a écrit :Paris, 18 avril 2007
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La calotte glaciaire du Groenland fond plus vite qu'estimé précédemment[/center]
En s'appuyant sur une nouvelle évaluation de données satellitaires et sur des modélisations climatiques régionales, des chercheurs du Laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement (LGGE (1), Grenoble) et de l'Université catholique de Louvain (Belgique) viennent de montrer que l'accélération de la fonte superficielle de la calotte glaciaire du Groenland au cours des 25 dernières années est deux fois plus importante que ne l'estimaient les études antérieures. Entre 1979 et 2005, la surface du Groenland touchée par la fonte au moins un jour par an s'est accrue de 42 %, tandis que la température moyenne d'été augmentait de 2,4°C. Ces résultats ont été publiés dans Geophysical Research Letters.
Les preuves du réchauffement de la planète s'accumulent depuis plusieurs années et les modèles climatiques indiquent que ce réchauffement résulte pour l'essentiel de l'augmentation des teneurs en gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Dans ce contexte et compte tenu de l'impact de la fonte des glaces groenlandaises sur le niveau des mers et sur le climat du pourtour atlantique, l'évolution actuelle et future de la calotte glaciaire du Groenland revêt une importance primordiale pour nos sociétés.
Quantifier cette évolution nécessite à la fois des études théoriques et des observations sur le terrain et par satellite. Pour estimer la fonte de surface ayant affecté la calotte groenlandaise au cours des 25 dernières années, des chercheurs du LGGE et de l'Université catholique de Louvain ont combiné leurs expertises : ils ont utilisé une approche double, reposant d'une part sur un modèle numérique récent de simulation du climat régional et d'autre part sur un nouveau traitement des données satellitaires dans le domaine des micro-ondes.
Le modèle numérique utilisé (2) permet de calculer, avec une résolution spatiale de 25 kilomètres sur l'ensemble du Groenland, l'état de différentes variables atmosphériques (vents, température, pression, humidité, nuages et précipitations) ainsi que l'état de la neige de surface et de la glace (température, accumulation ou fonte du manteau neigeux, fonte de la glace). Quant au nouveau traitement appliqué aux données micro-ondes issues des satellites, il consiste à corriger l'effet produit par les nuages d'eau liquide présents au-dessus de la zone étudiée. De fait, les précipitations liquides issues de ces nuages agissent comme un masque sur les données micro-ondes, ce masque empêchant les satellites de « détecter » l'eau liquide contenue dans le manteau neigeux.
Les résultats obtenus à partir du modèle climatique indiquent que la fréquence d'apparition des nuages d'eau liquide a clairement augmenté entre 1979 et 2005. Comme les précédentes études ne tenaient pas compte de la présence de ces nuages et de leur effet de masque sur les données satellitaires micro-ondes, elles tendaient à sous-estimer l'étendue des zones de fonte déterminées à partir de ces données.
En conséquence, cette nouvelle étude conduit à une révision à la hausse, d'un facteur 2 par rapport aux précédentes estimations, de l'accélération de la fonte de surface ayant affecté la calotte groenlandaise au cours des 25 dernières années. Ce résultat est cohérent avec l'estimation de l'évolution de la température d'été, réalisée à l'aide du modèle climatique régional sur la même période, et qui se traduit par un réchauffement estival moyen sur l'ensemble du Groenland de 2,4°C. Ainsi en 2005, près de 550 000 kilomètres carrés du Groenland subissaient cette fonte au moins un jour par an, ce qui correspond à une augmentation de 42 % de la surface touchée par rapport à 1979, c'est-à-dire à une surface supplémentaire de fonte égale au tiers de la superficie de la France métropolitaine. C'est au nord du Groenland que le phénomène est le plus spectaculaire : des épisodes importants de fonte y sont observés depuis l'an 2 000, à plus de 1 500 mètres d'altitude, ce qui n'avait jamais été décelé par les satellites auparavant.
Nombre de jours de fonte à la surface du Groenland en 2006. Chaque carré fait 25 kilomètres de côté.
© Université catholique de Louvain Notes :
(1) Unité mixte CNRS et Université Joseph Fourier
(2) Ce modèle s'appuie notamment sur des données fournies par le Centre européen de prévision météorologique et repose sur un modèle de neige très élaboré.
Références :
The 1979-2005 Greenland ice sheet melt extent from passive microwave data using an improved version of the melt retrieval XPGR algorithm. X. Fettweis, J.-P. van Ypersele, H. Gallée, F. Lefebre, and W. Lefebvre. Geophysical Research Letters, 34, L05502, doi:10.1029/2006GL028787 (2007).