(Wapi @ samedi 24 janvier 2009 à 10:43 a écrit : Du coup je me demandais quelles étaient les interventions notables d'intellectuels en France pour s'élever contre les abus du pouvoir ... Voltaire, Zola, et un peu Sartre au moment de la guerre d'Algérie ... mais je ne vois rien d'autre. A peine un par siècle, ça ne fait pas lourd quand même.
A mon avis, le problème est mal posé de cette façon.
Ce qu'il conviendrait d'examiner, c'est le système de médiatisation des intellectuels. Comment un intellectuel parmi beaucoup d'autres devient-il suffisamment médiatique pour avoir la parole dans une société donnée ?
Aujourd'hui, à côté de BHL, Finkielkraut et cie, nous avons des intellectuels brillants qui prennent des positions... disons plus sympathiques. Exemple : Esther Benbassa (qui est quelque chose à l'école des hautes études), qui a dénoncé le carnage de Gaza, qui dénonce l'intrumentalisation du génocide de la seconde guerre mondiale et de l'antisémitisme. Elle a droit à des tribunes dans
lLe MOnde et
Libération, mais elle n'est évidemment pas aussi médiatique que BHL.
Alors, pourquoi BHL est-il plus médiatique que Benbassa ou Gilles Perrault (à qui on ne donne plus souvent la parole depuis qu'il a appelé à la désertion pendant la première guerre du Golfe.) Pour commencer, BHL est immensèment riche, ce qui lui a apporté la gloire médiatique plus sûrement que son intellect. IL a pu, entre autres, financer la revue
Tel Quel et des intellos comme Sollers, qui lui ont renvoyé l'ascenseur.
Déjà, à l'époque de Zola, les écrivains et intellos médiatiques étaient ceux qui, non seulement avaient du talent, mais savaient bien faire leur pub. Zola qui, entre parenthèses était une sombre canaille (1), en dépit de sa célèbre défense de Dreyfus, était particulièrement doué pour sa pub.
Alors, il faudrait se demander comment Voltaire ou Rousseau on atteint la célébrité en leur temps. Par quels processus ? Je ne connais pas assez bien l'ancien régime pour répondre, mais il est permis de penser qu'ils étaient portés par la bourgeoisie montante dans son opposition à la monarchie, donc par un puissant courant social. Quelqu'un pourra peut-ëtre apporter des précisions.
Aujourd'hui, il n'existe pas de puissant courant social "révolutionnaire" ou même "gauchisant". Il est donc logique que les intellectuels proches de ces idées soient rélégués à un rang médiatique mineur. De plus, la bourgeoisie a tous les moyens pour médiatiser ceux qui la servent. Du temps où le PCF était puissant, ses intellos et compagnons de route étaient évidemment beaucoup plus médiatiques : Aragon, Vaillant et même le médiocre André Stil.
Ce ne sont donc pas les intellectuels qui ont changé. La plupart d'entre eux continuent à préférer défendre les valeurs des courants sociaux dominants, ou du moins influents. Mais c'est la façon de les médiatiser qui a sans doute évolué, même si, en apparence, notre société leur laisse davantage de libertés que l'ancien régime...
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1) Lire
Les écrivains contre la Commune et
Zola l'imposteur.