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[center]Supprimer les mauvais souvenirs[/center]
LE MONDE | 22.09.07 |
Le patient est confortablement allongé sur un canapé. "Vous allez maintenant vous rappeler aussi précisément que possible les circonstances de cet accident, explique le psychiatre. En particulier les moments les plus pénibles. Quand vous serez prêt, faites-moi juste un signe de la main et j'injecterai le Memerase..." La scène pourrait se dérouler à peu près ainsi, dans quelques années, si les recherches actuelles sur l'effacement de la mémoire tiennent leurs promesses.
Valérie Doyère, chargée de recherche au laboratoire de neurobiologie de l'apprentissage, de la mémoire et de la communication du CNRS et de l'université Paris-Sud, en collaboration avec Joseph Ledoux à l'université de New York, vient de franchir un pas significatif dans cette direction. Les travaux de son équipe, publiés dans la revue Nature Neuroscience, démontrent qu'il est possible d'effacer un souvenir précis dans la mémoire d'un rat. Pour cela, les chercheurs ont associé deux sons différents à une douleur provoquée par une décharge électrique. Ce qui conduit le rat à avoir peur dès qu'il entend l'un ou l'autre des sons. L'équipe a ensuite injecté une drogue dans l'amygdale de l'animal, une région du cerveau impliquée dans la mémoire émotionnelle, juste après l'émission de l'un des deux sons. Le résultat est pour le moins spectaculaire puisque ce traitement efface la mémoire du rat de façon très sélective. L'un des sons continue à provoquer la même peur. L'autre n'a plus aucun effet sur l'animal.
"Nous exploitons la plasticité du cerveau et le fait que la remémoration s'accompagne d'une fragilisation du souvenir", explique Valérie Doyère. En effet, lorsque le rat entend un son associé à une douleur, la réactivation de ce souvenir impose un processus de réenregistrement, qui permet de le réinscrire dans la mémoire à long terme. C'est ce réenregistrement que bloque la drogue injectée. Les mesures réalisées par les chercheurs montrent que trois heures après l'injection, les deux sons sont encore associés à la douleur. Mais vingt-quatre heures plus tard, il n'en reste plus qu'un.
Une telle expérience ouvre de vastes perspectives en matière de compréhension du fonctionnement de la mémoire. "Pour l'instant, nous nous sommes intéressés à deux régions du cerveau, l'amygdale et le thalamus auditif", note Valérie Doyère qui estime que le mécanisme de "remise à zéro" mis en évidence pourrait servir à effacer de mauvais souvenirs précis liés à différents traumatismes. "Avec cette approche, les effets bénéfiques pourraient être plus durables qu'avec les psychothérapies actuelles", précise-t-elle.
Néanmoins, le chemin à parcourir avant d'appliquer cette méthode à l'homme apparaît encore bien long et Valérie Doyère évite de s'engager sur un délai. Les psychanalystes ont donc encore quelques années devant eux.
Michel Alberganti
j'en profite pour faire à nouveau de la pub pour l'excellentissime et tres pédagogique "neurobiologie de la personnalité" de joseph ledoux aux éditions odile jacob.
Ledoux dirige un centre de recherche mondialement connu sur la peur et l'anxiété à new-york.
sur le site web de son labo, vous pouvez suivre ses recherches et télécharger ses travaux ICI