Un texte intéressant

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Vérié » 23 Avr 2008, 19:40

(El convidado de piedra @ mercredi 23 avril 2008 à 19:45 a écrit :
Personne l'a dit, mais la lecture de "Le renegat Kautsky" serait du plus grand bien, vu  que Kautsky utilise les memes arguments quand il avance que les bolsheviques qui avaient perdu les élections à la Constituante n'avaient pas le droit de s'intituler "le parti de la classe ouvrière" vu qu'ils en avaient perdu la majorité.
(...)

En les années 1923 déjà je ne sais pas si la "populairité" des bolsheviques était très grande après la famine, la guerre  civile et les nécessaires repressions de la contre-révolution...


La dissolution de la constituante, c'est en pleine ascension de la révolution, en novembre 17. Il y avait des Soviets et des comités d'usine, et Lénine a estimé en effet que le parti bolchevik avait la majorité dans les soviets, qui constituaient le socle de l'Etat ouvrier en formation.

Ensuite, comme je l'ai déjà écrit, le parti bolchevik a en effet exercé le pouvoir au nom du prolétariat, et parfois contre une partie des prolétaires, oui. Que pouvait-il faire ? Rendre le pouvoir aux gardes blancs ? Mais c'était une situation sans issue qui a abouti au stalinisme...

On ne peut faire aucun parralèle avec la situation en Chine en 1950 ou en 1967, où jamais le prolétariat ne s'est organisé en tant que classe.

Je ne vais pas développer davantage, car je crois que les arguments essentiels ont été développés. Les lecteurs qui ne sont pas déjà convaincu par une analyse pourront réfléchir...

Juste sur un point précis :

LA COMMUNE DE SHANGHAI
Un bref rappel historique. Après avoir réussi à controler Pékin avec l'armée et les gardes rouges, Mao s'est attaqué à Shanghai. Les partisans de Mao regroupés dans un comité révolutionnaire se sont attaqués à divers journaux, au maire de la ville etc. Le maire de la ville a organisé son comité révolutionnaire concurrent, en s'appuyant notamment sur les syndicats qui ont entrainé une partie des ouvriers.
Il y a eu des affrontements sanglants entre gardes rouges et ouvriers.

Comme les gardes rouges n'avaient pas le dessus, l'armée est intervenu à leur rescousse et c'est elle qui a emporté la décision. On est très loin de la Commune de Paris, qui a été mis en avant à l'époque par les maoistes pour justifier la politique de Mao en "langage marxiste".

A la suite de l'intervention de l'armée, un comité révolutionnaire tripartite a été formé, qui comprenait les militaires, les "bons cadres" du parti (c'est à dire la fraction des bureaucrates locaux qui avaient soutenu Mao ou on eu l'habileté de se rallier à temps) et les Gardes rouges (censés représenter le Peuple) : officiellement l'alliance Armée-Parti-Peuple.)

On voit immédiatement que la nature de pouvoir n'a rien à voir avec celui de la Commune de Paris. Très rapidement d'ailleurs, le comité révolutionnaire a été dissous pour etre remplacé par un autre plus modéré. Et Mao a décrété qu'il fallait arreter les frais. Ceux qui avaient pris au sérieux cette prétendu GRCP - une partie des gardes rouges et de ceux qui les avaient suivi - ont été très violemment remis au pas par l'armée : exécutions, déportations etc.

Pendant ces affrontements, il semble qu'une partie de la classe ouvrière ait suivi les syndicats qui soutenaient le maire local. Les Maosites ont affirmé qu'il s'agissait de l'aristocratie ouvrière, alors que les manoeuvres, précaires etc auraient soutenu les gardes rouges. Ces affirmations shématiques sont très difficiles à vérifier. Mais, dans ses mémoires, un garde rouge raconte comment son groupe est parti à l'assaut d'un local syndical, a été repoussé par les ouvriers qui s'étaient barricadés et n'a échappé au lynchage par les ouvriers que grace à l'arrivée opportune de l'armée...

On est encore une fois très loin de la mythologie maoiste, qui fut complaisamment diffusée avec l'aide de toutes sortes de journalistes occidentaux ignorants.

Cela-dit, quand on a affaire à un croyant. Discuter de la GRCP avec Convivio, c'est un peu comme discuter du dogme de l'immaculée conception avec un catho intégriste. :roll:
Vérié
 
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Message par Zappa » 23 Avr 2008, 23:33

"Moins encore étudier et/ou analyser les documents de l'époque...tout cela est bon pour les "croyants", nous on s'en méfie (ça vient des "staliniens"... vous imaginez!) on prefère les documents sérieux...des ennemis du communisme."

Tu me fais rire. Dégénérescence de la révolution russe, trahison de la révolution chinoise de 1925-27, politique catastrophique qui a laissé le champ libre à Hitler en Allemagne, trahison de la révolution espagnole de 1936, puis dans les pays du Tiers monde soutien inconditionnel aux directions nationalistes lors des mouvements de décolonisation. Rajoutez à cela des millions de morts dans les goulags, des Trotskystes persécutés aux 4 coins du monde : peu de gouvernements bourgeois peuvent se vanter d'avoir un si beau palmarès. Alors quand tu laisses entendre ( ou peut-être as tu tourné ta phrase de manière malheureuse) que les staliniens ne sont pas les ennemis du communisme :headonwall:
Bien sur il faut dissocier les militants communistes sincères de leurs directions. Mais pour ceux qui ont sciemment conduit le mouvement ouvrier dans des impasses ensanglantées : :rocketwhore:
Mieux vaut avoir de vrais ennemis que des faux amis.
Zappa
 
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Message par Puig Antich » 24 Avr 2008, 09:56

Lisez "Les années rouges", les mémoires d'un garde rouge, c'est assez intéressant et permet de nuancer un peu que disent les uns et les autres (les uns résumant les affrontements à une simple lutte entre deux fractions de la bureaucratie d'Etat, les autres se fondant sur la simple mythologie maoïste).

On y voit en tout cas que Mao change régulièrement de ligne, condamnant un jour les actions qu'il avait encouragé la veille, etc.
Puig Antich
 
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Message par Vérié » 24 Avr 2008, 11:44

(Puig Antich @ jeudi 24 avril 2008 à 10:56 a écrit : Lisez "Les années rouges", les mémoires d'un garde rouge, c'est assez intéressant et permet de nuancer un peu que disent les uns et les autres (les uns résumant les affrontements à une simple lutte entre deux fractions de la bureaucratie d'Etat, les autres se fondant sur la simple mythologie maoïste).

On y voit en tout cas que Mao change régulièrement de ligne, condamnant un jour les actions qu'il avait encouragé la veille, etc.
Le problème n'est pas de "nuancer", de "faire une "moyenne" entre "les déclaration des uns et des autres". Le problème, c'est d'essayer de dégager les lignes essentielles de ces événements, de comprendre dans le cadre de quel Etat, de quels rapports sociaux ils se sont produits, quelles forces sociales ils ont mis en oeuvre.

- La thèse maoiste est que la révolution culturelle serait une "révolution anti-bureaucratie" visant à donner le pouvoir au peuple, à éliminer du parti et de l'appareil d'Etat les bureaucrates corrompus, les partisans du retour au capitalisme, dont le principal représentant était le fameux Liu Shao Shi, Président de la république.

-A l'époque, divers autres courants non maoistes, trotskystes y compris, y ont vu eux aussi une tentative de révolution anti-bureaucratique. Certains ont cependant mis davantage l'accent sur les réglements de comptes au sein d ela bureaucratie.

-LO a été une des rares organisations a souligner l'aspect essentiel, à savoir que ce mouvement était entièrement encadré par l'armée et qu'il s'est heurté au prolétariat.

Il faut bien comprendre qu'à l'époque, contrairement à ce que semble penser l'ami Conviado, la pressse bourgeoise "de gauche" ou modérée était dans l'ensemble très favorable à la révolution culturelle et en donnait souvent une représentation fantasmagorique. Cf certains reportages du Monde sur des Communes populaires autogérées de façon idyllique... par des comédiens et figurants payés pour vendre cette image à la presse occidentale. Les journalistes en question ne parlaient pas un mot de chinois pour la plupart et ne se déplaçaient que dans les endroits prévus par leurs guides, selon des techniques éprouvées.

Cette sympathie pour la révolution culturelle était partagée par nombre de "grands" universitaires et intellos en renom (Du genre Macchiocci en Italie (aujourd'hui hyper réac) ou Bettheilem en France (qui fut conseiller économique de Nasser !). Tous ces gens pondaient de longues tartoches admiratives dans la presse.

Dans ce contexte, LO n'a eu que plus de mérite à ne pas céder à la mode. Toutefois, je pense que LO s'est trompée en ne voyant que l'aspect répressif contre la classe ouvrière et en niant la bagarre entre Mao et ses concurrents. Mais on disposait de peu d'infos fiables à l'époque. Simon Leys n'a publié ses ouvrages que plus tard, dans les années 70.

En gros, à mon avis et à la lumière des documents dont nous dispossons maintenant :
-A la suite des erreurs catastrophiques du Grand bond en avant (loué à longueur de reportages dans l'Huma...), Mao s'est trouvé écarté de la direction du parti, relégué à une place honorifique.
- Mao a alors manoeuvré habilement pour placer ses fidèles dans l'armée, en particulier Lin Piao son "fidèle compagnon d'armes"... qui devait le trahir ensuite et disparaitre dans un accident d'avion.
-Lin Piao a constitué dans l'armée des groupes d'élites sur lesquels il pouvait compter. Car l'armée dans son ensemble n'était pas fiable, elle était sujette à des tendances centrifuges (comme c'est toujours le cas aujourd'hui), chaque chef militaire de province, chaque gouverneur tendant à devenir un satrape local et jouant ses propres cartes.
-Quand Mao et Lin Piao ont été certains de disposer de troupes fidèles, ils ont lancé la GRCP qui a commencé par un appel publié dans le Quotidien de l'armée.
L'armée a alors fourni toute la logistique (transport, nourriture, hébergement etc) aux gardes rouges qui, venus parfois de lointaines provinces, ont envahi les grandes villes.
-Ces gardes rouges ont reçu des listes de bureaucrates à déloger, humilier etc (les listes de la "bande noire". Tout était prêt à leur arrivée. Mais Mao a eu l'habileté de laisser les gardes rouges se mettre en avant pour ne pas donner l'impression qu'il s'agissait d'un coup d'Etat militaire. Ce qui se serait produit si l'armée avait été elle-meme arrêter les rivaux de Mao.
-Les mouvements ouvriers et les affrontements ne se sont produits qu'ensuite. Ce qui permet de penser que, contrairement à la thèse de LO 1967, la mise au pas de la classe ouvrière n'était pas l'objectif initial.
-La situation a été très confuse. Dans certains cas, les autorités locales ont tenté de mobiliser les ouvriers pour se défendre contre les gardes rouges. Dans d'autres cas, les gardes rouges ont réussi eux-memes à entrainer des ouvriers etc. Et on peut penser que, dans certains cas, des ouvriers ont profité aussi de la situation pour essayer de faire valoir leurs revendications.
- Comme on peut s'en douter, le dernier mot est resté... à l'armée, avec les fameux comités tripartites. Et ça été la course pour se rallier, se recaser etc Comme toujours au détriment des éléments qui avaient pris la GRCP au sérieux, s'étaient mis trop en avant, avaient été plus loin que Mao ne l'estimait nécessaire etc.
-Comment les gardes rouges ont-ils eux-memes vécu cette aventure ? Il y a tous les cas de figure, depuis ceux qui suivi docilement les consignes officielles à ceux qui se sont pris pour de vrais révolutionnaires et l'ont payé souvent assez cher.
Vérié
 
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