sur la 3ème ligne (SDR existant préalablement à la grève) :
(Bulletin du SDR 7 juillet 1947 plus de 2 mois après le début de la grève a écrit :CE QUE VEUT NOTRE SYNDICAT
De nombreux camarades nous ont posé la question : qu'est-ce que le nouveau syndicat ? Qui est à la tête ? Est-ce qu'il nous défendra mieux que l'autre ?
Avant la grève Renault, les ouvriers les plus actifs essayaient de militer au sein de la CGT mais sans y parvenir, la démocratie n'y existant pas : quiconque n'était pas dans la ligne de la V.O. était évincé. La grève a eu, entre autres conséquences, le regroupement des ouvriers les plus décidés. Elle les a fait se connaître. De plus, la majorité des ouvriers de l'usine a compris qu'il n'y avait rien à faire avec la C.G.T.
La tâche était donc de s'organiser à nouveau.
Les anciens du Comité de grève décidèrent d'entamer la création d'un nouveau syndicat.
Fallait-il lancer une nouvelle centrale syndicale ? Pouvait-on, avant même d'avoir bâti la maison, planter le drapeau sur le toit ? Ce ne sont pas les centrales syndicales qui manquent. Mais que nous ont apporté ces nouvelles Confédérations ? Rien, sinon des cartes et des timbres différents...
Nous repartons à zéro. Un nouveau syndicat ne peut s'envisager tout d'abord que sur les bases de l'usine. C'est ainsi que le travail doit démarrer.
Notre syndicat ne sera pas fort par le nombre de timbres qu'il écoulera chaque mois, mais par la qualité et la combativité de ses membres. Il ne promet pas à chaque ouvrier qui aura sa carte en poche qu'il sera assuré du lendemain. Un syndicat, ce n'est pas un avocat des ouvriers auprès du patron. C'est une organisation groupant les ouvriers qui combattent.
Aux camarades qui nous posent la question : les patrons vous prendront-ils en considération ?, nous répondons : la C.G.T. a été de longues années avant d'être reconnue, mais quoique non reconnue, elle luttait. Et c'est au travers de ces luttes que l'organisation syndicale s'est peu à peu créée.
Quand il s'agit de discuter pour produire, le patron est toujours d'accord. Mais dès qu'il s'agit de la question du beefsteak, le patron ne cède pas à la suite de discussions, mais sous la pression des ouvriers.
Voilà les conditions dans lesquelles on sera reconnus.
sur la dernière phrase (le SDR ayant appelé à voter CFTC) :
(Voix de Travailleurs de chez Renault 27/5/1947 a écrit :BOYCOTT DES ELECTIONS DE DELEGUES AUX 1er ET 2ème TOURS
Nous allons être appelés à voter pour les délégués du personnel. En juin 1936, l'action de la classe ouvrière a imposé au patronat la reconnaissance officielle des délégués. Mais si les conventions collectives prévoient la possibilité pour les ouvriers d'élire des délégués de leur choix, la bourgeoisie, fidèle à sa tradition de reprendre de la main gauche ce qu'elle a dû céder de la main droite, a modifié cette loi par plusieurs décrets, dont le dernier en date est celui de l'ex-ministre Croizat.
Que dit cette loi du 16 avril 1946 ?
D'abord que les candidats doivent être présentés sur les listes des organisations syndicales les plus "représentatives". Or nous savons comment sont établies ces listes. Les futurs délégués, choisis par la C.E., sont présentés à l'assemblée générale du syndicat (une trentaine d'ouvriers, bien souvent moins). Un exemple nous suffira pour montrer toute l'iniquité de cette "représentation".
Au secteur Collas, la grosse majorité des ouvriers, écoeurés par les méthodes bureaucratiques et policières des dirigeants syndicaux, ont cessé de payer leurs cotisations.
Après la grève, ils se sont réunis pour former une nouvelle C.E., qui a été élue à l'unanimité des ouvriers syndiqués et non syndiqués, à l'exception des dirigeants qui avaient jugé plus sage de ne pas se présenter à la réunion. La section syndicale de la R.N.U.R. a refusé de reconnaître cette C.E. parce qu'elle avait été élue par des ouvriers non à jour de leurs cotisations.
Or tous les ouvriers sont des syndiqués, et s'ils refusent actuellement de payer des cotisations c'est qu'ils en ont assez de confier leur argent à des gens qui l'utilisent pour les combattre et les calomnier (voir la série de tracts de la C.G.T. pendant la grève).
Mais, pour les dirigeants actuels du syndicat, la volonté d'un millier d'ouvriers mécontents est moins précieuse que celle d'une trentaine de "syndiqués" (lire : cochons de payants).
D'après la loi en vigueur, plus de mille ouvriers qui ont prouvé leur combativité pendant la grève ne peuvent pas élire légalement leur représentant, tandis qu'une poignée de jaunes a la possibilité d'élire les siens.
En somme, on nous offre une illusion de démocratie. C'est pourquoi, dans ces conditions, il est préférable de ne pas avoir de délégués que d'en avoir de mauvais (ceux qui se substituent au contremaître pour pousser à la production et faire la police dans l'usine).
Certains camarades ont pensé, après l'attitude répugnante des dirigeants cégétistes dans notre grève, qu'il fallait faire bloc contre eux aux élections. Certains sont même allés jusqu'à envisager favorablement la proposition de la C.F.T.C. de faire une liste d'union contre les bureaucrates de la C.G.T.
Or, il ne peut être question pour nous de faire bloc avec des organisations réactionnaires contre des organisations bureaucratisées.
Le problème n'est pas pour nous d'avoir des délégués à tout prix et d'envisager toutes les combines possibles pour faire élire nos représentants. Le problème, c'est d'imposer au patronat et au gouvernement la libre élection des délégués. Hors de cela, nos délégués ne sont que des représentants imposés bureaucratiquement.
C'est pourquoi nous devons avant tout engager la lutte pour avoir la possibilité d'élire des représentants de notre choix.
1°) Chaque ouvrier doit avoir la possibilité de présenter sa candidature sans avoir à passer par la censure d'une organisation bureaucratique ;
2°) Nous devons avoir la possibilité d'élire nos représentants par département, car il est absolument anormal que nous soyons appelés à nous prononcer sur des noms que nous ne connaissons pas et qu'on veut nous faire élire bureaucratiquement.
C'est ainsi qu'au secteur Collas, les délégués cégétistes "dans la ligne" seraient élus par les voix du restant de l'usine contre la volonté des ouvriers de ce secteur.
Pour faire échec aux manoeuvres bureaucratiques des "dirigeants" syndicaux qui veulent nous imposer leur candidature,
Pour imposer des élections démocratiques de délégués,
Vous vous abstiendrez tous au premier et deuxième tours des élections de délégués pour pouvoir présenter au troisième tour des délégués de votre choix, par département.
Pierre Bois