Et si on partait, dans cette discussion, de ce qui existe de toute façon indépendamment de nous ?
Il y a d'abord eu les manifestations des premiers soirs après l'élection de Sarkozy. Sans polémiquer sur les chiffres (que les flics peuvent évidemment gonfler ou dégonfler à volonté) il semble clair qu'elles étaient moins nombreuses que celles de l'immédiat après 1er tour de 2002 (je ne parle pas du 1er mai), tout en ne se limitant pas à quelques dizaines ou centaines de totos ne cherchant que la bagarre avec les flics. Dans certains coins au moins (ce n'est pas forcément partout pareil) s'y sont jointes de petites minorités de jeunes visiblement écoeurés de l'élection de Sarkozy... et sur qui les rengaines du genre "Sarko = facho" ont dû prendre. Ce faisant, ils exprimaient sans doute en négatif des illusions sur Royal et la gauche -- ce que j'ai pu mesurer dans mon entourage auprès de quelques pas si jeunes qui sont allés manifester à Bastille plusieurs soirs de suite (quoique en cherchant à dissuader des plus jeunes de rechercher l'affrontement avec les flics...).
Il n'y a pas de position de principe à avoir sur l'opportunité de manifs au soir d'une élection -- les déclarations, notamment des socialos, sur le respect du "choix démocratique des Français" ont bien de quoi faire gerber ! Si l'élection de Sarkozy avait déclenché des émeutes populaires le soir même et une grève générale le lendemain, les révolutionnaires n'auraient pas craché dessus ! Mais, au moins compte tenu de l'ambiance de la campagne et de l'entre-deux tours, il était clair que ce ne serait pas le cas... Cela n'empêche pas de se sentir solidaires de ceux qui sont descendus dans la rue par écoeurement ou par peur de Sarkozy (je ne parle pas ici des totos ou autres gauchistes), mais cela nous impose de leur tenir un certain langage : de telles manifs ultraminoritaires [*] ne peuvent que démoraliser ceux qui en attendent quelque chose (mais quoi ?) et, la démoralisation étant mauvaise conseillère, pousser à des gestes désespérés, du genre affrontements gratuits avec les flics ; comme par ailleurs des totos n'étaient là que pour ça, et que la police et la justice avaient visiblement carte blanche pour provoquer, rafler et condamner lourdement, ce qui devait arriver arriva...
Dans ces conditions, je ne pense pas que LO ou la Ligue devaient appeler à de telles manifestations "spontanées". Quant à être présent pour ne pas laisser les manifestants seuls face aux flics (si je comprends ce que veut dire Puig), c'est tout à fait illusoire : cela aurait signifié quoi ? Organiser un SO pour faire tampon avec les flics ?... SO que ni les totos évidemment, ni sans doute les manifestants les plus têtes-brûlées, n'auraient respecté, et qu'ils auraient peut-être même affronté ?!
Ceci dit, je regrette aussi que (sauf erreur de ma part) ni LO, ni la Ligue n'aient à ce jour et centralement dénoncé la répression. Car, outre le nombre et la lourdeur des peines déjà infligées en comparution immédiate (du genre plusieurs mois de prison ferme pour jet de canette n'ayant pas atteint de cible ou pour avoir tenu un pavé), les attendus des jugements sont très politiques : non-respect de la "démocratie", etc.
Quant à la petite agitation sur certaines facs (Lyon, Nanterre...) et aux AG et manifs d'aujourd'hui, c'est encore autre chose... Suite éventuelle dans un prochain message.
[*] Ce n'est pas le caractère ultraminoritaire qui, en soi, pose un problème : il est arrivé bien des fois à LO et/ou à la Ligue d'organiser ou de participer à des manifestations très minoritaires, par exemple pour dénoncer telle ou telle exaction de l'impérialisme français dans le monde...