a écrit :Le 24 janvier 2008
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Un microscope électronique à la résolution record ![/center]
Par Jean-Luc Goudet - Futura-Sciences
Un demi-angström de résolution ! Ce record mondial a été obtenu avec un microscope électronique à transmission assez classique mais doté de plusieurs perfectionnements, dont un système de correction de l'aberration sphérique.
Des atomes d'or apparaissant comme autant de petits points nettement séparés les uns des autres : l'image remarquable démontre incontestablement la performance du Team 0.5, dont la résolution atteint un demi-angström (0,5 x 10-10 mètre). Ce microscope électronique à transmission a été mis au point au National Center for Electron Microscopy (NCEM) du Lawrence Berkeley National Laboratory. L'engin n'est encore qu'un prototype mais il sera tout de même utilisable par des chercheurs au mois d'octobre prochain et la version suivante, Team 1, sera mise en service en 2009.
Comme tout microscope électronique à transmission (MET, ou, à l'anglaise, TEM, préférable pour éviter la confusion avec le microscope à effet tunnel, à l'acronyme identique), le Team 0.5 utilise un faisceau d'électrons focalisé sur l'échantillon, qu'il traverse. Des électro-aimants assurent ensuite le grossissement. Le principe est similaire à celui d'un microscope optique classique, les électro-aimants jouant le rôle des lentilles.
L'équipe du Team Project (qui s'appuie sur trois laboratoires et deux sociétés privées) a ajouté plusieurs améliorations, dont des circuits électroniques aux signaux rigoureusement stabilisés et une source d'électrons puissante. Mais le secret réside surtout dans une correction de l'aberration sphérique, un défaut connu aussi en optique, qui transforme l'image d'un point en un petit disque. Il impose une limite à la résolution, c'est-à-dire la capacité à distinguer deux points très proches.
Deux massifs d'or, à gauche et à droite, sont réunis par un ensemble d'atomes d'or régulièrement disposés, que l'on distingue individuellement. L'espacement entre eux est de 2,3 angströms © Berkeley LabCette aberration sphérique est corrigée par un circuit électronique, de manière active, en modifiant suffisamment rapidement la focalisation du faisceau quand le défaut est détecté. Le principe évoque celui (complètement différent) de l'optique adaptative des grands télescopes, qui déforment en permanence leur miroir pour compenser l'effet des turbulences de l'atmosphère.
« La correction de l'aberration sphérique dans un microscope électronique est longtemps restée une possibilité théorique, explique Uli Dahmen, membre de l'équipe. Elle n'a pu devenir réalisable que récemment grâce à des circuits électroniques plus stables et des ordinateurs rapides permettant un ajustement continu en temps réel. » Des dispositifs de correction existent déjà et sont même commercialisés mais celui équipant le Team 0.5 se révèle bien plus efficace.
Il améliore également le contraste et le rapport signal-bruit, ce qui permet de réduire la puissance du faisceau d'électrons, un avantage intéressant en microscopie électronique. En effet, pour augmenter la résolution (donc le grossissement final), l'observateur doit pousser la puissance (exprimée en kilovolts, indiquant la tension appliquée aux bornes du filament émettant les électrons). Si l'échantillon est fragile, ce déluge électronique a alors tendance à le déformer voire le détruire. Combien de biologistes utilisateurs de TEM ont ainsi vu sous leurs yeux se déchirer la délicate coupe de résine dans laquelle était inclus leur précieux matériel... « Un faisceau électronique de faible énergie a une grande longueur d'onde, explique Uli Dahmen. Il est donc plus difficile à focaliser. La correction de l'aberration sphérique permet une résolution inférieure à l'angström avec un excellent contraste, même à 80 kilovolts. » Les gros utilisateurs de TEM sauront apprécier...
Bientôt la troisième dimension La correction d'aberration du Team 0,5 a également été testée dans un autre mode d'utilisation de la microscopie électronique à transmission, dans lequel l'échantillon n'est pas soumis à un large faisceau mais balayé par un faisceau étroit. On parle de microscopie électronique à balayage à transmission, ou Stem (scanning transmission electron microscopy), à ne pas confondre avec la microscopie électronique à balayage.
L'équipe du Team 0.5 veut maintenant aborder la troisième dimension, une possibilité connue des TEM. L'échantillon pivote légèrement de sorte que l'angle d'observation se modifie. La succession d'images obtenue permet ensuite la reconstitution d'une vue en 3-D. Avec une résolution d'un demi-angström, il deviendrait possible de voir pour la première fois un atome. Uli Dahmen devient enthousiaste : « Cela nous amène tout prêt de réaliser le défi lancé par le fameux physicien Richard Feynman en 1959 : analyser n'importe quelle substance chimique simplement en la regardant. »
Un autre objectif, qui devrait devenir réalité dans le Team 1, est de corriger également l'aberration chromatique, un défaut auquel est sensible un microscope électronique, bien qu'il ne montre pas les couleurs. Cette aberration vient d'une réfraction différente du faisceau selon sa longueur d'onde. Jamais réalisée sur un MET, cette fonction nouvelle « augmenterait la hauteur du microscope de 60 centimètres ». L'engin mesurant déjà plus de deux mètres, il est clair que le Team 1 ne sera pas un microscope de poche...
Le team 0.5 est encore un prototype plutôt encombrant... © Roy Kaltschmidt/Berkeley Lab CSO