble. Une partie n'a pas nécessairement besoin d'être présente dans sa forme finale avant que l'autre partie n'existe.
Chacun des ces points rend possible l'évolution de la complexité, y compris de la complexité irréductible. De nombreuses personnes vont toujours avoir des difficultés à imaginer comment la complexité peut survenir graduellement. Cependant, la complexité dans toutes ses formes se produit constamment dans la nature; Les nuages, la formation de cavernes, et les flocons de neige ne sont que quelques exemples. Le point le plus important reste que la nature n'est pas contrainte par le manque d'imagination de quiconque.
Le Pattern
Un autre aspect du dessein/design est la vraisemblance d'une sorte de pattern. Une fois de plus, cependant, la théorie de l'évolution prédit également l'existence de patterns --en particulier, une organisation en hiérarchie emboitée des caractéristiques des organismes-- et c'est d'ailleurs le pattern que l'on observe. Par exemple, chez les arthropodes, les insectes possèdent un ensemble de caractères qui les distingue des autres arthropodes (six pattes, un corps en trois parties distinctes, une seule paire d'antennes, etc.); Parmi les insectes, les scarabées sont distingués par leur propre ensemble de caractéristiques; Chez les scarabées, le sous-ordre des Adéphages a également un ensemble unique de caractères; De la même facon, pour les scarabées courreurs au sein des Adéphages, des scarabées bombardiers étant aussi un de leur sous-ensemble, et ainsi de suite pour tous les sous-groupes en leur sein [Erwin, 1970]. Une telle organisation se rencontre non seulement lorsque l'on regarde les caractéristiques morphologiques, mais le même pattern apparait en reagrdant au niveau biochimique, embryologique, génétique, voire même comportemental. Bien qu'aucune étude exhaustive n'ait été menée sur les scarabées bombardiers, on peut prédire en toute confidence que les similarités génétiques vont s'apparier trés finement avec les autres similarités déjà établies pour d'autres caractères.
L'évolution fait également des prédictions concernant les patterns de distribution, avec les espèces ou groupes d'espèces les plus similaires entre elles qui sont localisés plus proches les unes des autres. De tels patterns sont bel et bien observés. [Erwin, 1970, pp. 184-208]
Le créationisme, quant à lui, au sujet du pattern/design, dit vraiment peu de choses, en dehors du fait que les formes similaires ont été créées pour des fonctions similaires, et que les différentes formes ont été créées pour des fonctions différentes [Morris, 1985, p. 70], ou, plus brièvement, que la forme précède la fonction. Cela, en revanche, ne décrit rien des patterns que l'on rencontre dans la nature.
Au contraire, la même fonction prend souvent différentes formes. De nombreux scarabées courreurs ont des habitudes et des habitats quasiment similaires aux centipèdes, mais les deux groupes n'ont cependant rien de semblable. Un groupe de scarabées bombardiers (les Paussines), utilisent le même mécanisme chimique pour tirer leur jet défensif tout comme d'autres scarabées bombardiers, mais ils ont une toute autre méthode de visée. En effet, alors que les scarabées bombardiers de la sous-famille des Brachinines ont leur glande qui s'ouvre à la point de l'abdomen et courbent simplement l'abdomen pour tirer, les Paussines quant à eux ont leur glande qui se trouve plus sur le coté, et ne tirent que du coté désiré de la chambre. Et s'ils souhaitent tirer vers l'avant, ils relèvent trés légèrement l'abdomen de sorte que l'ouverture se retrouve adjacente à une encoche sur leur élytre qui décoche le tir vers l'avant [Eisner and Aneshansley, 1982]. Les glandes pygidiales ne sont pas utilisées pour la défense seulement par les scarabées bombardiers mais par quasiment toutes les espèces dans le sous-ordre des Adéphages, même si la structure de ces glandes et les substances qu'elles produisent varient de facon significative entre les différentes familles et différents Genres de ces scarabées [Forsyth, 1970; Kanehisa & Murase, 1977; Moore, 1979; Eisner et al., 1977].
Inversement, la même forme est parfois utilisée pour différentes fonctions. Nous n'en connaissons pas de bon exemple au sein des scarabées bombardiers, mais les staphylins permettent de l'illustrer parfaitement. De nombreuses espèces de cette famille exudent des subtances défensives par la pointe de leur abdomen. Les scarabées du Genre Stenus font une toute autre utilisation de ces substances: lorsqu'ils sont menacés alors qu'ils paissent à la surface de l'eau, ils portent le bout de leur abdomen sur la surface du liquide. Les substances chimiques disruptent la tension de surface, ce qui propulse rapidement les scarabées jusqu'à plusieurs mètres de distance[Eisner, 1970, p. 200].
Finalement, certaines formes n'ont pas de fonction. Certaines espèces de scarabées bombardiers (ainsi que de nombreux autres insectes à ce sujet) ne peuvent pas voler mais ont des ailes vestigiales [Erwin, 1970, pp. 46, 55, 91, 114-115, 119]. Certains argumentent que ces bouts d'ailes ont une fonction encore inconnue qui reste à préciser, mais même en faisant l'hypothèse que ce soit effectivement le cas et qu'une fonction soit finalement identifiable pour toutes les paires d'ailes vestigiales, la situation ne fait que changer l'argument dans le cas précédent ou différentes fonctions sont assumées par la même forme.
Les créationistes proclament également que les formes de vie ont été créées en "types" distincts, mais ces fameux types refusent de prendre aucune forme tangible. En effet, les différentes espèces ne sont jamais complètement isolées du point de vue reproductif. Certaines espèces de scarabées bombardiers sont même si similaires que même des experts ont du mal à les distinguer. A de plus hauts niveaux de classification, il est en revanche fort facile d'identifier des groupes qui sont isolés de facon complètement non-ambigue, mais ces groupes sont toujours organisés par emboitement les uns au sein des autres (une conséquence attendue sous l'hypothèse de la communauté de descendance), de sorte qu'il devient tout à fait arbitraire d'identifier des "types" à étiqueter à ces groupes. Pourriez vous identifier des "types" respectivement avec des espèces , des groupes d'espèces, des sous-Genres, des Genres, des sous-Tribus, des Tribus, des Divisions, des Familles, des Ordres, des Phylums ou un quelquonque niveau systématique entre ces niveaux? Si vous décidez qu'un certain degré de variation est acceptable au sein d'un type, il devient impossible de définir un regroupement naturel qui n'incluse de variation légère et par conséquent puisse être atteint par de la simple micro-évolution. Peut être bien que la meilleure preuve de l'absence de types naturels est justement l'incapacité des créationistes eux-mêmes à définir ce qu'ils veulent dire.
En résumé, les patterns de similarité et les différences observées dans la nature sont juste ce que l'on s'attend à observer dans l'hypothèse de descendance avec modification; Ils ne correspondent absolument pas à ce que l'on devrait voir dans une création ou la forme précèderait la fonction. Les "types" sont arbitraires et ne sont qu'une convenance d'usage créée par l'homme; Ils ne peuvent pas être déterminés en se basant sur la nature.
Le Dessein
Pour finir, un dernier aspect du Design est le dessein. Mais un dessein peut être bien plus difficile à distinguer qu'un simple Design ne le serait. Il peut paraitre évident que le dessein du mécanisme de défense des scarabées bombardiers est de les protéger contre les prédateurs -- et en effet, il est efficace en tant que tel [Eisner, 1958]-- mais il s'agit purement de notre regard; Sans lire dans l'esprit du scarabée, nous ne pouvons pas savoir quel est ce dessein. En fait, ce mécanisme n'est trés probablement rien de plus qu'un réflexe, puisque les scarabées bombardiers ne tirent pas toujours sur certains prédateurs (comme leur collecteurs humains), tandis qu'ils tirent sur certains non-prédateurs (comme des paires de pinces tenues par un expérimentateur). Ultimement, les déclarations de dessein ne sont que des déclarations de nos propres croyances et rien de plus.
En outre, un semblant de dessein est parfaitement consistant avec la théorie de l'évolution. La théorie affirme que les organismes qui survivent sont ceux qui développent des stratégies à succès; ceux qui ont hérité des stratégies vouées à l'échec ne sont plus autours de nous. Parce que ces stratégies gagnantes ont réussit, elles nous paraissent avoir le dessein de ce à quoi elles ont réussit. La défense des scarabées bombardiers ne fonctionne pas parce que cela est son dessein, mais au contraire, nous lui attribuons ce dessein parce que cette défense fonctionne.
Certaines personnes affirment la croyance selon laquelle la défense des scarabées bombardiers, qu'elle soit un réflexe ou non, démontre le dessein de Dieu. Mais déclarer connaitre l'esprit de dieu est une forme d'arrogance. La bible stipule clairement (for example, Job 37:5, Eccl. 11:5, Is. 55:8) par exemple que nous ne pouvons comprendre le dessein de Dieu [à supposer qu'il y en ait un, ndt].
Pour de nombreux créationistes, l'idée même de dessein aboutit à une contradiction inextricable. Ils affirment que le mécanisme de défense des scarabées bombardiers illustre un dessein, mais lequel? Ils prétendent également que la mort ne faisait pas partie intégrante de ce dessein à l'origine, mais provient ultérieurement du péché originel [Morris, 1985, p. 211]. Si la défense des scarabées bombardiers était part intégrante de la création originelle, alors elle n'avait pas de dessein; si elle est survenue ensuite, alors elle n'avait pas de design. Et ce problème ne se limite pas qu'au mécanisme de défense : tous les scarabées bombardiers sont des prédateurs, et sont donc des agents de mort. Même en tant que larves ce sont prédateurs; au moins deux espèces sont des ectoparasites de la pupe d'autres scarabées, dévorant et tuant ultimement leur hote sans recours [Erwin, 1967]. Cet aspect précis de la vie des scarabées a-t-il été part intégrante du dessein avec les autres aspects du scarabée?
Autres Commentaires
Afin de pouvoir dire si quelquechose relève d'un dessein, on se doit de distinguer ce qui en est un de ce qui n'en est pas. Cela pose immédiatement la question de ce qui n'a pas de dessein. Si vous croyez que Dieu a tout créé, alors rien ne possède pas de dessein, et les déclamations que tout présente une apparence de dessein tombe faute de comparaison. Alternativement, il est toujours possible de prétendre que seules certaines parties de l'univers ont ce dessein divin.
Conclusions
Est-ce que les scarabées bombardiers semblent présenter un dessein? Oui, et ils semble d'ailleurs bien trouver origine dans l'évolution. Leurs caractéristiques, comportements, et distributions géographiques correspondent parfaitement aux sortes de patterns que l'évolution produit. Personne n'a encore jamais rien rencontré chez les scarabées bombardiers qui soit incompatible avec l'évolution.
Cela ne veut pas dire, bien évidemment, que nous connaissions tout de l'évolution des scarabées bombardiers, loin de là. Mais les fossés dans notre connaissance ne doivent pas être pris pour plus significatifs qu'ils ne sont. Certains sont apparemment inconfortables avec l'idée d'incertitude, si inconfortables qu'ils tentent de transformer l'inconnu en inconnaissable. Il n'y a jamais eu la moindre preuve que les scarabées bombardiers ne puissent pas avoir évolué, mais seulement parce qu'ils n'arrivent pas à se représenter qu'ils le puissent, tout simplement sautent à la conclusion qu'une telle explication est impossible. en fait, leur conclusion en dit bien plus long sur eux que sur les scarabées. Tirer une telle conclusion basée sur une simple ignorance est d'une telle arrogance...
Est ce que l'évolution disqualifie un Designeur Intelligent? Beaucoup de gens rejette l'idée d'évolution parce qu'ils pensent que cela retire le role [éventuel, ndt] que Dieu a joué dans la création de la vie. Cela n'est le cas, cependant, que pour les gens qui requièrent au concept de dieu de concorder avec certaines idées préconcues de ce que le "Dessein Intelligent" doivent signifier. Des millions de personnes tout autours du monde n'ont aucun problème à croire en dieu et à accepter l'évolution en même temps [que j'aimerais partager cet optimisme! ndt]. L'évolution ne contredit que le dieu créé par l'homme et qui opère sous des contraintes imaginées par l'homme.
Finalement, ils convient de se souvenir que les arguments utilisés ici s'appliquent à bien plus que seulement les scarabées bombardiers. Les créationistes ont argumenté en faveur du semblant de dessein pour tout, du flagelle des bactéries jusqu'à la métamorphose des papillons. Ces arguments comportent tous les mêmes erreurs; ils sont basés sur une combinaison d'ignorance combinée à un concept de dessein qui ne saurait se distinguer de l'évolution. Si la moindre forme de Design incompatible avec l'évolution était découverte en biologie, personne ne serait plus excités que les biologistes professionnels. Mais jusqu'à maintenant rien de tel n'a été découvert.
Références
Aneshansley, Daniel J. & T. Eisner, 1969. Biochemistry at 100C: explosive secretory discharge of bombardier beetles (Brachinus). Science 165: 61-63.
Aneshansley, D.J., T.H. Jones, D. Alsop, J. Meinwald, & T. Eisner, 1983. Thermal concomitants and biochemistry of the explosive discharge mechanism of some little known bombardier beetles. Experientia 39: 366-368.
Anonymous, 1990a. The amazing bombardier beetle. Creation Ex Nihilo 12(1): 29.
http://www.answersingenesis.org/home/area/...12n1_beetle.asp
Anonymous, 1990b. Bombardier beetle's 'buzz bombs'. Creation Ex Nihilo 12(4): 6.
Behe, Michael J., 1996. Darwin's Black Box, Free Press, NY.
Darwin, Charles, 1872, 1994. The Origin of Species, Senate, London.
Dawkins, Richard, 1987. The Blind Watchmaker, Norton, NY.
Dean, Jeffrey, D.J. Aneshansley, H.E. Edgerton, T. Eisner, 1990. Defensive spray of the bombardier beetle: a biological pulse jet. Science 248: 1219-1221.
Dettner, Konrad, 1987. Chemosystematics and evolution of beetle chemical defenses. Annual Review of Entomology 32: 17-48.
Eisner, Thomas, 1958. The protective role of the spray mechanism of the bombardier beetle, Brachynus ballistarius Lec. Journal of Insect Physiology 2: 215-220.
Eisner, Thomas, 1970. Chemical defense against predation in arthropods. In Sondheimer, E. & J. B. Simeone, Chemical Ecology, Academic Press, NY, pp. 157-217.
Eisner, Thomas, T.H. Jones, D.J. Aneshansley, W.R. Tschinkel, R.E. Silberglied, J. Meinwald, 1977. Chemistry of defensive secretions of bombardier beetles (Brachinini, Metriini, Ozaenini, Paussini). J. Insect Physiol. 23: 1382-1386.
Eisner, Thomas & Daniel J. Aneshansley, 1982. Spray aiming in bombardier beetles: jet deflection by the Coanda effect. Science 215: 83-85.
Eisner, Thomas, D.J. Aneshansley, M. Eisner, A.B. Attygalle, D.W. Alsop, J. Meinwald, 2000. Spray mechanism of the most primitive bombardier beetle (Metrius contractus). Journal of Experimental Biology 203: 1265-1275.
Abstract: http://jeb.biologists.org/cgi/content/abstract/203/8/1265
Full Text (PDF): http://jeb.biologists.org/cgi/reprint/203/8/1265.pdf
Eisner, Thomas, George E. Ball, Braden Roach, Daniel J. Aneshansley, Maria Eisner, Curtis L. Blankespoor, & Jerrold Meinwald, 1989. Chemical defense of an Ozaenine bombardier beetle from New Guinea. Psyche 96: 153-160.
Erwin, Terry L., 1967. Bombardier beetles (Coleoptera, Carabidae) of North America: Part II. Biology and behavior of Brachinus pallidus Erwin in California. Coleopterists' Bulletin 21: 41-55
Erwin, Terry Lee, 1970. A reclassification of bombardier beetles and a taxonomic revision of the North and Middle American species (Carabidae: Brachinida). Quaestiones Entomologicae 6: 4-215.
Forsyth, D.J., 1970. The structure of the defence glands of the Cicindelidae, Amphizoidae, and Hygrobiidae (Insecta: Coleoptera). J. Zool. Lond., 160: 51-69.
Hitching, Francis, 1981. The Neck of the Giraffe, Meridian, NY, p. 68.
Holldobler, Bert & Edward O. Wilson, 1990. The Ants, Bleknap Press, MA.
Huse, Scott M., 1983. The Collapse of Evolution, Baker Books, Grand Rapids, MI.
Huse, Scott M., 1993. The Collapse of Evolution, 2nd ed., Baker Books, Grand Rapids, MI, pp. 98-100.
Kanehisa, Katsuo & Masanori Murase, 1977. Comparative study of the pygidial defense systems of carabid beetles. Appl. Ent. Zool., 12(3): 225-235.
Kofahl, Robert E., 1981. The bombardier beetle shoots back. Creation/Evolution 2(3): 12-14.
http://www.ncseweb.org/resources/articles/...20Shoots%20Back
Lawrence, J.F. & E.B. Britton, 1991. Coleoptera. In CSIRO, The Insects of Australia, vol. 2, Cornell Univ. Press, Ithaca, NY, pp. 543-683.
Lumsden, Richard, 1995, quoted by Alters, Brian J., 1995, A content analysis of the Institute for Creation Research's Institute on Scientific Creationism. Creation/Evolution 15(2): 1-15.
Moore, Barry P., 1979. Chemical defense in carabis and its bearing on phylogeny. In Erwin, T.L., G.E. Ball, D.L. Whitehead, & A.L. Halpern, eds, Carabid beetles: Their evolution, natural history, and classification. Junk, The Hague. pp. 193-203.
Morris, Henry M., 1985. Scientific creationism. Master Books, AR.
Rue, Hazel May, 1984. Bomby the Bombardier Beetle. ICR, El Cahon, CA.
Schildknecht, H. & Holoubek, K., 1961. Die bombardierkafer und ihre explosionschemie. Angewandte Chemie 73(1): 1-7.
Weber, Christopher Gregory, 1981. The bombardier beetle myth exploded. Creation/Evolution 2(1): 1-5.
http://www.ncseweb.org/resources/articles/...Myth%20Exploded
a écrit :
[center]LA CONSTANTE PRIMITIVE[/center]
Dessein intelligent, animisme et théologie naturelle
L’idée d’une intelligence supérieure organisatrice du monde et de ses harmonies a l’âge des grandes religions révélées. Fondamentale dans le christianisme, où elle qualifie Dieu en tant qu’auteur de la Création, elle y est sans nul doute l’article de foi premier, socle et condition de tous les autres. La croyance en une création ne fonderait en effet aucune religion si cette création n’exprimait aucun plan, c’est-à-dire n’instaurait aucun ordre.
Mais avant même qu’il en puisse être ainsi, à la source de toutes les croyances humaines, au cœur du plus simple animisme, réside l’idée – d’abord individuelle et irréfléchie dans la surprise et dans la peur, puis collective et réfléchie dans le mythe – qu’une intention habite chaque manifestation de la nature. Si le mot « primitif » signifie quelque chose, c’est en tout premier lieu ce finalisme spontané attribuant au phénomène le sens qui s’attache à l’expression d’une volonté exerçant un pouvoir sur le monde en vue de certaines fins. Une volonté toujours interprétée d’abord comme l’analogue extérieur de la volonté intérieure dont l’Ego primitif se sait habité lorsqu’il exerce son propre pouvoir sur le monde. Telle est donc l’origine.
L’Ego primitif est finaliste parce qu’il possède l’expérience initiale d’un agent, parce qu’il est lui-même une cause. L’enfant qui crie s’éprouve comme cause de l’arrivée de sa mère, et si après cela elle arrive, n’arrive pas, ou se met en colère, ce n’est pas un hasard : sa mère est également pour lui cause – et cause intentionnelle – du bonheur comme du malheur qu’il ressent, ce qui lui permettra tour à tour de l’aimer, de la craindre ou de la haïr. Cette structure psycho-relationnelle initiale explique la généralisation première de l’explication causale par l’animisme. Ce n’est qu’au cours d’une évolution que l’échec de l’adresse magico-religieuse à des forces causales subjectifiées et la découverte du déterminisme indifférent fixeront l’horizon de la connaissance objective comme l’idéal normatif (appelant rupture avec la croyance) de la compréhension de l’univers. Le matérialisme rationnel se pose donc nécessairement comme âge adulte de la connaissance, et condition méthodologique de la science. Il exclut la projection intentionnalisante à quoi se réduit primitivement toute la pensée finaliste.
Définition et genèse du finalisme
Nous reprendrons ici la définition générale du finalisme donnée en tête de l’article ainsi intitulé du Dictionnaire du darwinisme et de l’évolution :
« Doctrine de l’tre qui assigne à toute forme d’existence un plan, un projet ou une intention réglant l’adéquation de ses caractéristiques à une destination préfixe. Dans cette définition, le finalisme équivaut sensiblement à la doctrine scolastique des causes finales, qui interprète toute configuration cohésive, régulière et harmonique de l’univers en termes d’orientation intelligente, de plan ou de dessein providentiel : le terme est alors quasiment synonyme de providentialisme. D’une manière générale, le finalisme est l’attitude philosophique, ordinairement dominée par un spiritualisme théologique plus ou moins marqué, qui consiste à mettre l’accent sur la finalité dans l’interprétation de l’univers ».
Pour une pensée finaliste, « il n’y a pas de hasard », au sens où il n’y a pas de déterminisme indifférent. Pour expliquer l’tre dans ses caractéristiques de structure et de fonctionnement ordonnés, il lui faut recourir à l’application d’une intelligence prévoyante comparable à celle de l’ingénieur ou de l’artisan. C’est évidemment ce finalisme théologique que combat la théorie darwinienne de l’évolution des organismes. L’homme, instituteur d’ordre et finalisateur d’actions, tend spontanément d’abord à reconnaître dans l’ordre de l’univers (qui est réel, mais ne dépend pas de lui) un ordre dépendant d’une intelligence prescriptrice analogue à la sienne, mais transcendante et disposant d’un pouvoir supérieur. C’est le fond primitif de toutes les religions. C’est la projection du désir humain vécu comme cause, et Spinoza l’avait déjà parfaitement reconnu[1]. Ce que montre la théorie darwinienne, c’est que l’ordre de l’univers vivant se constitue sans cesse d’une interaction d’existences réalisant entre elles des combinaisons productrices d’équilibres mobiles sélectionnés, eux-mêmes temporaires et non strictement prédictibles dans la plupart des cas, mais néanmoins observables et nécessaires. Tout providentialisme au contraire condamne la science en déclarant l’impuissance de la nature à produire ce qui pourtant la caractérise, et à livrer les clés de son intelligibilité. Si malgré tout la pensée finaliste persiste et se réitère indéfiniment dans les consciences en dépit de l’opérativité scientifique exclusive des explications non finalistes, c’est tout simplement parce qu’elle correspond, à l’instar de l’animisme, à la postulation primitive spontanée de l’agent qui, s’éprouvant dans le monde comme efficience intentionnelle et causale, ne peut d’abord penser le monde que comme l’effet d’un agent pourvu comme lui de conscience, de représentation des fins, de volonté et d’intention. La pensée finaliste est retour, régression régulière vers la projection primitive de l’Ego finalisateur. Comme égocentrisme gnoséologique, elle est ce que la connaissance objective aura constamment à dépasser. Là s’ébauche une réponse partielle à la question centrale des déterminations de la connaissance scientifique : cette dernière pourrait se caractériser d’abord par un divorce psychologique avec l’imperium de l’Ego sur le monde.
Dans la grande histoire de la séparation entre la pensée magico-religieuse et la pensée technico-scientifique se joue, lentement, le dépassement en question, mais l’héritage de la première n’est pas amorti pour autant : il constitue notamment la mythologie égocentrique et démiurgique de l’art (toujours en cela, même s’il ne se réduit pas à ces déterminations, animiste et paranoïaque), et subsiste à l’état résiduel au sein d’une portion nostalgique de la conscience scientifique, obstinément prisonnière de la grande régression providentialiste : si la fin du XXe siècle et du second millénaire a été marquée, si peu « sérieusement » que ce soit du point de vue de la science, mais aussi massivement, par les résurgences du créationnisme, par la réactivation du finalisme teilhardien en matière d’évolution, et par la vieille doctrine d’un ordre cosmique finalisé par l’apparition de l’homme, c’est très exactement parce que la « coupure » bachelardienne entre connaissance vulgaire et connaissance scientifique est un horizon, mais non encore, certes, un acquis – l’idée même d’une telle coupure et de ce qu’elle refoule impliquant d’autre part à l’évidence, circonstances aidant, le retour du refoulé. C’est très exactement ce qu’aujourd’hui la résurgence de la thématique, banale mais inépuisable, du « plan intelligent » nous permet d’analyser.
La théologie naturelle et le providentialisme
Lorsque l’intelligence humaine, reflet atténué de l’intelligence divine, mais toujours susceptible de désobéissance coupable, conquiert le pouvoir de contester la véridicité du dogme de l’universel commencement en interprétant autrement le monde et sa genèse, les Églises réagissent à cette fragilisation momentanée ou à cette menace en intégrant dans leur conception les données nouvelles de la connaissance de la nature afin de les réintégrer dans le champ d’une Providence dont la légende biblique ne serait plus alors que l’expression figurée : les six jours de la création divine deviennent soudain autant d’époques de variable durée, et le dogme, renfermant non plus une vérité littérale, mais un tissu de métaphores, d’allégories, d’apologues, de paraboles ou d’énigmes, devient alors le symbole d’une vérité cachée aux indifférents, ouvrant par là même à l’exégèse un registre aussi vaste que l’ensemble des articles de foi qu’il s’agit pour les hiérarchies ecclésiastiques de préserver d’une péremption qui signerait en chaque cas une indiscutable perte d’autorité.
Devant cette situation, les Églises ont recours à l’arme qu’elles ont fourbie contre les avancées menaçantes de la connaissance indépendante : la théologie naturelle. La préoccupation centrale et la mission de cette discipline argumentative née au sein des appareils ecclésiaux sont de démontrer que la connaissance objective – immanente – de la nature, loin d’éloigner l’esprit de la reconnaissance de la sagesse providentielle – transcendante – l’y reconduit au contraire en imposant à l’intelligence le motif de l’harmonie universelle du créé comme échappant par nécessité à la seule emprise du hasard.
Le providentialisme est l’essence des religions révélées. La théologie naturelle est son instrument de persuasion. Son existence historique visible s’étend sur quatre siècles. Au centre de cette tradition argumentative des Églises chrétiennes, le motif du « plan » ou « dessein intelligent » organisateur de l’univers est un topos indéfiniment disponible et réactivable dès que s’annonce une crise de crédibilité des légendes fondatrices. Cette constante discursive, périodiquement réaffleurante et remaniée en fonction des avancées des connaissances positives sur la nature, s’intitule aujourd’hui encore, sans surprise, Intelligent Design.
La résurgence de l’Intelligent Design (« dessein » ou « plan intelligent » imaginé comme seule cause possible des harmonies de l’univers), dont les USA sont le perpétuel théâtre, bénéficie aujourd’hui, à l’instar du « créationnisme scientifique », du vecteur de contamination que constitue la foule des adeptes diplômés, les mêmes qui ont déjà servi d’agents propagateurs de l’idéologie « New Age » et de ses multiples avatars du côté des sciences. Ce providentialisme revient dans la vieille Europe, qui l’a jadis produit, sous la forme illusoire d’une mode innovante destinée à marquer les limites de la connaissance rationnelle de l’univers, avec la complicité de scientifiques qui ne mesuraient assurément pas la portée de ce qu’ils faisaient lorsqu’ils applaudissaient au thème, en apparence innocemment « poétique », du « réenchantement du monde ». Cette approche mystique du monde et de la connaissance – symptôme de la crise momentanée de l’explication scientifique et de ses modalités de diffusion dans la société, ainsi que de la volonté politique d’un ressaisissement théocratique destiné à occulter la contradiction entre les idéaux de progrès affichés par les nations modernes et leurs pratiques délétères – n’a pour éclore dans les pays européens qu’à ressusciter les gestes discursifs de la vénérable tradition de la théologie naturelle, florissante depuis le XVIIe siècle en Angleterre et sur le continent. Lorsque, au XVIIIe siècle, le courant philosophique des Lumières entreprit d’affranchir de la théologie la connaissance scientifique de la nature, les Églises usèrent de tout leur pouvoir sur l’enseignement et la société pour imposer la survie de l’interprétation providentialiste des « merveilles de la nature » dont elles étaient les laboratoires permanents. Rien d’autre, en substance, ne se produit aujourd’hui.
La cible majeure : Darwin
Ce qu’a profondément institué Darwin, c’est une vision de l’histoire et du système des êtres totalement libérée des contrats de parole passés avec la croyance issue des dogmes religieux. Toute religion instituée, dans l’exacte mesure où elle se confond primitivement avec l’exercice du pouvoir politique, commence par être dogmatique. Elle ordonne, et l’on croit. La situation de Darwin par rapport à l’Église anglicane est exemplaire de ce qu’engendre un tel contexte. Considérée en tant qu’appareil d’influence, une Église installée ne procède jamais de plein gré à l’assouplissement de ses dogmes. Tant qu’elle est en mesure de tirer un avantage réel du maintien sans faiblesse de leur emprise, elle défend leur vérité littérale. C’est ce qu’ont tenté de faire les fondamentalistes protestants américains. Mais, ainsi que je l’écrivais récemment, « s’il advient que cette rigidité fragilise la religion dans l’affrontement qui l’oppose au discours de vérité concurrent qu’est la science, alors elle va puiser en son propre sein les éléments de souplesse adaptative qui, au prix, certes, de quelques concessions sur la lettre, assureront toutefois sa survie » [2].
Lorsque, en 1837, Darwin rompt avec le fixisme dogmatique et ouvre son premier carnet de notes sur le « transmutation des espèces », ni l’Église anglicane ni l’Angleterre – qui voit au même moment Victoria accéder au trône – ne sont prêtes à de telles concessions. Le prix de cette raideur est que tout divorce de la raison avec le dogme est vécu comme sortie simultanée de l’Église et de la foi. Pour Darwin qui, désormais transformiste et assuré de son étude de la géologie, de la paléontologie et de la distribution géographique des organismes, ne peut plus croire que le monde et les êtres qui le peuplent ont été créés en six jours par un Dieu personnel – dont les traits de comportement lui rappellent sensiblement par ailleurs ceux des divinités barbares du paganisme –, la religion, figée dans ses textes fondateurs, apparaît comme un mensonge indigne de justifier le maintien d’une croyance. On sait pourtant que quelques années auparavant, à Cambridge, il avait étudié avec un réel plaisir les ouvrages, inscrits au programme des humanités, de William Paley – le même dont l’actuel « Intelligent Design » fait aujourd’hui encore une référence permanente –, en dépit du fait que le prélat avait ordonné la mise à l’index des ouvrages non orthodoxes de son grand-père Erasmus. Au terme d’un processus d’éloignement progressif qu’il évoque dans son Autobiographie de 1876 en des termes non équivoques, Darwin abandonnera ainsi ses convictions juvéniles jusqu’à devenir « totalement incrédule ».
Cela cependant ne suffit pas à expliquer l’entêtement prolongé des Églises et des mouvements néo-providentialistes à combattre encore et toujours Darwin. Cet acharnement spécial, incarné par tous les acteurs de cette renaissance finaliste, s’explique plus profondément par le fait que Darwin, en dotant l’histoire naturelle d’une théorie de la dynamique évolutive des êtres vivants faisant l’économie de la Providence, tendait par là même à évacuer comme inutile, illusoire et impropre en science la représentation finaliste du monde et du devenir à laquelle la théologie naturelle avait arrimé l’essentiel de son sauvetage des articles de foi principaux du christianisme, déjà ébranlés dans la lettre. Et les concessions purement verbales qu’il fait, par convenance diplomatique envers les convictions installées, à l’idée déjà rétrécie d’un Dieu qui se contenterait d’imprimer à l’univers ses grandes lois de fonctionnement, ne changent rien au fait de son athéisme personnel (reconnu par lui-même en 1876), ni au fait que la nature qu’il étudie, désormais restituée à l’immense durée des temps géologiques et excluant tout miracle, est une nature entièrement soumise au principe d’immanence, une nature fondée sur la réfection épisodique de ses équilibres, une nature tributaire de la variation imprévisible et de la sélection des improvisations avantageuses, une nature contingente et opportuniste, échappant de ce fait à toute pré-délinéation.
Ainsi, le mouvement de l’Intelligent Design, émanation de la droite chrétienne et des courants sectaires américains, soutenu par des capitaux privés considérables et un formidable appareil de propagande, ne se trompe pas de cible : l’ennemi « désigné » aujourd’hui, reléguant Marx au second plan des urgences stratégiques, c’est Darwin, celui qui a lu et apprécié Paley, puis l’a rendu, singulièrement affaibli, à l’apologétique en condamnant ses successeurs à la réitération périodique d’un geste d’annexion de la science à la croyance dont les seules véritables victimes sont ceux qui ne savent pas. La sourde intuition qui préside à cette diabolisation insistante de Darwin, c’est bien entendu celle du danger que présente, aux yeux des nouveaux défenseurs du dieu omniscient, une théorie qui n’est pas, pour penser l’histoire de la nature vivante, une théorie parmi d’autres, ainsi que le voudraient les bandeaux d’avertissement que les nostalgiques de la théocratie primitive ont fait apposer sur la couverture des manuels scolaires dans certains États américains. Cette théorie est en effet extensible à tous les systèmes complexes issus d’une histoire, et met en œuvre non seulement un corpus gigantesque de faits qu’elle explique et relie, mais, au-delà, une nécessité d’ordre simplement logique qui en fait un véritable cadre de synthèse rationnelle : à l’intérieur d’un système déterminé d’éléments en interaction permanente et soumis au changement, la seule loi dynamique permettant de rendre compte de l’existence, des caractères et de l’action d’un groupe d’éléments à un moment donné est celle de la sélection de compatibilités temporaires entre le mode d’être actuel de ce groupe d’agents et l’état momentané du système : ce sont ces équilibres de coexistence et d’interaction qu’étudie l’histoire naturelle de Darwin, et qui fabriquent l’histoire du monde, lui donnant de facto un sens, non prescrit mais lisible, celui des séquences d’événements que reconstituent précisément les sciences de la terre et de la vie.
Anatomie d’une répétition
Des spéculations de l’Intelligent Design se dégage donc une pénible impression de déjà-vu. Il paraît grotesque, pour un spécialiste de l’évolution aujourd’hui, de voir resurgir au sein de sa propagande l’antique allégorie – chère aux déistes du XVIIIe siècle – de l’horloge et de l’horloger, ou de voir brandir encore l’argument déjà cent fois réfuté de l’impossibilité d’aboutir par voie de sélection à la production d’un organe aussi complexe que l’œil des Mammifères. Ou d’entendre affirmer qu’un peu de science éloigne de Dieu et que beaucoup de science y ramène. L’ordre de la connaissance objective – celui de ce que l’on nomme la science – est irréductible à celui de la croyance, puisque croire est, précisément, ne pas savoir. J’ai longuement développé ailleurs l’idée que la réitération est le mode d’être des grandes idéologies para-scientifiques, et qu’en l’absence radicale de nouveauté, ce sont la répétition, la résurgence et le remaniement qui caractérisent le comportement historique de l’idéologie en général. Le « créationnisme scientifique », le « principe anthropique » et le « Dessein intelligent » sont autant de composantes foncières de la plus ancienne théologie naturelle, et autant de versions diversement ajustées, mais convergentes, de son adaptation aux nouvelles données des sciences de la nature, du cosmos et de la vie. Cela ne signifie évidemment pas qu’il soit inutile d’y réagir autrement que par un haussement d’épaules. Ce geste a valu naguère aux maîtres de la zoologie française, peu conscients des grandes lois sociologiques de l’imitation, d’assister impuissants à l’irruption de la sociobiologie – autre composante, imposée comme adverse, de l’idéologie américaine, et chargée de faire passer pour un darwinisme intransigeant la pire de ses déformations. Le débat dès lors est orchestré entre créationnistes et sociobiologistes (ce qui ne laisse d’autre choix que d’épouser l’un ou l’autre versant de l’idéologie américaine), et le public doit se passionner une fois de plus pour cette énorme mystification.
Ainsi, le pays qui a le plus favorisé l’illégitime travestissement du darwinisme en « darwinisme social » est, en même temps, celui qui condamne le vrai Darwin à s’effacer devant la théologie et qui, pour ne pas paraître se dissoudre dans cette antinomie, érige et spectacularise cette escroquerie en débat « démocratique ». Les mouvances néo-providentialistes, fortement soutenues par le gouvernement de Georges Bush et portées par la croissante infiltration des sectes dans la société, sont ainsi la réponse théocratique destinée à recouvrir la schize fondatrice et les contradictions majeures de la nation américaine – cette nation que Darwin, précisément, a un jour décrite comme ayant été fondée par des repris de justice guidés par des pasteurs. On assiste, aujourd’hui, à l’exhibition symptomatique et récurrente de cette constante primitive.
[1] Spinoza, Éthique, Préface de la 4e Partie : « Ce qu’on appelle cause finale n’est rien d’autre que le désir humain, en tant qu’il est considéré comme le principe ou la cause primordiale d’une chose. »
[2] P. Tort, Darwin et la philosophie, Paris, Kimé, 2004.
a écrit :
[center]Comment mener un débat avec un créationniste[/center]
Auteur.......: Rui Nibau
Date.........: 23 octobre 2005
C'est un sujet de désaccord dans le monde scientifique : comment se comporter vis-à-vis des allégations antiscientifiques ? Faut-il débattre et démontrer par le raisonnement l'incohérence de certaines pratiques et/ou idéologies, ou simplement ignorer les tenants de ces disciplines pour ne pas leur accorder d'importance ?
C'est une question loin d'être tranchée, et chaque scientifique agit selon ses convictions et/ou ses positions du moment. A titre d'exemple, l'astronome Phillipe Zarka, après avoir participé au débat sur l'astrologie, a jugé préférable de ne plus s'engager dans ce type de polémiques. Quand on connaît les finesses rhétoriques de ceux qui ont « l'art de ne jamais avoir tort », on peut le comprendre.
Mais voici finalement le type de débat qui pourrait convenir : face aux antiscientifiques, la meilleure technique serait de retourner leurs propres arguments contre eux. C'est ce qu'à fait Cog, ingénieur informatique américain, dans un dialogue fictif non dénué d'humour entre un scientifique et un défenseur du Design Intelligent dont je vous propose ici la traduction française.
Je reviendrais par ailleurs plus en détail sur ce mouvement « Intelligent Design ». Sachez juste qu'il s'agit d'un avatar moderne du créationnisme qui pose actuellement quelques problèmes aux scientifiques et aux enseignements américains (l'idéologie de l'administration au pouvoir à la Maison Blanche n'étant pas étrangère à ces difficultés).
Nota : je ne suis pas traducteur professionnel, et même si mon niveau d'anglais est convenable, cette traduction est un travail imparfait où des mots, des expressions n'ont sans doute pas trouvé leur équivalent rigoureux en français. Ma formation scientifique, ainsi que ma « pratique » du discours pseudo-scientifique, ont néanmoins permit d'éviter les contresens et d'assurer la cohérence du fond si ce n'est de la forme.a écrit :
Modérateur : Nous sommes réunis aujourd'hui pour débattre de la nouvelle controverse à la mode opposant l'évolution au Design Intell--
(Le scientifique brandit une batte de baseball.)
Modérateur : Hey, que faites-vous ?
(Le scientifique brise la rotule du défenseur du Design Intelligent.)
Défenseur du Design Intelligent : YEAAARRRRGGGHHHH ! VOUS M'AVEZ CASSÉ LA ROTULE !
Scientifique : Apparemment, tous les faits accréditent l'hypothèse que je viens de vous briser la rotule. Par exemple, votre rotule est brisée ; cela semble être une blessure récente ; et je brandis une batte de baseball qui est maculée de votre sang. Néanmoins, une simple prépondérance de faits ne signifie rien. Peut-être que votre rotule était destinée à se briser. Il y a à n'en pas douter certains aspects de la présente situation qui échappe à l'analyse « naturaliste » que vous venez de formuler, comme l'exact nature de l'horrible douleur que vous ressentez en ce moment même.
Défenseur du Design Intelligent : AAAAH ! LA DOULEUR !
Scientifique : Franchement, je trouve cela très improbable que le comportement aléatoire d'un scientifique comme moi puisse causer une douleur si particulière. Je ne saurai expliquer pourquoi je trouve l'hypothèse improbable - c'est comme ça. Votre genou était destiné à se casser !
Défenseur du Design Intelligent : ENFOIRÉ ! C'EST VOUS QUI L'AVEZ CASSÉ !
Scientifique : Certainement pas. Comment pourrions-nous en être sur ? Franchement, je pense que nous devrions présenter au public tous les points de vue. De plus, vous devriez revérifier si votre hypothèse est scientifiquement correcte : votre genoux s'est cassé dans le passé, donc nous ne pouvons pas rembobiner le temps et revoir la scène, comme dans une expérience de laboratoire. Même si nous le pouvions, cela ne prouverait pas que je vous ai cassé la rotule la première fois. Enfin, ne parlons pas du fait que l'univers tout entier a bien pu être créé juste avant que je ne prononce cette phrase, avec toutes les preuves de ma prétendu culpabilité pré-formés.
Défenseur du Design Intelligent : Tout ça n'est qu'un tissu de conneries sophistes ! Envoyez-moi un docteur et un avocat, pas forcément dans cet ordre, et nous verrons comment ça se passera au tribunal !
Scientifique (se tournant vers le public) : Nous y sommes, mesdames et messieurs : quand ils sont poussés dans leurs derniers retranchements, les avocats du Design Intelligent ne croient absolument plus aux arguments qu'ils défendent par ailleurs. Quand il s'agit d'un sujet qui les touche, ils préfèrent les faits, la méthode scientifique, des hypothèses vérifiables et les explications « naturelles ». En fait, ils privilégient de loin les explications « naturelles » aux abracadabras surnaturels ou aux élucubrations métaphysiques. C'est uniquement à travers leur croisade idéologique et ses oeillères distordant la réalité qu'il accordent du crédit aux arguments ridicules et sans consistance qu'ils brandissent si souvent. Je dois avouer que cela fait du bien d'être, pour une fois, celui qui déblatère des conneries sans queue ni tête ; c'est tellement plus facile et relaxant, comparé à la rigoureuse organisation d'arguments soutenus par des faits empiriques. Mais j'ai peur que si je continuais sur cette voie, cela deviendrait une mauvaise habitude, néfaste pour mon âme. Par conséquent, je vous dit Adieu (en français dans le texte. NdT.).
Source : Cog, « The only debate on Intelligent Design that is worthy of its subject », The Abstract Factory, 18 octobre 2005. Traduit par Rui Nibau, le 23 octobre 2005. Original et traduction diffusées sous licence CC By-Sa.
a écrit :
Le créationnisme dur
Les créationnistes issus du fondamentalisme protestant sont attachés à une lecture littérale de la genèse biblique. Leur discours sur le monde et son origine s’est longtemps construit contre la Science, ce qui limitait leur respectabilité. D’où un changement de stratégie.
Les créationnistes modernes ne s’opposent plus à la Science, mais au contraire entendent gagner leur crédibilité auprès d’un public naïf ou désinformé en se prétendant eux-mêmes scientifiques. Ils ont donc inventé «le créationnisme scientifique» pour combattre la science sur son propre terrain, trouver et promouvoir les preuves scientifiques de l’interprétation littérale de la genèse biblique. Ainsi la terre n’aurait que 6000 ans et les fossiles seraient expliqués par le déluge. Deux siècles de géologie et de paléontologie sont réinterprétés de fond en comble et la biologie évolutionniste niée de manière à ce que la bible soit «scientifiquement prouvée».
Aux Etats Unis, ils ont depuis 25 ans leurs instituts de recherches qui délivrent des PhD, leurs chercheurs qui publient dans leurs journaux, leurs musées. La Science est donc imitée dans tous ses détails. En parallèle, ils pratiquent un harcèlement feutré sur le système éducatif américain largement décentralisé. Ici où là, au gré des compositions sociales des conseils, leurs efforts percent, souvent contrecarrés par des décisions de justice.
Ces quatre dernières années, les conseils de l’éducation d’au moins sept états ont tenté de gommer Darwin des programmes scolaires. L’Alabama, le Nouveau Mexique, le Nebraska ont déjà pris des mesures effectives. Au Kansas, ils ont pour un moment remporté une victoire qui fit grand bruit durant l’été 1999. Sous la pression des créationnistes, le conseil de l’éducation de l’Etat du Kansas vota la suppression de toute référence à l’évolution biologique dans les programmes de toutes les écoles publiques de l’état, de la maternelle jusqu’à la fin des études secondaires, dès la rentrée 2000. Non pas qu’il fut soudainement interdit d’enseigner l’évolution au Kansas, mais cette théorie centrale de la biologie fut tout simplement rendue facultative car supprimée des connaissances exigibles aux examens.
Ainsi les districts les plus réactionnaires eurent tout le loisir de l’ignorer : certains conseils locaux envisagèrent d’adopter des manuels créationnistes, tandis que d’autres déclarèrent qu’ils continueraient à enseigner l’évolution biologique. Sans l’exigibilité aux examens, les professeurs sous la pression des parents créationnistes peuvent éviter le sujet pour ne pas avoir d’ennuis. Bien que l’Etat du Kansas revint sur cette décision au début de l’année 2001, cette affaire nous montre les conséquences du lobbying sur un système éducatif décentralisé, dans un pays où ce qui correspondrait à une «laïcité» ne se traduit pas en actes.
En Australie, pays où le médecin Michael Denton publia en 1985 «Evolution, a theory in Crisis», le poids politique et économique des créationnistes (via la Creation Science Foundation) est énorme. Leur lobbying est tel qu’au début des années 1980, l’état du Queensland autorisa l’enseignement du créationnisme en tant que Science dans les écoles. Ian Plimer, professeur de Géologie à l’Université de Melbourne, refusa de laisser les créationnistes s’infiltrer dans le système éducatif de son pays. Plimer a pu prouver, au cours de six années de procès incessants, que les créationnistes australiens étaient responsables de fraudes scientifiques et financières. En Australie, les avocats sont payés sans budget ni limitation de durée tant que le procès se poursuit. Les fondamentalistes sont soutenus financièrement par une activité commerciale intense de cassettes vidéo et audio, livres, et autres supports de leur message sectaire. Ils utilisent toutes les tactiques légales en vue de retarder et d’empêcher l’action en justice d’apparaître à la cour, ceci pour essouffler financièrement leur ennemi. Ainsi Plimer dut vendre sa maison pour continuer les procès (voir son récit dans «Intrusions spiritualistes et impostures intellectuelles en sciences», Syllepse, 2001).
En France, l’attitude la plus courante face au créationnisme est l'amusement. On se croit à l’abri, on ne voit aucune raison de s’inquiéter. On ignore peur-être que la Creation Research Society créée en 1963 aux USA est plus que jamais un puissant moteur de l’extension du créationnisme sur tous les continents. Que les profits que les créationnistes tirent de leur commerce en Australie ou aux USA servent à leur expansion, y compris en Europe. La Suisse hébergea en 1984 le premier congrès européen créationniste. La Suède ouvrit le premier musée créationniste à Umea en 1996. Le créationnisme s’infiltre en France, mais pas encore dans la sphère publique.
En effet, les programmes scolaires des collèges et des lycées sont élaborés de manière centralisée, ce qui les préserve, dans une certaine mesure, des prosélytismes et lobbyings religieux. L’affaire du Kansas ne saurait se produire ici, pour des raisons d’abord structurelles, et dans une certaine mesure culturelles. L’évolution biologique reste au programme des sciences de la Nature au collège et au lycée. La laïcité française reste un facteur culturel qui priverait un courant créationniste offensif de toute représentation dans l’opinion.
En revanche, l’extension du créationnisme dans la sphère privée est sensible : des communes peu regardantes ouvrent leurs salles pour des conférenciers créationnistes ; des cassettes vidéo créationnistes fabriquées en Hollande circulent dans certains lycées ; des tracts et même des livrets en provenance de diverses confessions sont distribués à la sortie de collèges ou lycées pour «rectifier» les cours de biologie. Diverses associations tiennent des propos très clairement créationnistes, d’idéologie intégriste catholique, tel le Cercle d’Etude Historique et Scientifique fondé en 1971, qui revendique 600 membres. L’infiltration du créationnisme est peut-être plus lente en France qu’ailleurs. Elle est polymorphe car nourrie de confessions diverses, mais l’activisme de sa composante attachée au fondamentalisme protestant ne peut être complètement étranger aux puissants moyens financiers dont jouit le créationnisme à l’étranger.
Le providentialisme
La situation française ne saurait être complètement décrite sans mentionner, en marge du créationnisme, la résurgence d’un providentialisme qui se propose de rendre compatibles les faits établis par la science et les dogmes des grandes religions.
Ainsi, l’Université Interdisciplinaire de Paris organise depuis 1995 plusieurs congrès par an, dont celui d’avril 2002 était intitulé «Science and the Spiritual Quest II». L’organisation reçut une bourse de 10000 dollars de la fondation Templeton «pour le progrès de la Religion» dans les sciences.
L’objectif de l’UIP n’est pas de prouver scientifiquement l’interprétation littérale d’un texte sacré. L’UIP n’est pas le créationnisme, mais commet l’une des entorses créationnistes à l’égard de l’investigation scientifique : la négation du matérialisme méthodologique.
L’organisation déclare ce matérialisme obsolète et prophétise le «nouveau paradigme» du XXI ème siècle, celui l’une nouvelle alliance entre science et spiritualité (voir ci-dessus). L’organisation va s’efforcer de mettre en évidence, dans notre compréhension du monde, la convergence de lignes d’argumentation scientifiques et religieuses pour que la science puisse répondre à une «quête de sens».
En même temps, il est entendu que tout phénomène n’ayant pas encore été expliqué par la science officielle reste un champ possible pour un appel à la transcendance (ceci est explicitement écrit dans la revue de l’organisation, «Convergences»). Il y a donc un appel, encouragé par le Vatican, à convoquer la transcendance précisément là où, sur le front de la genèse des connaissances, la science pour être efficace doit au contraire se conformer à sa rigueur et à la parcimonie les plus strictes. L’UIP proclame que la science n’interdit pas la recherche du divin, oubliant au passage le principe de parcimonie qui exclut toute hypothèse surnuméraire ad hoc, c’est-à-dire non testable.
L’organisation se veut évolutionniste, mais d’un évolutionnisme compatible avec la foi religieuse, où l’homme reviendrait au centre d’un Univers ayant évolué vers lui, dont il est le dessein, et qui permettrait «d’approcher rationnellement la croyance». Toute interprétation des mécanismes de l’évolution faisant appel au nominalisme, à la variation, au hasard et à la sélection naturelle est donc récusée. L’UIP est donc anti-darwinienne, et, selon une double stratégie, d’une part utilise les mêmes objections à l’encontre du darwinisme que celles émises par les créationnistes, mais à d’autres fins ; et d’autre part fédère toute recherche qui tendrait à accréditer un néo-finalisme qui voudrait que l’apparition de l’espèce humaine fut «attendue», en quelque sorte programmée, conformément aux intuitions du père jésuite Teilhard de Chardin.
D’ailleurs, en astronomie, l’UIP fédère de la même façon tout ce qui peut favoriser le «principe anthropique fort». On peut montrer qu’un certain nombre de membres de l’UIP sont en flagrant délit d’imposture intellectuelle, selon la définition donnée à ce terme par Alan Sokal et Jean Bricmont (dans «Impostures Intellectuelles», Seconde Edition, J’ai Lu, 1999 ; voir aussi «Intrusions spiritualistes et Impostures Intellectuelles en sciences», dirigé par Jean Dubessy et Guillaume Lecointre, Syllepse, 2001).
Un créationnisme mou mais offensif : le "dessein intelligent"
L’UIP en France est dans la même mouvance intellectuelle que le mouvement d’intellectuels américains dit du «dessein intelligent» («Intelligent Design»), qui tente d’utiliser la science pour affirmer des options politiques et spirituelles. Nous reprendrons ici une partie de l’analyse de ce mouvement publiée dans «Les matérialismes et leurs détracteurs», de Jean Dubessy, Marc Silberstein et Guillaume Lecointre (Syllepse, 2004). On se reportera à ce livre pour plus de détails.
Selon le «Discovery Institute» qui structure le mouvement, «la théorie du dessein intelligent affirme que certaines caractéristiques de l’univers et des êtres vivants sont expliquées au mieux par une cause intelligente, et non par un processus non dirigé telle la sélection naturelle». Le mouvement du «dessein intelligent» s’emploie donc à critiquer tout ce qui peut l’être dans la théorie darwinienne de l’évolution, et surtout ses ennemis de toujours : le matérialisme méthodologique inhérent à une approche seulement scientifique des origines du monde naturel, et l’idée que les espèces se transforment au cours du temps sous l’action de facteurs contingents. Pour tout schéma argumentaire, il ne s’agit que de la répétition (Voir «Pour Darwin», coordonné par Patrick Tort, P.U.F., 1997), sous une forme retravaillée, de l’analogie finaliste du théologien anglican William Paley (1743-1805).
Arguant que tout objet/artefact est intentionnellement façonné pour remplir une fonction, Paley et ses imitateurs d’aujourd’hui transposent ce principe dans la Nature pour faire intervenir une intelligence conceptrice à l’origine de l’adéquation entre formes et fonctions dans la Nature, et donc une intelligence à l’origine des êtres vivants. Les promoteurs modernes du dessein intelligent veulent avoir été désirés par un créateur, quel qu’il soit : c’est là la proposition minimale. Ensuite, il revient à chacun d’apporter son frichti à l’auberge spiritualiste : créationnistes, évolutionnistes déistes, néo-teilhardiens qui s’ignorent, etc. : les mécanismes par lesquels le Grand Concepteur arrive à ses fins font l’objet d’un débat œcuménique. Surtout pas de sectarisme, à une époque où les esprits confondent avoir tort et être entravé dans sa liberté de penser.
Sur le plan de la technique d’argumentation, ce sont toujours les mêmes vieux ressorts. D’abord, un travail de confusion épistémologique consiste à présenter la théorie darwinienne de l’évolution non pas comme une théorie scientifique, mais tour à tour comme une «idéologie», une «philosophie naturelle», finalement une position métaphysique qui pliera les «faits» à son impérieuse nécessité. En retour, les tenants du «dessein intelligent» légitimeront le fait que leur propre «courant métaphysique ouvert aux discussions rationnelles» (le mot est de P. Johnson, l’un des principaux acteurs du mouvement) puisse également faire l’objet d’un «programme de recherches», dans lequel d’ailleurs des universitaires américains se sont déjà engagés (Charles Thaxton, Michael Behe…). Ensuite, les adeptes de ce mouvement (William Dembski, Casey Luskin, Nancy Pearcey, John Wiester…) dépensent la plus grande partie de leur énergie à une critique hypertrophiée du darwinisme qui passe par des stratégies précises, non exclusives entre elles.
Les stratégies du «Dessein Intelligent»
La première de ces stratégies consiste à poser de mauvaises questions ou émettre des objections fausses, appuyées de raisonnements analogiques. Cette fois-ci, on le fait à un niveau de détail qui met la plus grande part du public dans l’embarras : l’instruction apparente force le respect ; dans le même temps livre le public pieds et poings liés à la manipulation par manque d’expertise. Le procédé fonctionne : les boussoles des journalistes s’affolent ; ces derniers tombent dans le piège ou ne récusent que timidement. Les promoteurs du dessein intelligent se font inviter dans les universités pour débattre.
La seconde de ces stratégies consiste à produire ce qu’on pourrait appeler le décalage d’échelle. On isole un détail de la théorie darwinienne de l’évolution ou une erreur de vulgarisation ; on émet des objections techniquement sophistiquées sur le détail sélectionné, pour les présenter comme des réfutations majeures de tout l’ensemble théorique. Enfin, la stratégie générale de communication, en particulier celle promue par P. Johnson, consiste à pratiquer cette hypertrophie de la critique en explicitant le moins possible ce qui pourrait remplacer ce que l’on critique, afin de garder cette neutralité de façade, en apparence éloignée des religions, et surtout du créationnisme traditionnel. Phillip Johnson déclare au journal World sa stratégie : «la clé consiste plutôt à promouvoir des qualités d’analyse qu’à défendre une position préconçue». Ce qui permet à la fois d’apparaître objectif et surtout de ratisser large.
L’écrivain et journaliste Louis Freedberg écrit à propos de P. Johnson :
«Il [Phillip Johnson, Discovery Institute] évite de répondre aux question ciblées, y compris à quoi pourrait ressembler selon lui le créateur intelligent : «Il se pourrait certainement que ce soit Dieu, une créature surnaturelle, mais en principe ce pourrait être aussi des aliens de l’espace d’une grande intelligence qui ont fait la conception», dit-il…. Il ne dira pas s’il est créationniste ou non. «Je ne répondrai pas à cette question. C’est comme si vous me demandiez si j’ai jamais été un jour membre du parti communiste».
En effet, P. Johnson veut fédérer toutes les forces anti-darwiniennes, qu’elles travaillent ensemble plutôt que de s’affronter sur leurs positions dogmatiques : «si vous essayez de promouvoir une position particulière trop détaillée, vous finissez sur la défensive, divisés et combattant entre vous. (…). La notion de conception intelligente n’est pas une position, c’est un courant métaphysique ouvert aux discussions rationnelles». S’affirmer en faveur d’une chapelle ruinerait son entreprise d’extension. Il travaille donc sur le dénominateur commun à la plupart des religions : critique du darwinisme et sophistication de l’argument en faveur d’une intelligence à l’origine de l’adéquation forme-fonction dans la Nature. Nancy Pearcey, autre promotrice du même mouvement, éclaire la stratégie de communication de P. Johnson en le citant :
«La plus fondamentale et la plus significative des affirmations du darwinisme est que la vie est le produit de forces impersonnelles, que c’est un accident. (…). C’est une philosophie qui prend à défaut la plupart des américains. Si les chrétiens orientent le débat de cette façon, nous ne pouvons pas être marginalisés».
On y trouve presque tout. D’abord, la confusion épistémologique à travers un darwinisme vu comme philosophie. Les forces «impersonnelles» sont une nécessité méthodologique des sciences, pas un parti pris philosophique. Cette ignorance têtue et militante de l’indépendance des sciences fait de ce mouvement une force anti-scientifique, nous y reviendrons. Ensuite, la démagogie par l’écoute attentive des américains. En effet, si le darwinisme est une philosophie, on irait presque jusqu’à voter pour établir s’il est question de l’adopter collectivement ou non, si toutefois les débats philosophiques avaient quelque chose à voir avec un vote démocratique. Ironie mise à part, on voit là qu’il y a un véritable enjeu de pouvoir, que confirme l’appel final à la mobilisation des chrétiens. Le résultat net, c’est que les chrétiens sont appelés à intervenir en tant que chrétiens dans les débats qui sont au cœur des méthodologies scientifiques. Au-delà du défaut de laïcité que cela implique, il est fait appel à un nouvel acte de prédation de l’idéologie sur la science. Car la répétition des mêmes éléments discursifs au travers de l’histoire (ici l’analogie de Paley), mobilisée autour d’enjeux de pouvoir, est le propre de l’idéologie. L’historicité évolutive des sciences sert ici de substrat à une idéologie dont la trans-historicité réitérative a besoin de se cacher derrière les faits nouveaux générés par la première. La première innove, la seconde se répète en parasite de la première, cherchant à en extraire l’apparence du nouveau. On trouvera une analyse fine de ces mécanismes dans «La pensée hiérarchique et l’évolution», de Patrick Tort (Aubier, 1983). Plus globalement, on trouvera des exemples de ces stratégies à l’œuvre et leur analyse dans Dubessy, Lecointre et Silberstein (2004).
Qui sont-ils et pour quoi travaillent-ils ?
Cependant, la neutralité apparente de P. Johnson n’empêche pas les vraies motivations des autres membres du mouvement de s’afficher. Michael Denton, un praticien de longue date de la désinformation instruite (voir Beaumont, 1997 ; Delsol et Flatin, 1997 ; Lecointre, 1997 ; Tassy, 1997 ; tous dans «Pour Darwin», P.U.F., 1997) a récemment dévoilé pourquoi la théorie darwinienne de l’évolution le gênait tant, en faisant éclater au grand jour sa vision totalement téléologique du monde dans un livre intitulé «L’évolution a-t-elle un sens ?» traduit récemment chez Fayard. Dans son opuscule “Evolution by Design”, Jonathan Wells expose une compréhension des transitions entre espèces mue par des créations successives (il s’agit donc bien d’un créationnisme) et affirme que le but ultime fut de créer un environnement convenable pour que la Terre puisse accueillir les êtres humains (il s’agit donc de la version forte de la téléologie, d’une sorte de principe anthropique biologique) :
«J’émets la conjecture selon laquelle l’espèce humaine était prévue bien avant que la vie sur Terre n’apparaisse, et l’Histoire de la Vie est l’enregistrement de la réalisation de ce plan… Les organismes primitifs ont dû paver la route pour l’établissement des écosystèmes stables que nous connaissons aujourd’hui. Une planète stérile devait devenir un jardin... Le premier bébé humain devait sans doute être nourri par un être très semblable à lui-même, tel un primate ressemblant à un homme. Cette créature devait à son tour avoir été nourrie par une autre, intermédiaire entre elle-même et un mammifère plus primitif. En d’autres termes, un plan prévoyant l’émergence des êtres humains devait inclure quelque chose comme la succession des formes préhistoriques que nous trouvons dans le registre fossile.»(…) «Bien que ce processus ressemble superficiellement à la notion darwinienne d’ascendance commune, la théorie du dessein intelligent en diffère en maintenant que les prédécesseurs n’ont pas besoin d’être des ancêtres biologiques mais seulement des dispensateurs de nourriture et de protection essentiels».
Jonathan Wells est membre du “Discovery Institute” depuis 1996. Durant les années 1970, il était membre de la «Reverend Sun Myung Moon’s Unification Church», église travaillant à la fois pour l’ «unification» du christianisme mondial et l’«unification» des sciences (voir «Le zéro et le Un : histoire de la notion scientifique d’information», de Jérome Segal, Syllepse, 2003 ; notamment les chapitres 7 et 11). La secte instaure notamment en 1972 une série de conférences intitulées «Conférences internationales pour l’unité des sciences» qui reçoivent le soutien du prix Nobel spiritualiste John Eccles (très apprécié de l’UIP) et d’Ylia Prigogine. Wells était convaincu que la théorie de l’évolution est fausse parce qu’en conflit avec les croyances de sa secte, notamment celle selon laquelle le genre humain fut spécialement créé par Dieu. Poussé par Moon, Wells s’inscrivit à l’Université de Yale et concentra ses efforts sur tout ce qui pouvait contredire la théorie de l’évolution. Plus tard, au début des années 1990, il s’inscrivit à nouveau à Berkeley et obtint des diplômes en Biologie pour améliorer sa force de frappe en matière de lutte contre la théorie de l’évolution. Dans “Why I Went for a Second Ph.D.” (1996), Jonathan Wells explique comment il décida de consacrer sa vie à combattre la théorie de l’évolution :
«Il (le révérend Sun Myung Moon) critiquait fréquemment la théorie darwinienne selon laquelle les êtres vivants trouvent leur origine sans l’action créatrice et finalisée de Dieu (…). Les mots du Père, mes études et mes prières me convainquirent de consacrer ma vie à la destruction du darwinisme, comme plusieurs de mes collègues unificationnistes ont consacré la leur à la destruction du marxisme. Quand le Père me choisit (avec une douzaine de diplômés du séminaire) pour entamer un programme de thèse en 1978, je me réjouis de cette opportunité de me préparer au combat».
Charles Thaxton, l’un des initiateurs du «dessein intelligent», après son doctorat de chimie, se demandait si la vie avait réellement commencé dans une soupe primitive. Il se souvint que les critiques sur les origines de la vie commençaient à voir le jour parmi les scientifiques (il s’agissait en fait de discussions sur la possibilité d’une atmosphère réductrice comme le prévoyait l’expérience fameuse d’Urey et de Miller).
«Mais je pensais continuellement au verset de la bible qui dit «soit vainqueur du mal par le bien». J’avais le sentiment que les chrétiens devaient offrir une alternative positive à la théorie de l’évolution».
Cette alternative au «Mal» fut la notion de dessein intelligent, formalisée dans un livre où l’ADN est interprété comme de «l’intelligence codée dans une structure biologique», requérant par là même une «intervention intelligente».
Les principaux promoteurs du courant du dessein intelligent ne cachent donc pas que les impulsions du mouvement sont clairement religieuses. Mais s’ils se démarquent des religions par pure stratégie, ils travaillent néanmoins dans des structures identifiées. Jonathan Wells et Phillip Johnson, sont membres du “Centre pour le Renouveau de la Science et de la Culture“ (CRSC), une branche de l’ «Institut de la Découverte» (Discovery Institute), Think Tank conservateur fonctionnant sur des fonds privés établie à Seattle. Le CRSC, dont le programme de formation a été concocté par P. Johnson lui-même, diffuse l’idée que la science en général, et plus particulièrement la théorie de l’évolution, sont responsables d’une «philosophie matérialiste et athée» qui aurait des conséquences culturelles «désastreuses» sur nos sociétés et qu’il faudrait donc combattre. Le CRSC se fait le promoteur d’une stratégie de remplacement de la science actuelle par une science incorporant la notion de «dessein intelligent» et les causes surnaturelles. Il rejette l’idée -assez répandue dans le monde anglo-saxon- selon laquelle Dieu utiliserait le processus évolutif comme moyen de sa création. Il déclare que la science, au contraire, en se limitant aux explications naturelles du monde physique, affirmerait explicitement l’inexistence de Dieu. Selon J. Wells :
«La théorie de Darwin exclut le dessein et donc exclut logiquement Dieu. C’est la source de son athéisme».
Le CRSC rejette même l’idée assez répandue selon laquelle la science ne s’occupe que du monde physique, tandis que la sphère spirituelle appréhenderait les aspects esthétiques, moraux et religieux. On pourrait même ici critiquer cette distribution des rôles en considérant que les aspects moraux et esthétiques de notre monde ne relèvent ni de la science, ni nécessairement de la sphère spirituelle, réduisant au maximum le champ d’action de la spiritualité. Mais le CRSC rejette cette distribution pour les raisons diamétralement opposées : selon lui, la science doit au contraire se fondre dans la sphère spirituelle, ce qui étend au maximum le champ d’action de celle-ci.
En forçant le lien entre la théorie darwinienne de l’évolution et l’athéisme et en disqualifiant celles des religions qui reconnaissent un terrain propre et limité aux sciences naturelles, le CRSC espère opérer une cassure, piloter un divorce entre ceux qui reconnaissent le fait évolutif et ceux qui sont religieux. Il déclare qu’on doit absolument choisir entre être un supporter athée de l’évolution darwinienne ou un opposant religieux, ce qui, aux Etats-Unis, n’est pas une dichotomie anodine. Le CRSC entend étendre le «dessein intelligent» à tous les aspects de la culture, conformément à l’appel au renouveau de la science et de la culture qu’indique son nom, travail destiné à «combler le gouffre séparant les créationnistes des théistes évolutionnistes». Grâce au dessein intelligent, les premiers n’ont plus besoin de s’agripper à une interprétation littérale de la Bible pour garder Dieu dans le discours sur nos origines, et les seconds peuvent tranquillement rejeter Darwin sans risquer le ridicule, aidés du vernis de sérieux que confèrent de –prétendues– nouvelles propositions. Les membres du CRSC pensent que la science rénovée, incorporant les causes surnaturelles, doit chercher et dicter ce qui constituera une «éthique naturelle», une «morale naturelle», et que cette science-là sera en mesure de découvrir quels comportements transgressent les buts sous-jacents du dessein intelligent de l’Homme. Ce serait donc à cette science de découvrir lesquels de nos comportements, nos mœurs, notre morale sont voulus par Dieu. La fonction de Think Tank conservateur prend alors toute sa signification : l’avortement et l’homosexualité transgressent le dessein intelligent de Dieu, notamment par dévoiement des fonctions pour lesquelles nos formes avaient été initialement créées. Grâce à ces diplômés d’universités, la lutte contre ces transgressions» se voit parée d’un alibi scientifique. En donnant une assise prétendument scientifique au «Bien» et au «Mal», le courant du «dessein intelligent» débouche donc sur une sorte de scientisme religieux qui, pour des scientifiques européens, paraît paradoxal et même effrayant, habitués qu’ils sont pour la plupart à préserver la neutralité de la science par le respect de son indispensable cadre laïc.
Des confusions épistémologiques caractéristiques
Les contorsions de Johnson sont des plus sophistiquées qui soient, et très difficiles à identifier pour le grand public. C’est la raison pour laquelle nous nous arrêterons un instant sur les confusions épistémologiques sciemment entretenues par ce juriste de profession. Phillip Johnson est connu pour les équivalences suivantes : matérialisme=idéologie, la théorie darwinienne de l’évolution est matérialiste, donc darwinisme=idéologie. Toute l’argumentation de Johnson repose sur une astuce simple sur le fond mais qui demande une solide culture scientifique pour pouvoir être déjouée, culture que n’a pas une grande partie du public auquel Johnson s’adresse. En découplant la science du matérialisme méthodologique qui la fonde et la définit, Johnson fait passer le matérialisme pour un parti pris tantôt «idéologique», tantôt «métaphysique», tantôt «philosophique» ; et condamne comme usurpateurs les scientifiques conscients de la condition matérialiste de la science, tel Richard Lewontin. Au sujet de la théorie de l’évolution (tiré de «La crise politique du matérialisme scientifique» publié dans «First Things» en mai 1997, et traduit dans «Convergences», n°7, revue de l’Université Interdisciplinaire de Paris) :
«Or, supposer qu’une préférence philosophique puisse valider une théorie à laquelle on est attaché revient à définir la science comme un moyen d’appuyer ses préjugés. (…) Le darwinisme est basé sur un accord préalable en faveur du matérialisme et non sur une évaluation philosophiquement neutre des preuves. Séparez la philosophie de la science et vous verrez le fier édifice s’écrouler. Quand le public aura bien compris cela, le darwinisme de Lewontin n’aura plus qu’à quitter les programmes d’études pour aller moisir au musée de l’histoire des idées près du marxisme de Lewontin».
L’allusion idéologique est claire. Une variante pose l’égalité : darwinisme=métaphysique dans le livre de Phillipp Johnson intitulé «Le darwinisme en question. Science ou métaphysique ?» (Pierre d’Angle, 1996). Puis, plus récemment, P. Johnson est passé du matérialisme comme métaphysique au matérialisme comme philosophie de la nature :
«Si le naturalisme est vrai, c’est-à-dire si la Nature est la seule chose qui existe, alors quelque chose de semblable au darwinisme est forcément vrai, même si on n’arrive pas à la prouver». «Le darwinisme est moins une conclusion de faits observables qu’une déduction de la philosophie naturaliste».
Selon John Wiester, véhément défenseur du mouvement :
«le darwinisme, c’est de la philosophie naturaliste qui se fait passer pour de la science».
D’où la position de Nancy R. Pearcey (autre promotrice du mouvement, et auteur de : «The soul of science : chistian faith and natural philosophy»), qui en dit long sur la compréhension qu’ont les américains des rapports entre la religion et l’école :
«Considérez ces citations : «Tu es un animal, tel le ver de terre» proclament certains manuels de biologie, «l’évolution s’effectue au hasard, sans plan ni but» déclarent d’autres. Or les écoles publiques américaines sont censées être neutres en ce qui concerne la religion, alors que ces citations s’opposent clairement à toutes les religions. De plus, ces affirmations vont bien au-delà de toute constatation empirique, et sont plus philosophiques que scientifiques».
En présentant la théorie darwinienne de l’évolution non pas comme une théorie scientifique mais comme une philosophie naturaliste ou une idéologie, ils améliorent leur stratégie :
1- Une théorie scientifique peut certes être enseignée dans les cours de sciences des écoles, mais pas une philosophie ; par conséquent on légitime soit l’éradication de la théorie darwinienne de l’évolution des cours de sciences, soit l’exigence de mise en balance d’une philosophie naturaliste et d’une philosophie spiritualiste, ou de x autres philosophies.
2- Ils accréditent l’idée qu’une autre «proposition métaphysique» que la «philosophie naturelle» telle que la leur peut tout aussi bien être discutée rationnellement et faire l’objet d’un programme de recherche.
Johnson veut ignorer le véritable statut du matérialisme en sciences et confond clairement philosophie, proposition métaphysique, idéologie, paradigme et théorie. Il identifie les rôles du paradigme et de la théorie en sciences à celui de l’idéologie ou d’une philosophie qui plieraient la science à leurs besoins. Il y a, en fait, de grandes différences de niveaux et de rôles. La philosophie et l’idéologie siègent d’abord hors des sciences, car elles ont des objectifs et des moyens propres. L’idéologie soumet la science à son objectif primordial de justifier un pouvoir, quel qu’en soit le coût. Paradigme et théorie sont au contraire des éléments de la science en construction, en quelque sorte des parties de son échafaudage, même si les raisons pour lesquelles nous travaillons à l’intérieur d’un paradigme ne sont pas toujours rationnellement justifiées. On sait généralement pourquoi on travaille sur une théorie. On sait moins pourquoi on travaille dans un paradigme. Car le paradigme est l’ensemble des solutions concrètes appartenant à une matrice disciplinaire. Cette matrice est l’ensemble des valeurs, des techniques et des propositions considérées comme valides par une communauté scientifique appartenant à une même discipline à un moment donné. Le paradigme est l’ensemble des solutions d’énigmes auxquelles se réfèrent les membres d’une même discipline (voir «La structure des révolutions scientifiques», de Thomas Kuhn (1970), seconde édition traduite par Laure Meyer chez Flammarion en 1983 ; «La philosophie des sciences au XXème siècle» d’Anouk Barberousse, Max Kistler et Pascal Ludwig, Flammarion, 2000 ; «La science en dix questions», Hors Série du journal Sciences et Avenir n° 133 coordonné par Laurent Mayet , 2002). J. Wells est stratégiquement plus habile que P. Johnson, car il tente de lire des données à la lumière de deux théories prétendument en compétition (tantôt appelées théories, tantôt appelées paradigmes) et de voir lequel des deux est le plus cohérent (même si, techniquement, Wells est maladroit).
Johnson a habilement inversé les rapports entre science et philosophie, en subordonnant la première à la seconde. Car en fait, en dehors des sciences, le matérialisme méthodologique n’impose à quiconque aucune philosophie, aucune option métaphysique ni idéologie. La science pour fonctionner n’est subordonnée à aucun matérialisme métaphysique. D’ailleurs, il existe bien des scientifiques qui sont irréprochables dans leur métier et qui ont pourtant choisi pour leur vie privée des options métaphysiques incompatibles avec un matérialisme philosophique. Par ailleurs, libre à certains philosophes de s’inspirer des contraintes inhérentes au matérialisme méthodologique des sciences pour conforter un matérialisme philosophique ; mais cela ne concerne pas la science dans son fonctionnement.
Finalement, à travers cette inversion et l’intoxication générale produites par Johnson, on comprend l’importance et les enjeux d’une bonne clarification du rôle du matérialisme dans les sciences. Le matérialisme de la théorie darwinienne de l’évolution n’est pas spécifique à cette théorie : c’est le matérialisme de toute démarche scientifique.
La théorie du «Dessein Intelligent» : outil d’une volonté théocratique
Pourquoi le mouvement du «dessein intelligent» relève-t-il de l’anti-science ? On peut appeler anti-science toute entreprise de fraude scientifique caractérisée, d’imposture intellectuelle en sciences (au sens de Sokal et Bricmont, 1997 ; ou Dubessy et Lecointre, 2001), ou d’opération de communication brouillant la nature, les objectifs et le champ de légitimité de la science. Ces trois motifs se retrouvent à des degrés divers lorsque l’indépendance méthodologique des sciences est annulée par l’idéologie. Le mouvement du «dessein intelligent» est de l’anti-science pour les raisons suivantes :
1 La nature de la science est faussée. Ce mouvement est frappé de nullité épistémologique : la théorie darwinienne est présentée tantôt comme une philosophie naturaliste, tantôt comme une idéologie, tantôt comme «qu’une hypothèse», ou «qu’une théorie», et dans ce dernier cas c’est pour souligner qu’elle ne devrait pas être présentée comme «un fait», montrant par là une incompréhension totale des rapports entre faits et théories.
2 Les objectifs de la science sont faussés. Les écrits des principaux ténors de ce mouvement démontrent que leurs motivations profondes et leurs objectifs ne sont pas scientifiques, mais religieux. La science est mise à contribution pour fonder des dogmes et justifier leur intrusion dans le champ social et politique, dans le cadre des think tanks conservateurs. Pour cela les acteurs du mouvement revendiquent leur propre programme de recherches.
3 Le champ de légitimité de la science est faussé. Ce mouvement fait sortir la science de son rôle en la sommant de dicter dans le champ moral et politique ce qui est conforme au «dessein intelligent». L’indépendance des règles méthodologiques internes à la science vis-à-vis de la société est rompue. Si la science se permet de légiférer dans le champ moral et politique, là où seuls des déterminants moraux devraient en principe agir, il faut alors qu’en retour elle s’attende à se voir dicter de l’extérieur ce qu’elle doit trouver. La science mise au service de l’idéologie devient un organe de celle-ci, légifère avec elle mais au prix de s’être préalablement totalement pliée à elle. Les exemples sont multiples. En cherchant à justifier scientifiquement des lois de discrimination raciale, l’anthropologie nazie s’est efforcée de prouver certaines infériorités raciales. En cherchant un soutien scientifique à l’interprétation littérale des textes bibliques, le créationnisme en vient à fabriquer de toutes pièces ses données.
Finalement, si la forme prise par l’anti-science se complique avec le mouvement du «dessein intelligent», nous faisons face à la répétition de vieilles objections finalistes sur la forme intentionnellement conçue pour une fin, et donc une priorité donnée aux fins dans la Nature, résurgence idéologique au service d’un pouvoir convoité. Cette répétition d’objections faites à la science illustre une fois de plus les rapports antagonistes entre l’historicité évolutive des sciences et la trans-historicité réitérative et sans cesse remaniée des idéologies. L’idéologie tente sans cesse de parasiter la science, dans laquelle elle puise le sang de la nouveauté factuelle pour mieux cacher sa propre récurrence. Mais trop de parasites tuent l’hôte : la science devient anti-science lorsqu’elle se fait engloutir dans l’idéologie.
a écrit :
[center]Le pape souligne les insuffisances de la théorie de Darwin dans un livre[/center]
AFP | 12.04.2007 |
Le pape Benoît XVI souligne les insuffisances de la théorie de l'Evolution qui laissent ouvertes des questions fondamentales sur la création de l'humanité selon lui, tout en saluant le rôle de la science dans le progrès de la raison, dans un livre publié mercredi en Allemagne.
"La théorie de l'Evolution n'est pas prouvable empiriquement, car il est impossible de mettre en laboratoire 10.000 générations", souligne le pape allemand dans cet ouvrage intitulé "Création et évolution" qui retranscrit une conférence sur ce sujet tenue en septembre 2006 dans sa résidence d'été de Castel Gandolfo (Italie).
"La vraisemblance (de la théorie de Darwin, ndlr) n'est pas égale à zéro, mais pas non plus à un", car elle laisse "de grandes questions ouvertes", relève-t-il.
"Il me semble important de souligner que la théorie de l'Evolution implique des questions qui doivent être du ressort de la philosophie et qui mènent elles-mêmes au-delà du domaine de la science", souligne Benoît XVI dans ses premières réflexions en tant que pape sur la théorie de l'Evolution.
Charles Darwin, biologiste britannique (1809-1882), développa la première théorie d'un mécanisme biologique de l'évolution, la sélection naturelle, qui explique la diversification de la vie à travers un lent processus de modification par l'adaptation.
Dans le même temps, le pape salue les progrès qu'ont permis les sciences. "Les sciences naturelles ont ouvert de grandes dimensions à la raison qui étaient jusqu'alors fermées, et nous ont ainsi transmis de nouvelles connaissances". Elles posent des questions "qui doivent être adressées à la raison et qu'on ne doit pas juste laisser au sentiment religieux", poursuit-il.
Le débat sur ce sujet fut relancé quand l'archevêque de Vienne Christoph von Schönborn publia le 7 juillet 2005 dans le New York Times une tribune affirmant que l'on ne pouvait interpréter les discours de Jean Paul II comme étant une reconnaissance de l'évolutionnisme. Le prédécesseur de Benoît XVI avait affirmé en octobre 1996: "La théorie de l'Evolution est plus qu'une hypothèse".
"Il ne s'agit pas de choisir entre un créationnisme qui exclut catégoriquement la science, et une théorie de l'Evolution qui dissimule ses propres brèches et ne veut pas voir les questions qui se posent au-delà des possibilités méthodologiques de la science naturelle", avait conclu le pape Benoît XVI à l'issue de discussions de deux jours entre philosophes, théologues et biologistes.
a écrit :La théorie probabiliste peut-elle être utilisée
pour réfuter la théorie de l'Evolution ?
Par Jason Rosenhouse, auteur de EvolutionBlog
Dans un volume publié discrètement, titré The Evolution of Man Scientifically Disproved in Fifty Arguments (l'évolution de l'homme scientifiquement réfutée en 50 arguments) écrit en 1925, le Révérend William A. Williams avait eu cette réflexion :
"La théorie de l'évolution, plus spécialement lorsqu'elle est appliquée à l'être humain, est également réfutée par les mathématiques. La preuve est accablante et décisive. Dieu a fait la noble Science des mathématiques afin de témoigner en faveur des vraies théories, contre les fausses théories"
Ce refrain est devenu depuis un des piliers de la littérature créationniste. Les déclarations d'une réfutation mathématique de l'évolution recourent systématiquement aux probabilités. L'idée est de montrer qu'il est si improbable qu'une structure biologique complexe, comme l'oeil d'un vertébré, ait évolué graduellement, qu'il est impossible qu'il en fut ainsi. Fréquemment, cet argument sera complété par des calculs concrets, supposés placer la démonstration dans un cadre mathématique rigoureux.
En tant que mathématicien, je suis conscient de l'effet que peuvent faire de tels calculs, notamment sur des gens n'entendant rien aux probabilités. Les maths sont uniques dans leur capacité à embobiner une large audience, ce qui explique pourquoi les créationnistes y ont si souvent recours. Heureusement, cependant, nul besoin de s'échiner dans les détails de tels calculs pour savoir que ce n'est pas correct. La théorie probabiliste est une branche importante des mathématiques qui trouve des applications innombrables dans une grande variété de sciences, mais n'est pas assez puissante pour supporter les conclusions rapides que les créationnistes essayent de faire passer. Pour comprendre pourquoi, voyons les éléments de base du sujet.
Les mathématiciens utilisent des fractions pour décrire la probabilité qu'un événement particulier se réalisera. Le chiffre en haut de la fraction (le numérateur) enregistre le nombre de résultats favorables, tandis que celui d'en dessous (le dénominateur) enregistre le nombre de résultats possibles. Dans ce contexte, un résultat "favorable" est simplement celui qui se conforme au modèle qui nous intéresse. Quelques exemples vont clarifier cette idée.
Supposons que nous lancions une pièce et que nous voulions savoir quelle est la probabilité que la pièce tombera sur Pile. Nous nous dirons qu'étant donné qu'il y a deux résultats possibles (Pile et Face), et qu'un de ces résultats est Pile, que nous avons une probabilité de 1/2 de tomber sur Pile. De la même façon, la probabilité que la pièce tombe sur Face est aussi de 1/2.
Maintenant supposons que nous ayons un jeu de cartes normal en mains, duquel nous tirions une seule carte. Quelle est la probabilité que la carte tirée soit un Pique ? Cette fois-ci, nous dirons que comme il y a 52 cartes dans le paquet, que 13 d'entre elles sont des Pique, la probabilité de tirer un Pique est de 13/52, soit 1/4.
Ces deux exemples ont été choisis pour leur simplicité. Cependant, déterminer le nombre de résultats favorables et de résultats possibles peut souvent se révéler être un travail délicat et difficile, nécessitant une ingéniosité considérable. Par exemple, supposons que nous cherchions la probabilité de distribuer un flush au poker. Se poser la question exigerait d'abord de déterminer le nombre total de mains possibles de cinq cartes. Après avoir fait cela, nous déterminerions combien il y a de façons de distribuer un flush. Ces deux nombres peuvent être calculés, mais le faire exige un niveau de sophistication mathématique que je ne développerai pas ici.
Au lieu de cela, voyons les problèmes que posent les deux exemples précédents. En premier lieu, en établissant que la probabilité de tomber sur Pile est de ½, il était tacitement supposé que nous utilisions une pièce non truquée. Si la pièce était truquée, ou si c'était un illusionniste qui faisait le lancer, la probabilité aurait pu être différente de ½. De la même façon, j'ai supposé que chacune des 52 cartes du paquet pouvait être tirée avec la même probabilité. Or de telles hypothèses ne sont souvent pas justifiées dans les situations du monde réel. En d'autres termes, au lieu que chaque résultat ait autant de chances qu'un autre de survenir, nous pouvons trouver que certains événements auront une probabilité de se réaliser beaucoup plus importante que d'autres. Comme on peut le voir, ce fait représente une barrière insurmontable à la plupart des arguments créationnistes.
Peut-être vous demandez-vous pourquoi les mathématiciens utilisent le langage des fractions pour décrire les probabilités ? Il y a deux raisons à cela. La première est qu'il semble y avoir quelque-chose d'intuitif à dire que si vous tirez des cartes d'un paquet encore et encore, à chaque fois en replaçant et en retirant une carte, alors il y a une chance sur quatre de tirer un pique. Nous avons tous lancé des pièces, et nous savons que nous tombons sur Pile la moitié du temps environ. La seconde raison est un peu plus compliquée. Souvent nous vivons non pas des événements n'ayant qu'une probabilité de se produire, mais plutôt toute une série d'événements se déroulant simultanément. D'autres fois, nous cherchons la probabilité qu'un ensemble donné d'événements se réalise. Dans beaucoup de cas, ces questions peuvent trouver une réponse en effectuant des opérations arithmétiques sur les probabilités individuelles de chaque événement pris isolément. Ainsi, les questions compliquées en probabilités peuvent souvent être réduites à de simples problèmes de fractions.
Appliquons maintenant ce raisonnement à l'évolution. Quelle est la probabilité qu'un oeil puisse surgir graduellement via les mécanismes connus de l'évolution ? En termes biologiques, nous cherchons la probabilité d'évolution des gènes nécessaires à la construction d'un oeil, ce qui représente immédiatement un gros problème. Les structures complexes comme les yeux ne surgissent pas de l'action d'un ensemble bien défini de gènes. Au lieu de cela, il y a de nombreux gènes qui jouent un rôle dans la formation des yeux, nombre d'entre eux ayant aussi d'autres fonctions.
Mais cette objection n'est pas fatale à l'argument. Bien que nous ne soyons pas en mesure de dire quels gènes sont spécifiquement responsables de la formation de l'oeil, nous pouvons raisonnablement supposer qu'il y en a de nombreux. Souvenons-nous que les gènes sont constitués de quatre nucléotides que sont l'adénine, la thiamine, la cytosine et la guanine (que nous abrégeons en A, T, C et G). Ainsi, un gène peut être façonné comme séquence dont les éléments sont ces quatre lettres. Comme approximation prudente, supposons qu'un gène possédant une longueur de cent lettres soit nécessaire pour construire un oeil, bien que le véritable nombre soit certainement supérieur.
Ainsi, le nombre total de possibilités dans ce cas est simplement le nombre de séquences de A, T, C et G dont la longueur est de cent lettres. Ce nombre est obtenu en multipliant quatre par lui-même cent fois, ce qui donne un nombre considérable. Seul un de ces codes de séquences convient à l'oeil. Mais il y a certainement un nombre de changements triviaux que nous pourrions faire de la séquence précise de gènes, et qui produiraient aussi un oeil. Le nombre de résultats favorables dans ce cas sera sans doute supérieur à un. Cependant, nous pouvons affirmer que le nombre de résultats favorables sera plus petit, et de loin, que le nombre total de possibilités.
Cela semble montrer que, alors que nous ne sommes pas en mesure de calculer précisément la probabilité d'évolution des gènes nécessaires à la formation de l'oeil, nous pouvons affirmer que cette probabilité est très, très petite.
Pouvons-nous en conclure qu'il est effectivement impossible pour l'évolution d'avoir produit un oeil ? Beaucoup de créationnistes diraient que oui. Malheureusement, leur analyse passe un peu trop rapidement sur plusieurs points pourtant cruciaux. Peut-être avez-vous déjà décelé la faille dans cet argument. En faisant notre calcul, nous avons simplement supposé que chaque séquence de gènes de cent lettres était aussi probable qu'une autre (équiprobable). Cette supposition est totalement non garantie, et ceci pour deux raisons.
Premièrement, il faut garder à l'esprit que l'évolution fonctionne en modifiant des structures préexistantes. En conséquence, les séquences particulières de gènes pouvant survenir dans une génération donnée sont celles réalisables à partir de séquences préexistantes, via des mécanismes génétiques connus. Par exemple, supposons que dans certains organismes nous trouvions une séquence de gènes ACGATCT. Une des sources de variation génétique est le point de mutation, dans lequel un nucléotide est remplacé, dans la génération suivante, par un nucléotide différent. Ainsi, il est tout à fait raisonnable de supposer que la progéniture de notre hypothétique organisme possédera la séquence de gènes ATGATCT. Par contre, il est hautement improbable qu'il rencontre la séquence TGATAAG. Secondement, dans notre raisonnement nous avons jusqu'ici ignoré l'action de la sélection naturelle. La plupart des séquences de gènes de cent lettres que nous pouvons écrire feraient un organisme défectueux, qui serait trouvé dans la nature. Même si une macromutation bizarre pouvait causer l'apparition d'une de ces séquences dans quelque infortuné organisme, la sélection naturelle aurait tôt fait de rapidement évacuer ce gène de la population des générations suivantes.
En résumé, le calcul que nous proposons de la probabilité d'évolution de l'oeil, sur une période de millions d'années, rencontre deux obstacles majeurs. En premier lieu, le fait que l'évolution fonctionne en modifiant des structures préexistantes signifie que la probabilité d'apparition de certaines séquences de gènes est beaucoup plus importante que d'autres. En second lieu, l'action de tamisage de la sélection naturelle garantit que les séquences de gènes défectueuses ne se dissémineront pas longtemps dans la nature.
Ces obstacles sont insurmontables, ils sont fatals pour toute tentative de réfutation de l'évolution via la théorie des probabilités. Cela nécessiterait presque une connaissance "divine", "surnaturelle", de l'histoire naturelle et des physiologies de tous les organismes éteints depuis longtemps, afin de pouvoir produire un calcul de probabilités significatif pour tout système biologique complexe. En fait, la situation est même pire que ça. Supposons que nous soyons capables de faire un tel calcul, et que nous trouvions qu'il est terriblement improbable que nos yeux aient évolué par les voies naturelles. Que pourrions nous apprendre d'un tel résultat ?
Pratiquement rien. Des choses improbables se produisent tout le temps, et le fait que quelque chose d'improbable se réalise ne signifie pas que cela ne peut avoir lieu. Par exemple, la prochaine fois que vous conduirez votre voiture quelque part, pensez combien il était improbable que tous ces conducteurs soient là, à côté de vous, conduisant sur la même route que vous en même temps. On découvre souvent, après les faits, que même si quelque chose de terriblement improbable s'est produit, cela ne nous donne aucune garantie quant à la nécessité d'une explication extraordinaire pour l'éclairer.
Mais peut-être la situation n'est-elle pas aussi simple que je le suggère. Supposons que je jette une pièce de monnaie dix fois et obtienne la séquence suivante de piles et de faces :
FFPPFPFPPF
Il est juste et vrai de dire qu'il y a 1024 résultats différents possibles pour telle série de lancers. Etant donnée qu'une seule de ces séquences tombe sur celle ci-dessus, nous en concluons que la probabilité d'obtenir cette séquence particulière est de 1/1024.
Maintenant, considérons cette séquence :
PPPPPPPPPP
Nous pouvons raisonner comme plus haut, et conclure que la probabilité de cette séquence est de 1/1024.
Le fait est que toute séquence particulière de Pile ou Face est aussi probable qu'une autre. Beaucoup de gens ont du mal à accepter cela. La seconde séquence semble à leurs yeux beaucoup plus improbable que la première. Pourquoi cela ?
Ce qui nous frappe, à propos de la seconde séquence, est que c'est un modèle facilement identifiable. Au contraire, la première ressemble à toutes les autres mélanges de pile ou face que nous aurions pu obtenir en lançant une pièce plusieurs fois. Ceci voudrait dire que, tandis que l'improbabilité en soi ne signifie rien d'extraordinaire, la combinaison d'une improbabilité et d'un modèle reconnaissable nécessiterait une explication spéciale.
Pouvons-nous, dès lors, utiliser cette stratégie pour revigorer la critique probabiliste de l'évolution ? Beaucoup de créationnistes pensent que oui...
Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 1 invité