Le sel de la Mer

Message par méchougue » 12 Oct 2008, 14:07

Je l'ai vu, et n'ai pas aimé, malgré plein de choses justement montrées. Qu'en avez-vous pensé, pour ceux qui l'ont vu ?
méchougue
 
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Message par Beaudelire » 16 Oct 2008, 00:26

Et bien, moi j'ai trouvé ça pas mal du tout. Le film montre une fois de plus toutes les vexations dont sont victimes les Palestiniens: rien ni personne n'est épargnée, même pas cette jeune Juive qui affirme être en faveur de la paix et dénonce les exactions commises par son Etat et qui devra finir par assister en direct au traumatisme d'une des descendantes de ceux qui se sont fait tout voler depuis la création de l'Etat d'Israël. Preuve est faite, par cette petite scène qui met mal à l'aise, qu'un peuple qui en opprime un autre ne peut être un peuple libre.
Et puis ce qui est aussi intéressant, c'est que, fait encore rare au cinéma, on a un regard féminin sur le sujet.
Beaudelire
 
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Message par méchougue » 18 Oct 2008, 20:16

Pour ceux qui l'on raté, le film raconte le parcours d'une jeune femme d'origine palestinienne, vivant à Brooklyn, qui décide de venir s'installer en Palestine, appliquant de facto le droit au retour, et cherche à récupérer les avoirs bancaires et la maison de son grand-père, tous deux confisqués par l'état israélien en 1948.

C'est sûr, on voit des choses sur israël, les checkpoints, le racisme, et sur les Palestiniens coincés dans les territoires. Mais pour ça, j'avais préféré Bienvenue au Paradis, qui montrait le parcours de deux jeunes kamikazes. Ou Intervention divine, sur un mode burlesque et fantastique. Pourtant ces deux autres films montrent une violence bien plus nette à l'écran.

Mais pour moi ce film professe en fin de compte un nationalisme borné, et vise à discréditer toute possibilité de communication entre les deux peuples. Le personnage principal m'a paru insupportable, en quête identitaire parfaitement déliée de sa situation réelle ("ton histoire c'est mon quotidien", dit-elle... son quotidien à Brooklyn?). La scène de confrontation avec l'israélienne pacifiste, tournée en dérision avec ses tasses et ses déclarations ("tout le monde veut la paix, sauf les dirigeants"), est pour moi la plus choquante. Cette jeune pacifiste représente ceux à qui on doit s'adresser si on veut trouver une solution pour les Palestiniens et la région. Au contraire, cette jeune américano-palestinienne lui dit : "c'est moi qui décide si tu peux rester ici, et seulement si tu reconnais ce que tu m'as volé".

En fait, à chercher réparation du passé comme le fait l'héroïne du film, il n'y a pas de fin ; c'est même ce qui motive les sionistes, qui voient israël comme une réparation des souffrances endurées auparavant. Et devant la revendication de l'héroïne du film, qui veut foutre dehors l'occupante actuelle de la maison de son grand-père, les sionistes ne sont que confortés à refuser le droit au retour (qu'ils adorent présenter de la sorte : s'ils reviennent, on n'a plus qu'à partir... mais où, d'ailleurs ?). Je pense que montré par ces sionistes, le film pourrait fort bien servir d'argument à leur propos (de mauvaise foi bien sûr, mais qu'attendre de mieux de leur part ?).

Le tout aboutit à une conclusion inévitable : soit les Arabes, soit les Israéliens à la mer. A ce jeu-là, comme Israël reste soutenu par les USA, les Palestiniens vont encore en prendre pour cinquante ans, ou perpète.
Alors qu'en raisonnant pour les deux peuples à la fois, et en refusant l'idée de la légitimité supérieure de l'un sur l'autre pour rester à cet endroit, on peut enfoncer un coin entre les masses et leurs dirigeants.
Si tu as vu les deux grands succès récents en Israël, Valse avec Bachir, ou le dernier livre sur L'invention du peuple juif , ouvrage israélien qui consacre... les Palestiniens comme les plus légitimes descendants génétiques des Hébreux antiques, tu conviendras peut-être qu'il y a une attente de ce côté-là, qui de toute façon est le seul qui puisse offrir une solution.

Le film ne reflète pas, loin de là, le point de vue de tous les Palestiniens. C'est plutôt je crois celui très extérieur de personnes comme le personnage principal du film, qui déplore la "passivité" des Palestiniens, qui spontanément ne sont pas dans sa logique. Comme souvent avec le nationalisme, qui est créé de façon artificielle pour des motivations identitaires (tiens, tiens, et Herzl depuis la paisible Vienne fin XIXème) et ne répond pas aux préoccupations et aux problèmes réels des principaux intéressés.

On peut toujours, bien sûr, nier l'existence de l'Etat israélien, pas plus légitime qu'un autre. Le projet sioniste est en tout cas catastrophique, et mené de façon criminelle depuis un siècle. Mais que fait-on maintenant de tous les habitants, parmi lesquels les spoliateurs de 1948 ne sont plus légion ? Si on nie cette question, on ne fait que prolonger l'affrontement. C'est d'ailleurs la technique infaillible brandie tant par les dirigeants sionistes que par les dictateurs arabes voisins, qui ne voudraient surtout pas offrir autre chose qu'un statut de résidents de troisième zone aux enfants de réfugiés. Ou Hamas, qui ne vise visiblement qu'au rôle de dictateur et de milice d'encadrement fasciste des camps palestiniens (pour l'instant).

Ce qui serait urgent, aujourd'hui, ce serait de bloquer les spoliations présentes au profit des colons ou du mur, et qui choquent profondément bien des Israéliens. Pour ceux-là, les colons sont des excités dangereux pour qui ils ne sont pas prêts à faire la guerre. Les mouvements anti-colonisation et anti-mur ont réussi récemment, et plusieurs fois, à faire plier la justice raciste, grâce en particulier à la mobilisation des riverains qui vivaient en bonne entente de part et d'autre de la ligne verte de 1967.

Tiens au fait, les colons sont bien souvent des excités occidentaux, qui n'ont pas grandi en Israël, religieux ou non, fanatiques en tout cas, qui ont bien compris que le meilleur moyen de pousser l'avantage d'Israël est de creuser le fossé, et viennent de loin se mêler de problèmes qui ne sont pas les leurs. Mais au nom, toujours, de leur passé de peuple martyr, qui n'a plus rien de réel depuis bien longtemps. Pour moi, dans ce sens, ils se rapprochent de la position de Soraya Tahani( le personnage principal du film).

Bon, pas de solution simple... mais justement, la vision simplificatrice du film n'est pas fortuite, et pour moi porte une vision politique fausse et dangereuse.
méchougue
 
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