coton GM au Burkina-Faso

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par canardos » 24 Juin 2008, 15:18

a écrit :

[center]Au Burkina Faso, la culture de coton génétiquement modifié suscite la polémique[/center]

LE MONDE | 24.06.08 |
BOBO DIOULASSO ENVOYÉE SPÉCIALE


Casimir Zoungrana est un cultivateur de coton à l'affût de toutes les innovations. Sur ses quelques hectares de terre, il cultivera dès que possible à la fois du coton biologique et du coton transgénique. Il ne voit là aucune contradiction. Le coton bio et équitable, c'est la garantie d'un prix de vente beaucoup plus élevé que la normale. Le coton OGM, c'est l'espoir d'augmenter les rendements et les marges, de sortir la tête de l'eau après plusieurs années de chute des cours mondiaux.

Les premières pluies arrivent, les semis de coton viennent tout juste de commencer au Burkina Faso, deuxième pays producteur d'Afrique derrière l'Egypte. Pour la première fois en 2008, 15 000 hectares de coton OGM seront semés. M. Zoungrana est l'un des vice-présidents de l'Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB), située à Bobo Dioulasso, en plein coeur de la zone cotonnière. Il attend beaucoup du coton OGM.

Un gène issu de la bactérie Bacillus thuringiensis (Bt), incorporé dans le génome du coton, lui permet de produire une protéine insecticide ciblant les ravageurs. Selon les recherches menées par l'Institut de l'environnement et de la recherche agricole (Inera), le coton Bt permettra d'augmenter les rendements de 30 %, et de ramener le nombre de traitements insecticides de six à deux.

Pour M. Zoungrana, cela signifie concrètement "moins de temps de travail et d'énergie dépensée pour les traitements". Et moins de contacts avec les pesticides. "Ils tuent les insectes utiles et les animaux domestiques, ils contaminent les mares, ils sont dangereux pour la santé, énumère le cultivateur. Ici, les gens traitent sans aucune protection. Je me suis déjà trouvé mal en le faisant." Utiliser ces semences, c'est aussi tenter de lutter à armes égales avec les grands producteurs mondiaux.

Annoncée en 2003 par le gouvernement, préparée par une loi sur la biosécurité, l'arrivée des OGM a lieu dans un climat tendu. Le sujet est d'autant plus brûlant que le coton fait vivre 20 % de la population, rapporte 60 % des recettes d'exportation, et représente un quart du PIB burkinabé. Un collectif anti-OGM, la Coalition des organisations de la société civile pour la protection du patrimoine génétique africain (Copagen), a organisé en février une caravane dans les zones cotonnières, afin de "sensibiliser" les paysans. "Nous ne sommes pas José Bové, il n'y a pas de violence, prévient René Millago, coordinateur de la Copagen. Nous voulons simplement qu'il y ait un véritable débat."

"Nos cotonculteurs ont des difficultés, on leur dit que leurs rendements ne sont pas assez élevés, et on leur présente les OGM comme une solution miracle, affirme M. Millago. Il faut plus de recul. Ils sont introduits sans même que les paysans, dont la plupart sont analphabètes, sachent de quoi il s'agit." Pour le militant, le principal handicap du coton burkinabé, c'est son coût, trop élevé par rapport aux cotons subventionnés venus des Etats-Unis et d'Europe, et plombé par la parité entre l'euro et le franc CFA. "Les OGM ne vont pas résoudre ça", lance-t-il.

Tout a été fait pour éviter la dépendance des paysans vis-à-vis de Monsanto, affirme Gnissa Konate, le directeur de l'Inera. La firme américaine a introduit le gène Bt dans des variétés locales. "L'Etat est copropriétaire, avec Monsanto, des variétés génétiquement modifiées, explique le chercheur. Nous discutons d'égal à égal. Le prix de la semence et la répartition de la valeur ajoutée entre nous et eux seront fixés d'un commun accord."

Ces chiffres restent encore secrets. Or le montant de la redevance payée par les agriculteurs est un élément clé. Autre inconnue, les performances des variétés OGM en conditions réelles. Des recherches menées par le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) en Afrique du Sud ont montré une grande variabilité des résultats selon les années et les producteurs. Athanase Yara, chef du service agronomie de l'UNPCB, écarte ces doutes : "Les paysans savent tenir un compte d'exploitation, si les OGM ne leur rapportent rien, ils arrêteront." Pour lui, la production bio ne sauvera pas tous les producteurs du pays. "C'est très difficile, cela demande beaucoup de main-d'oeuvre et d'engrais organique issu de l'élevage, explique M. Yara. C'est le principal facteur limitant." Et le coton biologique reste, pour l'instant, un marché de niche.

Les règles d'étiquetage des produits et de coexistence entre les filières ne sont pas fixées. Selon M. Konate, des distances d'isolement de 15 mètres entre les champs rendront "négligeables" les traces d'OGM dans les cultures conventionnelles, entre 0 et 0,4 %. Pour les opposants, il s'agit d'une pollution, et les filières biologiques et OGM ne pourront pas cohabiter sur un même territoire.

L'impact sanitaire des OGM pose question : l'huile de coton est la première consommée dans le pays. Là encore, selon le professeur Konate, rien n'a été décidé à la légère : "En l'état actuel de nos connaissances, la probabilité pour que la toxine Bt provoque des dommages à l'intestin humain est extrêmement faible." Pour M. Zoungrana, les Américains ont ouvert la voie. "Les OGM ont commencé en Occident, et les Occidentaux n'en sont pas morts", lance-t-il.



Gaëlle Dupont

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Repères

Les pays producteurs. La Chine, les Etats-Unis, l'Inde et le Pakistan produisent les deux tiers des volumes mondiaux de coton, qu'il soit conventionnel ou transgénique.



Coton OGM. 43 % de la production mondiale est issue de plantes génétiquement modifiées, soit 15 millions d'hectares. Les Etats-Unis et la Chine en sont les principaux utilisateurs. L'Inde, l'Afrique du Sud, l'Australie, l'Argentine, le Mexique et la Colombie en cultivent également. Le coton transgénique représentait 13 % de l'ensemble des OGM cultivés sur la planète en 2007.

canardos
 
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Message par Nadia » 24 Juin 2008, 17:34

Il est quand même prudent, ce cultivateur, il ne met pas tous ses œufs dans le même panier.

Polémique il y a, parce que ce n'est pas si net.

Je viens de trouver un article récent, qui me semble intéressant :
http://www.cadtm.org/spip.php?article3458

Notamment à ce sujet :
a écrit :OGM : Officiels garantis manipulables…
Un autre angle d’attaque des multinationales du Nord concerne les organismes génétiquement modifiés (OGM) |25|. Depuis plusieurs années, le secteur des biotechnologies tente de promouvoir ses produits sur le continent africain. On connaît l’enjeu colossal des OGM, qui permettent à la société détentrice du brevet de revendre chaque année aux paysans les semences de la plante ainsi que les pesticides et herbicides chimiques auxquels elle résiste. La plante devient alors une éponge à produits chimiques nocifs, et le paysan n’a pas le droit de replanter des graines issues de la récolte précédente, seule la société qui a fait breveter l’OGM en question peut les lui fournir. Les agriculteurs et les consommateurs ne sont pas favorables à ce procédé qui soumet les uns à la rapacité des multinationales et expose les autres à des risques sanitaires qui ont été très insuffisamment étudiés. Mais les profits espérés sont tels pour le secteur des biotechnologies, la multinationale états-unienne Monsanto en tête, qu’il cherche à les introduire dans toutes les régions possibles. Une fois plantés, les OGM peuvent se répandre à des dizaines de kilomètres alentour et contaminer des plantes saines, empêchant par exemple toute agriculture biologique dans les environs. Une vraie traînée de poudre… En 2004, le soja, le maïs, le coton sont les plantes les plus concernées par les manipulations génétiques, et des pays comme les États-Unis, le Canada, l’Argentine, la Chine (à un degré moindre le Brésil et l’Afrique du Sud) en sont devenus de grands producteurs. L’Union européenne a résisté, mais est sur le point de plier prochainement. L’offensive a eu lieu également en Afrique.

En 2002, suite à une période de famine en Afrique australe, les États-Unis ont proposé, via le Programme alimentaire mondial (PAM), une aide à six pays sous forme de maïs génétiquement modifié. Ils ont délibérément choisi un moment où ces pays étaient en position de faiblesse pour frapper fort. Le Swaziland, le Lesotho et le Malawi ont accepté ; le Mozambique et le Zimbabwe ont demandé de recevoir le maïs sous forme de farine pour qu’il soit impossible de le planter. Un seul pays a eu le courage de dire absolument non : la Zambie. Son président, Levy Mwanawasa, a choisi d’affirmer : « Nous préférons mourir de faim que de consommer quelque chose de toxique |26| ». Sa fermeté a payé puisqu’il a pu recevoir du maïs non-OGM ! Derrière l’argument sanitaire, il y avait aussi la volonté pour lui de rester présent sur le marché européen où un moratoire sur les OGM existait. Cette année-là également, le Bénin a décidé un moratoire de 5 ans sur les OGM. Pendant ce temps, Monsanto se permettait de financer des juristes africains pour qu’ils préparent des lois favorables aux OGM… Chacun fourbit ses armes pour le combat qui s’annonce.

En avril 2004, le Soudan, à son tour, a refusé l’aide alimentaire des États-Unis à cause de la présence d’OGM, et l’Angola a posé comme condition que les céréales soient moulues avant leur entrée, suscitant la colère des responsables du PAM. Le mois suivant, la Zambie réitérait son refus, arguant que les promoteurs des OGM devaient démontrer leur innocuité, ce qu’ils n’avaient pas fait. Mais le Nigeria a accepté de se lancer dans un projet biotechnologique, avec l’aide d’un prêt de 2,1 millions de dollars de la part des États-Unis |27|.

Les États-Unis ont alors repris leur offensive avec un nouvel allié sur le continent africain : le Burkina Faso |28|. Depuis 2003, Monsanto et la firme suisse Syngenta mènent des expériences de coton transgénique dans le pays dirigé par Blaise Compaoré. En juin 2004, les États-Unis ont organisé à Ouagadougou une « Conférence ministérielle inter-africaine sur l’exploitation de la science et de la technologie pour accroître la productivité agricole en Afrique », regroupant quinze pays d’Afrique de l’Ouest afin de les convaincre. Même s’ils se sont montrés prudents, les chefs d’États malien, ghanéen et nigérien se sont déclarés favorables aux OGM. Malgré des oppositions résolues au sein des mouvements sociaux, le ministre burkinabè de l’Agriculture, Salif Diallo, a même lancé : « Si nous devons manger les OGM et mourir dans 20 ans, on le fera |29| ». Le choix ainsi proposé entre famine et OGM est vicieux : il est tout à fait possible de lutter contre la faim en remédiant à l’inégalité de répartition de la production et en augmentant la productivité agricole en Afrique sans en passer par les biotechnologies. Le point fondamental est en fait celui de la souveraineté alimentaire. Au contraire, les OGM annoncent une nouvelle dépendance pour l’Afrique de l’Ouest, puisque les paysans ne peuvent pas utiliser librement les semences d’une récolte sur l’autre, et deviennent de ce fait totalement soumis à la firme qui les leur vend.

L’instrument pour obtenir cette dépendance supplémentaire est tout trouvé. Selon le sous-secrétaire d’État des États-Unis chargé de l’Agriculture à l’étranger, John Penn (qui était présent à Ouagadougou), « tout rejet de produits issus de la biotechnologie est une violation des règles de l’OMC |30| ». On voit d’autant mieux l’intérêt de mettre l’OMC hors d’état de nuire…

Il a l'air sympa, le ministre burkinabè...

De plus, en cherchant sur internet, on retrouve le nom de ce vice-président de l'UNPCB en séminaire à Paris, dans le Limousin... ce n'est pas un simple petit paysan. On sait bien que les Limagrain et autres Monsanto ont des capitaux.
Nadia
 
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