Origine de l'exploitation de la femme

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par artza » 09 Oct 2008, 16:03

J'ai eu l'occasion de voir le film de Sembène Ousmane, écrivain et cinéaste sénégalais, "Emitaï".

Ca se passe dans un village diola de Casamance au Sénégal en 1942, pendant la seconde guerre mondiale.

Les hommes du village ont été raflé pour servir comme tirailleurs pour reconquérir la France.

Comme un malheur n'arrive jamais seul, le gouvernement colonial décide de réquisitionner une part de la récolte annuelle de riz.

C'est les femmes qui cultivent le riz et qui le considèrent comme leur bien.

Elles refusent d'obtempérer.

L'armée intervient....

Dans la présentation du film qui accompagne le DVD Sembène O. présente la situation des femmes diolas ainsi:


a écrit :
la femme diola est gardienne sacrée du riz, l'homme n'a aucun droit d'y toucher...
Chez les diolas, la femme est plus libre que la femme européenne, aussi indépendante que l'homme
a écrit :
artza
 
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Message par Koceila » 11 Oct 2008, 20:53

Dans le domaine que je connais très bien, Je peux affirmer que la dégradation de la condition de la femme, en Kabylie, a commencé à partir du début ou du milieu du 18 eme siècle. Pourtant la société Kabyle était dominée par la communauté des moyens de productions jusqu'en 1857, année de la défaite de Fatma N'soumer face aux troupes du maréchal Randon. Le senatus consult de 1860 imposait une privatisation des terres, qui étaient auparavant propriétés collectives des villages ou des tribus, ce décret était responsable de révoltes qui ont secouées la Kabylie de 1861 à 1863 année où Fatma N'Soumer décéda en prison (comme par hasard) Dans un même temps, l'armée coloniale imposait un système féodal imposé dans plusieurs régions d'Algérie et de Tunisie par les Ottomans et dont les Kabyles ne voulaient pas (Bachagha, Caïds, cheiks. Après la révolte de 1871 (qu'on attribue à tort à Mokhrani désigné par l'administration coloniale Bachagha de Kabylie) les Agraw (Assemblés villageoises, Djemaa en arabe), furent interdites, le droit coutumier kabyle appelé Kanôun, pourtant plus humain que le droit pénal français était supprimé au bénéfice de ce dernier.

J'ai dépeint la situation de l'époque avant de revenir au sujet de ce fil: Comment dans de telles situations expliquer la dégradation des rapports Homme Femme alors que la société était plus fraternelle (un colonel français expliquait que la famine de 1869-70 avait fait des victimes partout en Algérie sauf en Kabylie, où la solidarité entre les gens était telle qu'elle avait permis de secourir les plus faible; de plus, des milliers de personnes originaires d'autres régions ont immigrés en Kabylie afin d'être secourut.)

En fait cette déchéance de la condition féminine était liée à des conditions extérieure au système social : Tout d’abord l’occupation ottomane, en effet jusqu’au début du 18 eme siècle, l’essentiel des revenus du beylicat et des Deys venait de la course en Méditerranée ; à cette époque la majorité des régions de l’Algérie étaient soumises à l’impôt. L’un des moyen utilisé consistait à s’emparer des terres des tribus et ensuite de laisser ces dites tribus exploiter leur terres contre rétributions. La Kabylie, mise à part la vallée du Sebaou n’avait pas subit ce sort, les autorités turcs avaient reculées devant la résistance des Kabyles (ce sont les Européens qui leur donnèrent ce nom, eux ne s’appelaient pas comme ça) à partir de 1820 les Ottomans ont édifiés des forts qui enserraient la Kabylie (bordj en arabe), ils réussirent à soumettre, avec l’aide d’esclaves noirs, de mercenaires et de tribus Makhzen, les tribus du Sebaou et à s’emparer des rares plaines mais pas celles de grande Kabylie ni celles de la région de petite Kabylie.

C’est à partir de cette époque que la situation de la femme s’est dégradée, d’abord parce que les Marabouts issu d’un ordre religieux moyenâgeux, les Almoravides, avaient gagnés en autorité grâce aux Deys, auparavant, ils n’avaient aucun pouvoir de décision, à partir de cette époque ils étaient devenus les interlocuteurs privilégiés des Turcs et recevaient les terres que les Turcs avaient saisies en récompense ; les kabyles ne pouvaient pas se passer des marabouts car ils avaient besoins d’eux pour obtenir des permis de voyager hors de Kabylie afin de pouvoir vendre les produits artisanaux (savon, armes etc.…) et de leurs médiations dans les transactions commerciales avec le beylicat. Ces religieux usèrent de leur autorité grandissante pour imposer des modes de vie conformes à l’Islam mais ne purent jamais remettre en question les assemblées de villages ou de tribus ni le droit coutumier qu’ils auraient voulut remplacer par la charia. De plus, les dignitaires turcs refusaient de parlementer avec des Amin (chefs élus par les assemblées de villages ou de tribus) femmes qu’ils estimaient inférieures!
Autre raison qui explique la dégradation de la condition féminine : les autorités ottomanes et les hobereaux qui leurs étaient liés ont tenté de faire imploser les communautés kabyles par le biais de mariages avec des kabyles et d’exiger ensuite une part de l’héritage sur ces biens. Ce qui eut pour conséquences exhérédation des femmes (mais aussi des hommes comme le faisait remarquer Younès Adli) et les mariages endogames.
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Message par Koceila » 11 Oct 2008, 22:45

Tout ceci pour le cas où vous n'êtes pas convaincu QUE SEUL LE COMMUNISME PERMETTRA A LA FEMME DE S'EPANOUIR. Mes études sur la société Berbère m'en ont convaincu, en ce moment, de nombreux ouvrages sur la société Kabyle sont en parution ou plutôt en reparution (certains, datent de 1842, ont un côté raciste car il traitent les peuples colonisés de "Barbares" ou de "sauvages") Hanoteau et Letourneux écrivaient en 1870: « L’idéal de gouvernement libre et bon marché dont les philosophes cherchent encore la formule à travers milles utopies est une réalité depuis des siècles dans les montagnes kabyles » et plus loin ils ajoutaient « que s’était propre aux sociétés barbares ou sauvages » Le général Daumas qui était un des premiers à s’intéresser à la société Kabyle dans le but d’utiliser ces connaissances pour vaincre les tribus kabyles, utilisait aussi les mêmes termes.

En fait ce qu’ils reprochaient certainement aux sociétés « barbares » et « sauvages » et de ne pas receler des chefs corrompus et aigrefins, en effet les Amins étaient élus pour un an et étaient révocables à tout moment par l’assemblée de village. Ils n’étaient pas rétribués dans le cadre de leur fonction et étaient secondés par un ou des « Oukils » appartenant généralement au çof opposé (sorte de ligue ou de parti).

C’est vrai que nous sommes loin de la civilisation ou règnent dans les hautes sphères la corruption, le vol, la prévarication et le népotisme, et encore quand ceux qu’on appelle les « décideurs » n’utilisent pas l’assassinat politique ou carrément le génocide contre des peuples ou leur propre peuple, et la liste est longue si l’on devait évoquer les méfaits du capitalisme, pour pouvoir continuer leurs affaires parasitaires.

Revenons sur la condition de la femme : pour s’en tenir à l’Algérie d’aujourd’hui, d’après les articles édités par la ligue des droits de l’homme sur http://www.algeria-watch.org le nombre femmes assassinées, violées, battues, répudiées et jetées à la rue sans aucun droit est en nette augmentation et on en dénombre 8000 l’année dernière et là il s’agit uniquement de celles qui ont osé porter plainte !

Le général Daumas écrivait que les kabyles de 1830 respectaient leurs femmes et participaient activement aux décisions de la communauté, Fatma N’Soumer n’avait-elle pas été élue pour organiser la lutte armée ? Et ce malgré le recul de la condition féminine depuis le milieu du 18eme siècle
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Message par Koceila » 11 Oct 2008, 23:04

Mises au point sur mon premier post qui n'est pas clair:
a écrit :mais pas celles de grande Kabylie ni celles de la région de petite Kabylie.


Je veux parler des Kabyles qui vivaient dans les montages de grande Kabylie, du Djurdjura, du massif cenrtral et des montagnes autour de Béjaïa.

a écrit :De plus, les dignitaires turcs refusaient de parlementer avec des Amin (chefs élus par les assemblées de villages ou de tribus) femmes qu’ils estimaient inférieures!


J'aurai dû écrire: De plus, les dignitaires turcs refusaient de parlementer avec des Amin femmes qu’ils estimaient inférieures (chefs élus par les assemblées de villages ou de tribus)!

c'est mieux!

a écrit :les autorités ottomanes et les hobereaux qui leurs étaient liés ont tenté de faire imploser les communautés kabyles par le biais de mariages avec des kabyles et d’exiger ensuite une part de l’héritage sur ces biens. Ce qui eut pour conséquences exhérédation des femmes (mais aussi des hommes comme le faisait remarquer Younès Adli) et les mariages endogames.



par le biais de mariages avec des femmes kabyles liées aux tribus insoumises et d’exiger ensuite une part de l’héritage sur ces biens.
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