mathématiques, finances et ... gâchis

Rien n'est hors-sujet ici, sauf si ça parle de politique

Message par pelon » 21 Déc 2008, 12:22

Dans l'article qui suit on voit comment des bons étudiants en mathématiques sont dévoyés vers une activité ô combien nuisible. Ces fameux modèles mathématiques ont contribué à rendre particulièrement opaques les valeurs financières. A l'heure du capitalisme pourrissant ce n'est pas seulement dans l'industrie de guerre que les connaissances scientifiques s'appliquent mais dans tous les recoins de l'activité nuisible. Ce n'est certes pas nouveau mais une illustration supplémentaire. Mais les cranes d'oeufs utilisés par la bourgeoisie ne sont souvent que de ternes représentants d'une période. L'armée de l'an 2 a su trouver des géniaux généraux de 30 ans. L'armée de la 3ème république recrutait à Polytechnique et Saint Cyr, de sombres abrutis. Après la désastreuse bataille du Chemin des dames lancée par Nivelle, Clémenceau, serviteur de la bourgeoisie, aurait dit "donnez nos polytechniciens à l'ennemi et nous gagnons la guerre" ou quelque chose du genre.
De ganache militaire à trifouilleur financier toujours là pour servir le capitalisme nuisible. Même s'ils ne sont que les valets de la bourgeoisie impérialiste.

a écrit :
Malgré la crise, les jeunes chercheurs en finance restent très convoités sur le marché du travail
LE MONDE | 19.12.08 | 14h47  •  Mis à jour le 19.12.08 | 14h47

e jeudi 18 décembre, au Job market (marché de l'emploi) pour chercheurs en finance, organisé à Paris par l'Institut Europlace de finance (EIF), Fadila Palmer est contente. Cette jeune femme, PDG de Lunalogic, une société de conseil et de services spécialisée dans la finance de marché et la gestion d'actifs, est venue pour recruter de jeunes thésards. Elle est enchantée de sa moisson. "Sur dix rendez-vous, nous avons identifié quatre très bons candidats", se réjouit-elle.

A côté d'elle, l'un de ses collaborateurs, diplômé de l'Ecole Normale supérieure de la rue d'Ulm, acquiesce. Ses clients sont la plupart des grandes banques de la place, qui lui confient des missions pour créer des modèles mathématiques, définir les prix de produits dérivés, en évaluer les risques, ou pour développer les systèmes d'information.

Les modèles mathématiques ont beau avoir mauvaise presse, Mme Palmer n'en a cure. Certains de ses clients, comme la banque Calyon, ont certes arrêté des projets, "mais ils ont gardé (ses) consultants pour les faire travailler sur d'autres sujets". Son entreprise emploie une cinquantaine de consultants, auxquels elle demande d'être non seulement excellents en mathématiques, mais aussi de connaître les produits financiers complexes et l'informatique.

Les diplômés de grandes écoles (Centrale Paris, les Mines, les Ponts, l'Ensimag) qui ont fait des stages ou suivi une formation en alternance sont des candidats de choix. "Nous recrutons deux à trois consultants par mois, car les meilleurs sont happés par les banques", explique Mme Palmer. Depuis la création de sa société, en 1999, elle a recruté 150 personnes. "Nous leur mettons le pied à l'étrier", précise-t-elle pour tenter ceux que la rémunération proposée - environ 50 000 euros annuels - dissuaderait. Même besoin au stand voisin, où Virginie Valibus, directrice des ressources humaines de Riskalis, une société de conseil spécialisée dans la gestion des risques, cherche des débutants ou de jeunes thésards. "Plus que l'école, nous regardons le sujet de thèse, les publications", affirme-t-elle. Cette année leur est particulièrement propice. Les grands établissements financiers ne sont pas venus leur faire de l'ombre. A part Axa, aucune compagnie d'assurances et aucune banque n'a souhaité participer au Job market.

En revanche, les centres de recherche académique ont des postes à pourvoir. "Il faut repenser la régulation ; c'est un énorme chantier. La compétence des chercheurs est indispensable, et, dans ce domaine, les Français sont très réputés", explique Pierre-André Chiappori, directeur du programme doctoral de l'université Columbia de New York.

"Il n'y a pas que la finance de marché !, ajoute Ivar Ekeland, professeur d'économie mathématique à l'université de Colombie britannique (Canada). Il faut aussi gérer le pétrole et les autres ressources non renouvelables de la planète." Elyès Jouini, directeur scientifique d'EIF et vice-président de l'université Paris-Dauphine, relativise : "Ceux qui ont rajouté une couche de finance à un cursus d'ingénieur ne trouveront plus de job mirobolant. Mais les docteurs en finance n'ont aucune inquiétude à avoir. Même si les modèles sont devenus des victimes expiatoires. Car, au contraire, on a besoin de mieux comprendre."

"Les excès ont été commis par ceux qui ont manqué de distance par rapport aux modèles. Il faut donc au contraire plus de chercheurs. Dans le monde académique, mais aussi dans le monde financier", plaide-t-il. "Les économistes ont un rôle important à jouer pour établir une régulation plus solide, sans être un carcan", ajoute Jean Tirole, directeur scientifique de l'Institut d'économie industrielle (IDEI) de Toulouse.

Pour Nicole El-Karoui, professeur de mathématiques à l'université Paris-VI, "il faut éduquer l'ensemble du management aux limites des modèles, à l'analyse des risques, car quand un secteur affiche une rentabilité nettement supérieure au reste, les effets sont toujours les mêmes : on investit de plus en plus et on ne maintient pas de regard critique sur l'activité".

Moralité : avec la crise, chercheurs en finance et enseignants ont encore plus de pain sur la planche.

Annie Kahn
Article paru dans l'édition du 20.12.08
pelon
 
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Message par shadoko » 21 Déc 2008, 16:08

A ce sujet, deux remarques:

Même après une thèse de mathématiques dans des domaines qui n'ont rien à voir avec la finance, faute d'avoir un emploi ailleurs, il y a un nombre non négligeable de cas de jeunes doctorants qui sont happés par le secteur financier. Et pour eux, c'est moins l'attrait de l'argent facile que l'absence d'un avenir qu'ils auraient préféré dans la recherche fondamentale, vu l'absence de postes et les économies permanentes. En gros, ils ont été formés par l'état, et ce sont les banques qui profitent de la manne sans trop débourser.

a écrit :
Ces fameux modèles mathématiques ont contribué à rendre particulièrement opaques les valeurs financières.

Je ne présenterais pas les chose tout-à-fait comme ça. Les modèles mathématiques en question ne sont pas vraiment à jeter à la poubelle. Ils servent aussi à autre chose. Ce serait un peu comme dire (toutes proportions gardées, bien sûr): "la mécanique quantique a contribué à la bombe atomique". Bien sûr, en un sens, c'est vrai: sans compréhension de l'atome, pas de bombe atomique, mais à l'inverse, ce n'est pas parce qu'on comprend l'atome qu'on est obligé de fabriquer des bombes. Et c'est un peu pareil pour ces modèles statistiques qui s'appliquent à d'autres chose en matière de prédiction. Par exemple, dans le cadre d'une économie planifiée, certains seraient probablement assez utiles. Le problème, quand ils sont utilisés en finance, c'est qu'ils ne tiennent aucun compte de l'instabilité inhérente des marchés capitalistes. Ils supposent tous plus ou moins que le marché "moyen" est normal, et dans ces conditions, ils fonctionnent à peu près (pour faire de l'argent, en l'occurrence, bien sûr). Mais quand une grosse crise pointe son nez, et que le marché n'est plus du tout "moyen", mais complètement déséquilibré, ces modèles n'ont plus grand-chose à dire. C'est un peu comme dire: "je sais prévoir la météo Floride grâce à des modèles statistiques de mesure de température, de pression, etc., et sur cette base, je conseille aux agriculteurs de planter à tel moment". Mais bien sûr, quand un cyclone débarque et arrive à tout allure, je range tous mes modèles au placard, et je regarde venir le cyclone sans pouvoir l'arrêter. Et l'agriculteur qui a tout perdu dans le cyclone et qui me dit: "oui, mais vous savez bien que les cyclones, ça arrive régulièrement", je lui dis: "oui, bon, c'est sûr, mais entre deux cyclones, ça marchait." Et au fond, c'est vrai. Seulement bien sûr, l'arnaque c'est que j'aurais dû lui dire depuis le début que les cyclones, ça arrive, et qu'il vaut mieux se préparer pour ça aussi.

Enfin, une anecdote amusante: On m'a raconté qu'à l'université de Cambridge, de nombreux anciens étudiants (je ne sais pas les proportions) qui avaient arrêté leurs études un peu au milieu pour aller travailler dans la finance à Londres, reviennent maintenant s'inscrire pour les finir après avoir perdu leur boulot à cause des faillites et restructurations des groupes financiers de la City. Si ça pouvait les faire un peu réfléchir...
shadoko
 
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Message par pelon » 21 Déc 2008, 16:22

Il est possible que certains doctorants en maths se tournent vers les maths financières faute de trouver autre chose. Par contre, pour connaître un certain nombre de jeunes d'écoles d'ingénieurs (Polytechnique, Centrale, Mines, Ponts, Supelec ...) qui n'ont actuellement pas de problème d'emploi je confirme l'article : nombreux sont intéressés par les maths financières parce que c'est très bien payé. C'est même une mode. Bien entendu les mathématiques elles mêmes y compris les branches auxquelles s'intéressent les financiers n'y sont pour rien. :hinhin: On est bien d'accord que l'utilisation à des fins nuisibles des sciences ce n'est pas nouveau et qu'il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain.
pelon
 
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Message par jeug » 21 Déc 2008, 17:17

Je crois que c'est la même chose, qu'il n'y a pas opposition entre d'un côté ceux des jeunes matheux qui se dirigent vers une carrière financière à contre-coeur, et d'autres qui le font pour l'appât du gain.
A la fois ils (tous plus ou moins) préfèreraient faire de la recherche mais ce n'est pas ce que la société leur propose, et à la fois ils (les mêmes) reluquent la perspective de faire fructufier pécuniairement au mieux leur savoir en intégrant la filière financière, parce que c'est ce qu'on leur inculque.
C'est 2 formulations de la même chose : la société rétribue mieux les scientifiques dans des fonctions nuisibles que dans une fonction utile.
jeug
 
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Message par pouchtaxi » 21 Déc 2008, 17:23

(pelon @ dimanche 21 décembre 2008 à 15:22 a écrit : Par contre, pour connaître un certain nombre de jeunes d'écoles d'ingénieurs (Polytechnique, Centrale, Mines, Ponts, Supelec ...) qui n'ont actuellement pas de problème d'emploi je confirme l'article : nombreux sont intéressés par les maths financières parce que c'est très bien payé.

Je confirme. J’ai connu plusieurs étudiants qui ont choisi leur école en fonction de la possibilité d’y suivre un cursus spécialisé en mathématiques financières. Ils l’ont fait dans le but express de gagner de l’argent.


Il apparaît de plus, que leur formation est souvent parfaitement bancale. Ils sont capables de retourner la formule de Black et Scholes dans tous les sens mais ils n’ont quasiment aucune connaissances en économie (ce qui ne changerait d'ailleurs rien !). Ils ont une fonction strictement technicienne et aveugle de calcul au service des officines qui les emploient.

Malheureusement la période est telle que les jeunes scientifiques et les jeunes intellectuels sont davantage attirés par des fonctions rémunératrices au service de la bourgeoisie plutôt que de mettre leurs talents au service des causes mises en avant sur ce forum par exemple.
pouchtaxi
 
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Message par titi » 21 Déc 2008, 17:50

il y a aussi les diplomés qui ne veulent pas etre "hauts cadres" dans des boites, parce qu'ils jugent "pas terrible" de se taper le sale boulot de gérer des équipes avec tout ce que ça veut dire (faire trimer les autres), mais qui trouvent "clean" de faire des maths financières, surtout si c'est aussi bien payé que "haut cadre"

bref, ils ont des états d'âmes, et ils se cachent derrière que leur job "technique"
titi
 
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Message par shadoko » 21 Déc 2008, 17:59

a écrit :
Il est possible que certains doctorants en maths se tournent vers les maths financières faute de trouver autre chose. Par contre, pour connaître un certain nombre de jeunes d'écoles d'ingénieurs (Polytechnique, Centrale, Mines, Ponts, Supelec ...) qui n'ont actuellement pas de problème d'emploi je confirme l'article : nombreux sont intéressés par les maths financières parce que c'est très bien payé. C'est même une mode.

Oui, je ne voulais pas dire le contraire. Je rejoins ce que dit jeug. Ce que je voulais dire, c'est que la politique de l'emploi et les priorité dans la recherche fondamentale aujourd'hui accentue le phénomène. Si on leur offrait la perspective d'un emploi stable et rémunéré correctement, il y en aurait certainement moins qui suivraient cette mode.
shadoko
 
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Message par shadoko » 21 Déc 2008, 18:17

Par ailleurs, sur les exemples que tu cites, Pelon, le phénomène est un peu particulier, parce que ces écoles d'ingénieurs dite "généralistes" ne sont pratiquement plus des écoles qui dispensent vraiment une formation scientifique ou technique d'ingénieurs (quel que soit le domaine). Ce sont des écoles qui forment des cadres plus où moins à s'adapter à n'importe quoi sans savoir grand-chose et dont les entreprises considèrent que s'ils ont réussi le concours d'entrée, c'est une preuve suffisante de leur niveau pour qu'ils les embauchent, sans vraiment se soucier de ce qu'ils ont fait pendant trois ans d'école. Du coup, c'est à peine si on peut les considérer comme des scientifiques (bien qu'il y en ait parmi eux, mais ça n'est pas la majorité). Ceux qui veulent se tourner vers les maths financières font une formation dans ce sens (bien souvent pas au sein de leur école, d'ailleurs) et voilà. Mais les autres ne valent guerre mieux. Ils bossent dans des boîtes de conseil, ou deviendront cadres dirigeants dans des boîtes, ou énarques et politiciens. Beaucoup sont des gens qui n'ont eu dès le début de leurs études qu'un attrait très limité pour les sciences et qui n'ont visé les écoles d'ingénieur que parce que c'est prestigieux. Mais s'ils sont certainement plus ou moins brillants au départ, ils ne sont pas vraiment des scientifiques dévoyés (au contraire de ces thésards dont je parlais). Ce phénomène des pseudo écoles d'ingénieurs françaises n'existe pas vraiment sous cette forme à l'étranger, pour autant que j'aie pu en juger.
shadoko
 
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Message par Jenlain » 25 Déc 2008, 14:54

(shadoko @ dimanche 21 décembre 2008 à 17:17 a écrit : Beaucoup sont des gens qui n'ont eu dès le début de leurs études qu'un attrait très limité pour les sciences et qui n'ont visé les écoles d'ingénieur que parce que c'est prestigieux. Mais s'ils sont certainement plus ou moins brillants au départ, ils ne sont pas vraiment des scientifiques dévoyés (au contraire de ces thésards dont je parlais).


Ayant été un ecole d'ingé (pas jusqu'au bout) et à la fac, je confirme !
Jenlain
 
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