le LHC retardé et l'ILC dans le lointain

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par canardos » 09 Avr 2007, 14:36

a écrit :

[center]Un test raté retarde l'accélérateur du CERN[/center]

LE MONDE | 09.04.07 |

Aucun responsable d'un des grands laboratoires de physique de la planète n'aimerait avoir à reconnaître que son institution "est tombée sur les fesses sur la scène mondiale". C'est pourtant le constat auquel vient d'être contraint Pier Oddone, le directeur du prestigieux Fermilab de Batavia, près de Chicago (Etats-Unis).


Qu'est-ce qui a ainsi fait chuter le fer de lance de la physique des hautes énergies américaine ? L'onde de choc d'une explosion qui s'est produite, le 27 mars, à des milliers de kilomètres de l'Illinois, cent mètres sous la frontière franco-suisse, près de Genève. Ce "bang" souterrain, si bruyant qu'il a été entendu jusqu'en surface, a retenti lors d'un essai d'une partie du futur grand collisionneur de hadrons (LHC) du CERN, la plus puissante machine à traquer les secrets de la matière jamais construite par l'homme.

La détonation est venue sanctionner un défaut élémentaire dans la conception d'une pièce cruciale de l'accélérateur de particules, dessinée et fabriquée par le Fermilab. Selon le temps que prendront les corrections de cette erreur et les réparations de la partie cassée, le démarrage du LHC, prévu en novembre 2007, pourrait être remis en cause. Or le CERN tenait absolument à éviter tout nouveau retard du chantier, afin d'être sûr de pouvoir commencer à recueillir des données scientifiques à l'été 2008. Ce calendrier tenu à marche forcée devrait lui offrir les meilleures chances de s'assurer au plus vite de la découverte du boson de Higgs, la particule dont tous les physiciens attendent depuis des années qu'elle veuille bien enfin se manifester.

Pourquoi une telle hâte ? Parce qu'il existe un ultime concurrent dans la course au "Higgs", dont la petite chance de succès ne ferait que grandir avec un retard du LHC. Ce rival n'est autre que le Fermilab, où tourne actuellement le Tevatron, un collisionneur en fin de carrière. L'explosion du 27 mars contraint donc le laboratoire américain à laver à la fois son honneur de la faute commise et de l'affreux soupçon qu'elle a pu faire naître.

Le monde de la physique des particules a beau fabriquer des instruments gigantesques, il reste étonnamment petit. La compétition n'y est rendue possible que par une entraide incessante. Chaque laboratoire de la planète apporte ainsi sa contribution à la construction de ces collisionneurs qui permettent de reconstituer la violence des réactions qui ont formé l'Univers lors de ses tout premiers instants.

Des Européens ont collaboré à l'aventure du Tevatron. Et, aujourd'hui, nombre d'Américains participent à l'assemblage de l'anneau de 27 km de circonférence du LHC, qui doit ramener le centre de gravité de la discipline sur le Vieux Continent. Entre autres tâches, le Fermilab a été chargé des aimants qui focaliseront, juste avant qu'ils ne se croisent, les deux flux de protons qui, en sens opposé, feront le tour de la machine à la vitesse de la lumière. De cette concentration de faisceaux les plus fins possibles dépend le nombre de chocs entre protons, ce que les physiciens appellent la "luminosité". A plein régime, celle du LHC devrait produire 600 millions de collisions par seconde. Elles auront lieu quatre fois par tour, au sein d'énormes détecteurs capables de reconnaître chacune des particules élémentaires ainsi libérées.

Sur le total de 1 700 aimants de l'anneau, le Fermilab en a conçu 27, dont la plupart ont été placés par groupes de trois à l'entrée et à la sortie des détecteurs. Neuf d'entre eux ont été construits à Batavia, les autres au Japon. C'est l'un de ces aimants "made in USA" qui a claqué fin mars. Pour la première fois, les conditions du futur fonctionnement du LHC étaient réunies sur ce bref tronçon.

En particulier, la température était proche du zéro absolu, ce qui rend l'hélium superfluide et permet ainsi aux aimants de supporter une énergie énorme grâce à la supraconductivité qui annule presque toute résistance au courant électrique. L'un des tests consistait à suspendre brièvement ces propriétés supraconductrices, comme cela peut parfois arriver. A l'intérieur du cryostat - l'enveloppe qui maintient l'ensemble à très basse température -, l'augmentation brutale de la pression a fait céder un support de l'aimant.

Les équipes du Fermilab et du CERN n'ont pas tardé à comprendre pourquoi. La pièce est trop fragile, tout simplement parce qu'elle n'a pas été conçue et testée aux Etats-Unis pour résister à ce cas de figure particulier, qui n'a jamais été pris en compte. "Nous sommes abasourdis d'avoir oublié quelque chose d'aussi simple dans le design des aimants", avoue M. Oddone sur le site de l'institution. L'erreur est si grossière qu'aucun physicien ne peut la croire délibérée.

"Dans notre communauté, personne ne va s'envoyer des bataillons d'avocats pour constater la faute, dit Yves Sirois (Ecole polytechnique) qui participe à la construction du détecteur CMS. On retrousse les manches pour trouver ensemble une solution. Le Fermilab a eu la bonne réaction en faisant savoir immédiatement qu'il en faisait sa priorité absolue."

Aux dernières nouvelles, la réparation de la pièce endommagée, qui devra être remontée à la surface, ne devrait pas retarder le chantier. En revanche, le délai nécessaire au renforcement de tous autres les supports, dans le tunnel, n'est pas encore connu. La direction du CERN espère qu'elle n'aura pas à faire l'impasse sur la campagne d'essais prévue à la fin 2007, avant les premières vraies collisions de la mi-2008. S'il en était besoin, le "bang" de la fin mars a encore souligné l'importance de ces tests grandeur nature.

Jérôme Fenoglio



a écrit :

[center]Un effort mondial est requis pour le dernier des accélérateurs géants[/center]

LE MONDE | 15.02.07 |  Mis à jour le 09.04.07 |

Ce sera le prochain mastodonte, et sans doute le dernier de son espèce. Une équipe internationale vient de présenter, à Pékin, l'architecture de la nouvelle grosse machine à faire avancer la physique des particules, alors que la possibilité d'user un jour d'outils beaucoup plus modestes commence à se dessiner. Ce collisionneur linéaire international (ILC) doit succéder, mais pas avant 2016, au grand collisionneur de hadrons (LHC) du CERN, qui n'entrera lui-même en action, à proximité de Genève, qu'en novembre 2007. Le gigantisme de ces instruments de recherche leur interdit en effet d'attendre les résultats de leur prédécesseur. L'inertie des projets est telle qu'il faut, au plus vite, valider les choix technologiques et, surtout, convaincre les financeurs de toute la planète en leur présentant un devis point trop effrayant.


Pour l'ILC, ces orientations sont désormais définies. La première phase du projet prévoit la construction souterraine de deux accélérateurs, sur une longueur totale de 31 km, qui enverront, 14 000 fois par seconde, 10 milliards d'électrons se fracasser à des vitesses proches de celle de la lumière contre autant de positons, leurs antiparticules. L'énergie générée par ces chocs reconstituera des conditions extrêmes qui n'ont existé que quelques milliardièmes de secondes après le Big Bang. Leur puissance sera toutefois nettement inférieure à celle produite par la boucle de 27 km du LHC.

Mais cette faiblesse relative est une force. Les protons qui vont s'entrechoquer au LHC ressemblent à des sacs pleins de particules plus petites. L'énergie de leurs collisions se divise entre les parties qui les composent, et laisse des traces complexes à analyser. Beaucoup plus légers, les électrons du futur ILC sont des particules élémentaires qui produiront des collisions plus intenses et plus propres.

"Le LHC sera un instrument de découverte qui pourra nous indiquer qu'une particule postulée par la théorie, comme le boson de Higgs, existe bien, explique Guy Wormser, directeur du laboratoire de l'accélérateur linéaire du CNRS. Seul l'ILC pourra en mesurer les propriétés et déterminer son rôle précis." Il devrait ainsi apporter une contribution cruciale à la connaissance de la composition de l'Univers.

Encore faut-il en convaincre les puissances mondiales, seules capables de supporter un tel effort. Pour cela, le plus efficace est encore de présenter un chiffrage réaliste et raisonnable. Les équipes qui travaillent depuis longtemps sur un accélérateur linéaire ont donc d'abord entrepris de se fédérer en un projet mondial. En 2004, une technologie d'accélération, conçue par des équipes allemandes et françaises, a été sélectionnée.

Depuis, la collaboration internationale s'est efforcée de simplifier l'épure pour tenter de réduire les coûts. Plusieurs révisions lui ont permis de présenter une estimation d'environ 5,5 milliards d'euros. Ce coût serait à peu près équivalent à celui du LHC et du tunnel dans lequel il a été implanté.

Le pays hôte de l'installation, qui sera désigné vers 2010, supportera la moitié du coût de construction, en plus des frais de fonctionnement. Cet effort conséquent ne semble pas, pour l'heure, dissuader les Etats-Unis. Ils regarderont le LHC tourner de loin et aimeraient se replacer en nation majeure de la physique des particules en assumant l'équipement suivant.

Le dernier ? Des physiciens américains viennent de démontrer que d'autres techniques, potentiellement plus économiques à défaut d'être moins complexes, pourraient offrir une suite raisonnable à la course aux grands accélérateurs. Dans Nature du 15 février, ils rapportent avoir réussi à doubler l'énergie de certains électrons du faisceau produit par l'accélérateur linéaire de Stanford (Californie) en lui faisant traverser les turbulences d'un plasma, un gaz dans un état très particulier.

Ils ont ainsi obtenu, en moins de 1 mètre, de hautes énergies que les accélérateurs classiques mettent des kilomètres à rassembler. Cette technique des plasmas avait récemment démontré sa pertinence grâce à une équipe française qui a conçu un mini accélérateur, efficace sur 1 millimètre (Le Monde du 8 décembre 2006).

Peut-elle se substituer rapidement aux équipements actuels ? De l'avis même de ses concepteurs, elle est encore trop balbutiante et doit franchir nombre d'étapes avant d'ouvrir un accès durable et fiable au domaine des très hautes énergies. "C'est une chose d'accélérer des particules et une autre de créer les bonnes conditions pour une collision, dit M. Wormser. L'énergie obtenue à Stanford ne concerne que 1 % des électrons, alors que les physiciens ont besoin de mobiliser la totalité du faisceau. La technique n'en est pas moins prometteuse, et elle pourrait apporter des solutions à une échéance encore lointaine, entre 25 et 50 ans." L'extinction inéluctable des mastodontes n'est pas encore imminente.

Jérôme Fenoglio


canardos
 
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