(com_71 @ mercredi 18 mars 2009 à 16:24 a écrit : (Vérié @ mercredi 18 mars 2009 à 16:01 a écrit : Un système censé posséder des vertus extraordinaires, en dépit du "parasitage bureaucratique" (selon vous), un système qui possèderait sa propre dynamique pour la seule raison que la propriété privée a été abolie et l'économie planifiée, devrait aller en s'améliorant avec le temps, non ?
Ben non ! Mais tu brûles... Encore un effort...
Pourrais-tu développer un peu, Com, au lieu de t'exprimer par énigme ? :33:
Essayons d'interprêter ta boutade, car le sujet est intéressant. (Tu corrigeras si j'interprête mal...)
-L'Etat "ouvrier dégénéré" continue à dégénérer, donc selon toi à se dégrader, à perdre de ses vertus ouvrières au fil du temps, ce qui expliquerait sa baisse d'efficacité économique.
Si c'est bien ainsi que tu vois les choses, cela pose plusieurs problèmes :
-Trotsky, lui, n'imaginait pas un Etat ouvrier dégénérant pendant un demi-siècle, mais croyait voir un Etat d'une extrême instabilité, reposant sur un équilibre précaire entre les classes sociales, qui allait s'effondrer d'un instant à l'autre (si le prolétariat ne reprenait pas le pouvoir) et qui ne survivrait pas à la guerre. (D'ailleurs, à ce propos, certains trotskystes - dont Mandel me semble-t-il - affirmaient en 1947 que la guerre n'était pas vraiment terminée pour justifier la survie de l'URSS...)
-Affirmer que l'Etat de l'URSS sous Staline aurait été "plus ouvrier" ou "moins dégénéré" sous Staline que sous Gorbatchev revient à dire qu'un Etat qui fait régner une terreur épouvantable, extermine les opposants à commencer par les communistes authentiques, contraint une partie de la population au travail forcé est plus "ouvrier" que le même Etat, 60 ans plus tard, quand il devient moins répressif, tolère une certaine liberté d'expression, des grèves etc. :33:
-De plus, en 60 ans, même si le développement économique n'a pas atteint le niveau extraordinaire fantasmé par certains, il a été réel - comme d'ailleurs dans l'ensemble des Etats industriels et une partie des pays du tiers monde. Le niveau de vie en URSS a tout de même progressé entre l'époque de Staline et celle de Brejnev, la pénurie a été réduite etc. Or, ce qui faisait la base de la bureaucratie, à en croire Trotsky et les Trotskystes, c'était justement la pénurie. "Quand il n'y a qu'une paire de bottes, le gendarme se sert le premer." (Une erreur fondamentale à mon avis, car le bureaucrate ne joue pas seulement la fonction sociale du gendarme mais aussi celle du patron...).
Mais, selon cette façon de voir, le pouvoir de la bureaucratie aurait du s'effriter. Deutscher par exemple pensait que le développement économique allait conduire l'URSS à se démocratiser dans le cadre du socialisme.
-Sur le plan purement économique, l'efficacité relative de la planification aurait donc été liée à la dictature stalinienne et à la terreur. Dès que la dictature s'affaiblit, les forces centrifuges se développent etc.
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Pourquoi l'URSS s'est-elle effondrée si son système était "supérieur" ?L'explication la plus convaincante de l'effondrement de l'URSS - que personne n'avait imaginée aussi brutale, ni les soviétologues bourgeois, ni LO, ni la tendance "capitaliste d'Etat" à laquelle j'appartenais (Combat Communiste) - est à mon avis la crise économique de cet Etat. (Lire à ce propos la confèrence du conseiller de Gobatchev dont j'ai fourni le lien, qui met en lumière les différents problèmes notamment monétaires de l'URSS à partir des années 70-80.)
Cette crise montre que le capitalisme d'Etat n'échappait pas aux lois générales du capitalisme, même si celles-ci se manifestaient de façon un peu différentes et moins apparentes, notamment en raison de l'absence totale de transparence.
L'URSS n'a pas réussi à passer du développemente extensif obtenu en grande partie par la terreur et compatible avec l'autarcie, au développement intensif, impossible sans l'apport de la technologie mondiale.
Ce qui montre les limites étroites des vertus de cette fameuse planification vantée dans le discours de N.A. Cette planification dictatoriale n'a été efficace, comme en Chine maoiste, que pendant une période historique relativement brève - 20 à 30 ans maximum - pour procéder à l'accumulation primitive du capital en accaparant la quasi totalité du suproduit social.
Une vision simpliste de l'URSSPour conclure, il me semble qu'un certain nombre de camarades - je ne dis pas cela pour Com ou Artza qui sont sans doute plus nuancés - ont une vision mythique de l'URSS, qu'ils imaginent comme un Etat très bien organisé, planifié, avec des services publics efficaces ("une bonne médecine gratuite" ! (sic)) etc.
La littérature et le cinéma ont largement contribué à entretenir cette image d'une bureaucratie glacée, cruelle mais efficace, d'une discipline de fer, d'une organisation rigoureuse etc.
Mais, sans vouloir à nouveau me lancer dans les récits de voyage, quiconque a visité l'URSS a pu constater, dès qu'il mettait les pieds à l'aéroport de Moscou (sauf en voyage organisé évidemment) que l'URSS ressemblait beaucoup plus aux pays sous-développés par beaucoup d'aspect qu'à un Etat moderne préfigurant l'avenir : combinazione à l'italienne, bakchich partout, corruption, rien qui fonctionne correctement sauf dans de rares endroits réservés aux touristes et aux privilégiés etc
Il est assez intéressant par exemple de constater que le conseillerd e Gorbatchev cité plus haut évalue "'économie souterraine" à 25/30 % à la fin du règne de Brejnev. Bref, on était plus proche de l'Italie du sud ou de la Turquie que de l'Allemagne de l'Ouest ou la France...
Les nostalgique du socialisme "réellement existant" quoi que déformé par le "parasitisme bureaucratique" devraient s'informer un peu.
C'est aussi absurde d'accuser la bureaucratie d'avoir saboté la merveilleuse planification que d'accuser aujourd'hui les banquiers de saboter le capitalisme
ou les patrons de mal gérer leurs entreprises (comme le font régulièrement les syndicats). Les uns et les autres ont intérêt à la bonne marche du système, mais défendent leur intérêt individuel avant l'intérêt général...
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PS Je m'associe à Endymion, dont je ne partage pas pour autant toutes les analyses, pour protester contre l'affirmation grossière selon laquelle VO-LO aurait été la seule tendance à critiquer l'URSS stalinienne tout en se revendiquant du communisme et de la révolution russe !