Libération de Bertrand Cantat

Rien n'est hors-sujet ici, sauf si ça parle de politique

Message par Vérié » 16 Oct 2007, 10:44

Je suis entièrement d'accord avec Artza et Zelda. Les réactions moralistes de certains copains me choquent.

1) D'abord, je le répète mais c'est important.
-8 ans de prison, ce n'est pas un traitement de faveur. 5 ans est le "tarif" assez courant pour un crime passionnel. (Ce n'est pas exactement un crime passionnel, mais ce n'est pas non plus un crime crapuleux.)
-4 ans sur 8, c'est courant aussi, meme pour des gens qui n'ont pas de fric pour indemniser les victimes. Mais ça tend à devenir moins courant sous la pression sécuritaire.
-La libération conditionnelle, c'est très courant pour tous ceux qui sont libérés avant la fin de leur peine. Ca n'a rien d'exceptionnel.

2) Les révolutionnaires sont contre la prison. Nous espérons qu'elle disparaitra. La société doit se protéger et non punir et se venger. Donc, un type qui frappe à mort sa compagne a besoin d'un traitement psy, au meme titre qu'un pédophile ou d'une autre personne atteinte d'une pathologie. Et bien sur d'etre "surveillé" pour éviter qu'il ne recommence.

Notre attitude peut évidemment etre un peu différente s'il s'agit d'un patron escroc, d'un patron responsable d'accidents du travail à répétition, d'un flic auteur d'une bavure, d'un homme de main du patronat, d'un mercenaire ou d'un soldat tortionnaire. Par exemple au Chili ou en Argentine. Pourquoi ? Parce que dans ces situations, obtenir sa condamnation est un objectif de lutte et meme de mobilisation.

Mais, dans le cas Cantat, nous ne sommes pas dans un contexte de ce genre, sauf à considérer qu'on défend la cause des femmes battues en le faisant condamner plus lourdement. Cela, je n'en suis pas du tout convaincu. D'ailleurs 4 ans en prison, c'est déjà très dur et très, très long !
Vérié
 
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Message par Gaby » 16 Oct 2007, 11:16

Vérié, réponds à ma question sur OJ Simpson si tu veux bien.

En tout cas je n'attendais pas de toi une autre réaction, compte tenu du peu de souci que tu accordais à la défense des femmes dans une autre discussion du forum, en considérant simplement qu'après un viol, voir les flics ne servait à rien, "le mal est fait"...

S'interdire la répression d'Etat contre les crimes sexistes (et non "passionnels" :x , franchement là...), c'est complètement idéaliste. C'est exactement la même chose que dire qu'il ne faut pas employer de recours judiciaires dans quelque situation que ce soit, sous prétexte qu'ils ne peuvent apporter de progrès comme le ferait la révolution...
Gaby
 
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Message par Vérié » 16 Oct 2007, 12:26

(Gaby @ mardi 16 octobre 2007 à 12:16 a écrit : 1) Vérié, réponds à ma question sur OJ Simpson si tu veux bien.

2) En tout cas je n'attendais pas de toi une autre réaction, compte tenu du peu de souci que tu accordais à la défense des femmes dans une autre discussion du forum, en considérant simplement qu'après un viol, voir les flics ne servait à rien, "le mal est fait"...

3) S'interdire la répression d'Etat contre les crimes sexistes (et non "passionnels"  :x , franchement là...), c'est complètement idéaliste. C'est exactement la même chose que dire qu'il ne faut pas employer de recours judiciaires dans quelque situation que ce soit, sous prétexte qu'ils ne peuvent apporter de progrès comme le ferait la révolution...

1) D'abord, je ne suis pas Sherlock Holmes et j'ignore si Simpson est coupable. J'ai suivi cette affaire de très loin comme, j'imagine, beaucoup d'entre nous. Une seule chose est sure, c'est que sa célébrité et ses moyens lui ont permis de se défendre, ce qui n'est pas le cas d'un prolo ou d'un chomeur black... ou blanc aux Etats-Unis. La justice est une justice de classe. Nous devons dénoncer cette inégalité. De là à faire campagne pour faire condamner Simson, il y a de la marge.
Souviens-toi (ou consulte tes archives si tu es trop jeune), dans les années 70 les Maos et Libération (première formule maoiste) faisaient campagne pour faire condamner un notaire de Bruay en Artois qui s'est avéré ensuite, semble-t-il, innocent. Ce n'est pas notre role de nous mêler d'histoires de ce genre.

2) Cette réflexion n'est pas correcte. Ce que j'ai dit, c'est que le viol est un problème de société que la répression policière est insuffisante à faire reculer. On ne peut pas quadriller les quartiers de flics pour protéger les femmes - d'autant que les flics commettent très souvent des viols contre les femmes en situation de faiblesse : prostituées, droguées, petites délinquantes surprises en flagrant délit, voire simples passantes, militantes dans les périodes d'affrontements sociaux. On ne va pas faire raccompagner chez elles les femmes policières comme le proposait Ségolène Royal, qui n'a pas le sens du ridicule.
Ensuite, porter plainte contre un violeur ? Je n'ai jamais dit que j'étais contre. J'ai dit que, soit le violeur est identifié, dans ce cas un quadrillage de police de proximité ne sert à rien ; soit le violeur n'est pas identifié, et dans ce cas c'est des spécialistes de police criminelle qui sont nécessaires, pas des flics de proximité.
Alors, meme si nous ne sommes pas d'accord, ne déforme pas mes propos.

3) Je n'ai jamais dit non plus que je suis contre tout recours à la justice. Par exemple, j'ai participé au Comité Justice pour Abdel Ben Yaya, à la Courneuve, dont la mobilisation a permis de faire condamner un flic assassin à sept ans de prison.

Dans le cas de Cantat, je n'ai pas dit non plus qu'il ne fallait pas porter plainte contre lui. (De toute façon, c'est la famille de la victime qui a porté plainte, pas nous.)Je l'élève seulement contre cette surenchère répressive qui consiste à s'indigner qu'il n'ait fait QUE 4 ans de taule.
Vérié
 
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Message par gerard_wegan » 16 Oct 2007, 12:46

Ce à quoi ta position ne répond pas, Gaby, c'est au fait que (indépendamment d'ailleurs d'une discussion plus générale sur la prison) l'emprisonnement ou l'enfermement ne servent absolument à rien dans un cas comme celui de Cantat ou de toutes ces violences qui n'ont ni motif crapuleux ni raison pathologique.

On peut toujours dire qu'un Etat (tant qu'il est nécessaire) voulant vraiment lutter contre les violences sexistes devrait combiner plus de prévention et l'usage de la répression... mais c'est là que la discussion commence, gauchisme qui "interdit de concevoir toute violence d'Etat" mis à part : quelle forme de répression ? avec quel objectif ? Ce n'est pas seulement une question de "prisons où on ne dort pas dans sa merde" ! La répression de toutes sortes de comportements dans la société ne passe pas forcément par le fait d'enfermer des gens, même dans des conditions plus décentes que celles qui règnent aujourd'hui dans les prisons.

Plus généralement, je suis en gros d'accord avec Vérié pour dire que "la société doit se protéger et non punir et se venger", même si je dirais plutôt que la société doit se protéger et non punir pour se venger. Et en tout cas pas pour faire croire démagogiquement (ce qui est une tendance bien actuelle -- voir les lois sur les peines planchers pour les récidivistes) que les victimes sont mieux vengées quand les coupables sont plus châtiés.
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Message par jeug » 16 Oct 2007, 12:54

On n'est pas absolument pour que ce type fasse plus que les 4 ans déjà passés en tôle. On s'en fout bien, d'ailleurs.
On s'élève contre cette échelle de valeurs de notre société selon laquelle la vie d'une femme battue de vaut pas plus.
jeug
 
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Message par Vérié » 16 Oct 2007, 13:01

(jeug @ mardi 16 octobre 2007 à 13:54 a écrit : On n'est pas absolument pour que ce type fasse plus que les 4 ans déjà passés en tôle. On s'en fout bien, d'ailleurs.
On s'élève contre cette échelle de valeurs de notre société selon laquelle la vie d'une femme battue de vaut pas plus.
Dit de cette façon, nous pourrions etre d'accord. Mais 8 ans, dont 4 passés en tole, ce n'est pas un tarif de faveur. A quelle autre condamnation comparer celle-ci ?

Evidemment, si on la compare à celle du SDF qui a pris quatre ans pour récidive de vol à la roulotte, c'est peu. Mais, à mon avis, c'est la peine du SDF qui est scandaleuse.

De plus, au delà des moyens des accusés pour se défendre, la "justice" reste une loterie. Voyez le cas d'Agnelet, qui ne manque pas de fric, relaxé en première instance et condamné à 20 ans en appel... sans la moindre preuve.
Vérié
 
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Message par jeug » 16 Oct 2007, 13:22

C'est bien, de vouloir élever le débât, mais encore une fois, ça n'est pas la question qui importe ici.
Moi, ce qui m'interpelle, c'est la révolte de celles (ou ceux) qui trouvent que, même dans le cadre d'un meurtre de droit commun, passé "en famille", il y a 2 poids 2 mesures, parce que les types qui battent leur femme, c'est courant, que l'alcool c'est banal et pas interdit, ni même réprouvé, que finalement, il a plutôt l'air d'un brave type, que ça serait injuste qu'il paie pour les autres, etc.
Donc, je comprends cette colère et par rapport à d'autre, c'est vrai qu'il a de la chance de s'en tirer comme ça.
jeug
 
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Message par Synistal » 16 Oct 2007, 13:35

l'emprisonnement ou l'enfermement ne servent absolument à rien dans un cas comme celui de Cantat ou de toutes ces violences qui n'ont ni motif crapuleux ni raison pathologique => Quel était son motif alors ? A-t-il frappé sa compagne dans de bonnes intentions ?
Le fait qu'ils étaient tous deux drogués à mort excuse-t-il son geste ? (ou ayant abusé de l'alcool, qu'importe. Il n'en revient qu'à nous-même de nous contrôler, et l'on doit consommer avec modération surtout lorsqu'on sent que l'humeur n'est pas à la fête, et qu'on risque de s'en prendre à ceux qui nous sont chers. Comportement à bannir.)

Bien évidemment, dans l'absolu, la prison n'est peut-être pas la meilleure solution, mais dans la société actuelle, où la prison existe bel et bien, que voulez-vous faire d'autre d'un homme qui tue sa compagne ?

Un crime passionel, le terme est bien arrangeant, je trouve.
Il a attendu toute la nuit avec le corps de sa compagne, maculé de sang, le visage bleui par les coups, il a patiemment attendu le matin 8h pour attendre les secours. Elle n'aura pas eu la force d'attendre autant.
Je considère ça comme un meurtre, au même titre que s'il l'avait déjà envisagé.

Et s'il ne doit pas être avantagé parce qu'il est connu, dans sa peine, alors il devrait même être strictement puni, sans que la loi ne sourcille.
Comment sinon éviter la banalisation de ces scènes de ménage si violentes ?
Ne peut-on plus communiquer simplement ?
( De plus, risquait-il d'avoir droit à une faveur lorsque celle qu'il a tué était bien aussi connue que lui ? )

Peut-être que l'hôpital psychiatrique (ou cure de désyntoxication) aurait été plus adapté à son sort, mais soit, s'il n'y a que la prison de disponible, c'est déjà ça.^
Peut-être aussi que la loi de l'exemple n'est pas la meilleure. Mais même si elle était à dénoncer lorsqu'il s'agissait de peine de mort ; pour la prison, est-ce réellement pareil ?

Je n'ai pas d'autre solution à proposer. Mais il est normal que ce type ne s'en sorte pas avec rien.
Et, tuer une femme de 41 ans, qui en avait encore plus de 40 certainement devant elle, à mon avis, ne méritent pas que 4 ans de réflexion dans un endroit plutôt "calme" où il ne pourra plus faire de mal à personne.
Pour avoir ôté la vie de quelqu'un de si jeune, la punition devrait être tout autre. Plus morale sans doute que physique.
Mais pour ça, je ne sais vraiment pas ce qu'il faudrait faire.
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Message par gerard_wegan » 16 Oct 2007, 13:40

(jeug @ mardi 16 octobre 2007 à 13:54 a écrit :On s'élève contre cette échelle de valeurs de notre société selon laquelle la vie d'une femme battue de vaut pas plus.

C'est le fond de ce raisonnement avec lequel je suis en désaccord. Ca implique une réflexion plus générale sur la justice et le rôle des peines, sur les buts mêmes et les moyens de la répression.

Si on part de la question "combien vaut la vie d'une femme battue ?", on va assurément droit dans le mur. Car à ce compte-là, il n'y a pas d'"échelle de valeurs" qui tienne : une vie (de femme battue ou de quiconque d'ailleurs) vaut une vie -- point final. C'est le retour à la loi du talion ou, pour dire les choses crûment dans le cas d'espèce, le retour à la peine de mort.

Que l'on vise à ce disparaissent certains comportements, comme les violences sexistes notamment, ok. Que cela passe par une répression de ces comportements lorsqu'ils surviennent, sans doute. Mais cela ne nous dit rien, ni sur les moyens à mettre en oeuvre pour les réprimer et tenter de les faire disparaitre, ni sur l'échelle des peines en fonction du caractère et/ou des conséquences effectives de ces comportements. On peut espérer que la prévention et, dans l'avenir, une conscience sociale plus élevée auront un caractère dissuasif, mais aucune société n'évitera tout écart individuel... et je pense qu'on ne pourra jamais y répondre en partant de questions telles que "combien vaut la vie d'une femme battue ?"
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