Pancho Villa

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Vérié » 23 Juil 2008, 09:34

A propos de l'article "éphéméride" du 23 juillet.

Cet article montre bien les limites d'un mouvement paysan. La révolution mexicaine fut particulièrement longue et complexe, impossible donc de la raconter en détails dans un article de cette dimension.

Une omission importante tout de même : les raisons pour lesquelles Carranza a réussi à vaincre Villa et Zapata, contrairement à ses prédécesseurs, ne sont pas expliquées.

Ces raisons essentielles sont :
1) Carranza a accepté une réforme agraire, qui ne sera complètement réalisée que plus tard, sous Cardenas. Il a ainsi coupé l'herbe sous le pied de Villa, car c'était l'objectif essentiel des paysans. Cette réforme agraire a profondément marqué le Mexique. Ce n'est que très récemment que les gouvernements ont remis en cause "l'ejido" une parcelle de terre inaliénable accordé à chaque paysan.

2) Carranza a réussi à intégrer le mouvement ouvrier, dirigé par les anarchistes, et à s'appuyer sur lui contre Villa. Ces dirigeants anarchistes, en échange de réformes (durée du travail etc) et surtout de postes dans l'appareil d'Etat, ont levé des "bataillons rouges" composés d'ouvriers qui ont été combattre l'arme de Villa.

Cette opposition historique entre classe ouvrière et paysannerie est, selon la formule célèbre de Trotsky "le drame de la révolution mexicaine".
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Message par pelon » 23 Juil 2008, 10:08

Sur l'intégration du mouvement ouvrier, plus exactement sa soumission à une bureaucratie intégrée, cela mériterait une discussion en soi. On a du mal à imaginer ce que cela peut représenter. Certains sont, au sens propre, des véritables gangsters. Elba Esther Gordillo, par exemple, dirigeante du syndicat enseignant, est responsable d'assassinats de nombreux opposants syndicaux (on en aurait comptabilisé 150).
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Message par kasimir » 10 Oct 2008, 10:03

a écrit :Cette opposition historique entre classe ouvrière et paysannerie est, selon la formule célèbre de Trotsky "le drame de la révolution mexicaine".


Oui une formule parmi d'autres...

Le drame de la révolution mexicaine c'est Villa et Zapata eux même. Je veux dire par là que le drame de toutes les révolutions hormis celle de 1917 en Russie repose essentiellement sur l'absence de parti Bolchevik. Ni Villa ni Zapata n'étaient des révolutionnaires prolétariens. Leur armée et surtout celle de Villa était constituée d'une part de paysans révoltés mais aussi de gangsters, d'aventuriers, de mercenaires, certes avec des idées sur l'honneur, la justice, la fraternité, le courage ou la bravoure mais rien de très net sur le communisme et la dictature de prolétariat.
La guerre civile a durer jusqu'à l'épuisement total des forces et des dollars des uns et des autres. Mais l'objectif politique des uns et des autres était le même une révolution nationale et libérale c'est à dire bourgeoise.
La redistribution des terres aux Indiens du Chiappas n'était pas fondamentalement nécessaire pour la réforme agraire par conséquent les revendications Zapatistes n'ont jamais vraiment aboutit, ni à l'époque de Zapata ni par la suite.
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Message par Vérié » 10 Oct 2008, 12:40

(kasimir @ vendredi 10 octobre 2008 à 11:03 a écrit :
a écrit :Cette opposition historique entre classe ouvrière et paysannerie est, selon la formule célèbre de Trotsky "le drame de la révolution mexicaine".


(...)Le drame de la révolution mexicaine c'est Villa et Zapata eux même. Je veux dire par là que le drame de toutes les révolutions hormis celle de 1917 en Russie repose essentiellement sur l'absence de parti Bolchevik. Ni Villa ni Zapata n'étaient des révolutionnaires prolétariens. Leur armée et surtout celle de Villa était constituée d'une part de paysans révoltés mais aussi de gangsters, d'aventuriers, de mercenaires, certes avec des idées sur l'honneur, la justice, la fraternité, le courage ou la bravoure mais rien de très net sur le communisme et la dictature de prolétariat.

La guerre civile a durer jusqu'à l'épuisement total des forces et des dollars des uns et des autres. Mais l'objectif politique des uns et des autres était le même une révolution nationale et libérale c'est à dire bourgeoise.
La redistribution des terres aux Indiens du Chiappas n'était pas fondamentalement nécessaire pour la réforme agraire par conséquent les revendications Zapatistes n'ont jamais vraiment aboutit, ni à l'époque de Zapata ni par la suite.
Villa et Zapata ? C'étaient des dirigeants paysans, et Villa était illettré, difficile de leur reprocher de ne pas avoir eu une "conscience bolchevique" ! Toutefois, Zapata s'intéressait beaucoup aux idées et il évoluait. Quant à Villa, à la fin de sa vie, il avait des relations, rencontres, discussions avec des bolcheviques et des anars.

Mais, si tu veux chercher une "responsabilité", c'est plutot du côté des dirigeants du mouvement ouvrier mexicain qu'il faut la chercher ! A savoir les dirigeants anarchistes de la Casa del obrero del Mundo, qui eux étaient des "ouvriers intellos cultivés", des imprimeurs notamment. Et ils ont pris l'initiative de former des bataillons pour combattre Villa, en échange de quelques places et de quelques améliorations du sort des salariés.

Sans doute cela est-il lié aussi à ce qu'était la classe ouvrière mexicaine d el'époque, encore moins importante numériquement, beaucoup plus minoritaire et beaucoup moins concentrée que n'était la classe ouvrière russe en 1917.

L'absence d'une direction bolchevique, bien sur, mais c'est une vérité très générale. Une telle direction ne sort pas du néant.

En ce qui concerne les aventuriers et les bandits qui combattaient aux côtés de Villa, ta remarque me choque un peu. Même pendant la révolution russe, il y avait des gens de ce genre qui combattaient les Blancs, par exemple les bandes de Makhno que les anars idéalisent, mais il y en avait d'autres. C'est un épiphénomène qu'on retrouve dans toutes les guerres civiles de grande envergure.

Enfin, quant à la réforme agraire, elle n'a pas été complète, certes, loin de là, mais elle a tout de même été un des acquis, certes bourgeois, de la révolution. Elle perdure même encore un peu aujourd'hui avec l'ejido. (Je ne sais pas pourquoi tu cites le Chiapas :33: . Ce n'est qu'une petite partie du Mexique. Ni Villa ni Zapata n'étaient originaires de cette région et n'ont combattu dans le Chiapas. Il y a eu d'autres régions d'ailleurs qui sont restés un peu à l'écart de la révolution. Il y a meme eu des régions dont les habitants, Indiens, ont combattu indiferemment comme mercenaires dans les deux camps, en échange de promesses. Par exemple les Yaquis du Sonora, qui ne défendaient que leur existence tribale. Le niveau de conscience et de mobilisation, meme sur le plan paysan, variait beaucoup d'une région à l'autre, car le Mexique était et reste très hétérogène.
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Message par artza » 11 Oct 2008, 05:40

Une réflexion et une question.

D'une certaine façon le Mexique bien qu'indépendant restait une colonie des puissances capitalistes européennes et des Etats-Unis.

Ne peut-on comparer (rapprocher) cette "attitude" des "dirigeants ouvriers" et de beaucoup d'ouvriers à celles des ouvriers d'origine européenne en Afrique du Sud, voir en Algérie, voir en Palestine?
artza
 
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Message par Vérié » 11 Oct 2008, 09:46

(artza @ samedi 11 octobre 2008 à 06:40 a écrit : Une réflexion et une question.

D'une certaine façon le Mexique bien qu'indépendant restait une colonie des puissances capitalistes européennes et des Etats-Unis.

Ne peut-on comparer (rapprocher) cette "attitude" des "dirigeants ouvriers" et de beaucoup d'ouvriers à celles des ouvriers d'origine européenne en Afrique du Sud, voir en Algérie, voir en Palestine?
Il y a assurément des points communs entre les prolétariats des pays coloniaux et semi coloniaux (le Mexique pouvant être classé dans cette dernière catégorie au début du 20ème siècle.) Mais évidemment des spécificités du Mexique qu'on ne retrouve pas dans d'autres pays : aucun des pays que tu cites n'a connu un mouvement paysan de la puissance de celui de la révolution mexicaine.

Un mouvement ouvrier très combatif dirigé par les anars s'est développé au Mexique dès le début du 20ème siècle : grèves de 1906 et 1907 des mineurs et des ouvriers du textile, réprimées par... les rangers nord américains !
(Je ne connais pas très bien, mais je ne crois pas qu'on retrouve de tels mouvements dans les pays que tu cites.) D'autre part, le fossé entre les ouvriers blancs d'Afrique du sud et la population noire ou le fossé entre les ouvriers pied-noirs d'Algérie et la population arabe est tout de meme plus grand que le fossé entre ouvriers et paysans mexicains. BIen que les "ouvriers intellectuels" des grandes villes méprisaient les paysans et étaient assez inquiets lors de la prise de Mexico par les armées de Villa et Zapata, qu'ils considéraient comme des brutes incultes.

Adolfo Gilly, ex-trotskyste, analyse ainsi la fracture entre le mouvement ouvrier et le mouvement paysan.
a écrit :
"Le facteur déterminant (du ralliement des dirigeants anars au gouvernement bourgeois d'Obregon) ne fut pas l'habileté d'Obregon, ni la tendance des bureaucrates à soumettre les syndicats au gouvernement bourgeois, mais plutot le fait que les directions paysannes manquaient de tout programme national qui représente ou réflète les intérêts de la classe ouvrière et que les dirigeants nanarchistes radicaux opposés à ce pacte (le ralliement) ne voyaient pas lé nécessité d'opposer à l'alliance avec la bourgeoisie une alliance avec les paysans. Ils se limitaient à refuser ce pacte à partir de déclarations abstraites sur la future révolution sociale."

Voici par ailleurs comment Trotsky analyse les concessions de la bourgeoisie nationale au prolétariat mexicain qui ont permis cette "alliance historique" qui a duré jusqu'à nos jours.
a écrit :
"Dans les pays retardés industriellement, le capital étranger joue un role décisif. C'est une raison de la faiblesse relative d ela bourgeoisie national face au prolétariat national. (...) Cela donne à l'Etat un caractère bonapartiste.(...) L'Etat peut gouverner comme un instrument de simpérialistes, du capital étranger, soumettant le prolétariat à une dictature policière ou alors il peut manoeuvrer et faire des concessions au prolétariat jusqu'à obtenir une certaine liberté par rapport aux capitalistes étrangers. La politique du gouvernement mexicain est du second type : ses conquêtes les plus avancées sont l'expropriation des compagnies de chemin de fer et de l'industrie pétrolière."

Cela caractérise assez bien l'alliance bourgeoisie nationale-prolétariat qui s'est esquissée lors de la révolution mexicaine. Cette alliance a permis aussi d'écraser la fraction la plus combative de la paysannerie tout en faisant des concessions à la paysannerie avec la réforme agraire.

Il faut ajouter le role de staliniens dans cette alliance à partir des années 3O. (Avant le PC avait joué un role négligeable). Le PC s'est d'abord opposé à l'alliance avec la bourgeoisie conclue par les dirigeants anars et a formé un syndicat concurrent. Le PC a meme au début dénoncé Cardenas comme dictateur et... complice de Trotsky, en expliquant que les nationalisations visaient à priver les démocraties de pétrole en cas de guerre contre les Etats fascistes !
Puis le PC mexicain, dans un second temps, s'est complètement rallié à la bourgeoisie nationale et a permis de donner au régime une coloration "socialisante".
Le PC a occupé notamment beaucoup de postes dans le domaine de la propagande, l'art et la culture. (CF... DIego Rivera, Siqueiros et cie).

__
A noter : il est intéressant de constater que l'analyse de Trotsky permet très bien aujourd'hui de comprendre les politiques de Chavez et de Morales...
Vérié
 
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