a écrit :Jean-Paul Lilienfeld: «J'ai juste voulu poser la situation sans tabou»
Jean-Paul Lilienfeld, le réalisateur de «La journée de la jupe», dans lequel Isabelle Adjani incarne une prof de français qui prend sa classe en otage, a répondu à vos questions.
Zouzou. Avec votre film, qu'avez-vous avez voulu montrer? Que tout est possible, qu'une violence comme celle qui se passe parfois en Amérique ou en Allemagne peut arriver dans nos collèges?
Jean-Paul Lilienfeld. J'ai juste voulu poser la situation sans tabou.
Paula. Votre film pourra-t-il être diffusée dans les lycées et collèges? Le souhaiteriez-vous?
Oui, mais pas Monsieur Darcos. C'est lui qui a les clefs de ses établissements.
Dodcoquelicot. Que pensez-vous des propos de Darcos disant que votre film ne reflète pas la réalité ? Et que dire alors des 6000 euros offerts à tout enseignant volontaire pour les «banlieues difficiles»?
La réponse est dans votre question. C'est pas comme ça... mais y'a besoin d'une carotte pour avoir des volontaires.
Latinette2. Je suis enseignante de lettres classiques; et je me suis permis de penser que la façon d'aborder l'enseignement des lettres n'était pas le plus approprié... Vouliez-vous délibérément montrer, également, un professeur rigide? sur le plan pédagogique? est-ce délibéré?
Je ne montre pas un professeur rigide, je montre une prof qui craque. Il ne s'agit pas de prôner l'enseignement sous la menace d'une arme. Mais La Verrière est pleine de profs qu'on a retiré du circuit avant qu'ils ne fassent ce genre de pétage de plomb.
Prof. Qu'est-ce qui serait, selon vous, essentiel pour rétablir la communication entre les profs et les élèves?
Il ne s'agit pas que de cela. C'est un problème plus global qui entre autre a pour conséquence le manque de communication prof élèves. Je n'ai pas de solution toute faite, sinon je ferais de la politique. Je ne sais donc quoi répondre en deux mots.
Lubin. Pourquoi avoir tourné un film sur le sexisme et l'intolérance avec des élèves/figurants très majoritairement arabes ou noirs, alors que vous pouviez faire exactement le même film avec des élèves/figurants blancs?
Le problème du sexisme est général, en cela vous avez raison. Mais mon film ne traite pas que du sexisme et les classes les plus défavorisées (dans tous les sens du terme) sont majoritairement noires et ou arabes. Les Zep sont constituées essentiellement d'enfants d'immigrés. J'aurais trouvé aussi ridicule de prendre une classe de blancs que de tourner une scène de cul avec un acteur en caleçon.
Dodcoquelicot. Comment vous est venu l'idée de ce titre singulier et quelle est sa signification première? Est-ce un fil conducteur pour le film ?
C'était pour moi une revendication, certes un peu kitsch, mais très emblématique. Tellement que lorsque j'ai fini mon scénario, j'ai tapé le titre sur Google pour voir si un film ne s'appelait pas déjà comme ça. Et j'ai découvert que venait de se créer un Printemps de la jupe et du respect. Qui existe toujours et a pris un peu d'importance aujourd'hui.
Votre pseudo. Adjani assène certaines vérités dans votre film et elle a bien raison. Mais comprenez-vous que dans la réalité elle serait rapidement taxée de raciste?
Non je ne le comprends pas.
Grigoriette. J'ai adoré votre film, il est d'une sensibilité qui m'a beaucoup émue. C'est une façon de parler du sexisme sans être agressif comme le sont malheureusement certaines féministes. Certes les relations filles/garçons, hommes/femmes ont toujours été difficile mais, grâce à ce film, c'est un rayon de tolérance dans ce monde de brute. A quand un film sur le racisme avec la même sensibilité?
Je l'ai déjà écrit et il a été tourné. Ça s'appelait l'Oeil au beur noir et ça racontait l'histoire d'un noir et d'un arabe qui cherchait un appartement à louer à Paris.
Tulipe. Pourquoi le film est-il d'abord sorti sur petits écrans et non au cinéma ?
Parce qu'après avoir essayé de monter le film au cinéma pendant 18 mois, après m'être heurté aux éternelles même réponses: «sujet trop sensible», je voulais que ce film existe. Je me suis donc tourné vers la télé et, en une semaine, Arte a dit oui. Arte a payé, Arte diffuse: logique.
Marie. A travers le pétage de plombs de cette professeure, n'avez-vous pas voulu mettre au coeur de votre film, le savoir et uniquement le savoir, quand Adjiani dit: «Acceptez la structure et après vous pourrez vous exprimer!»
Adjani ne dit pas du tout ça. Elle dit: «être arabe ou noir c'est déja pas facile, mais arabe ou noir et ignorant en plus, c'est mort d'avance.»
Pialati. Etait-ce primordial, pour vous, de tourner avec des acteurs amateurs? Etait-ce pour coller un peu plus à la réalité ou tout simplement être dans le réel?
A l'âge des personnages des élèves on trouve très peu de pros. De plus, je voulais retrouver le phrasé des cités qui n'est pas le même que celui des beaux quartiers.
Grigoriette. Peut-être une petite idée si je puis me permettre: le problème des sans-abris et des mal logé? Je trouve que le cinéma engagé, comme le vôtre l'est assurémment, est une voix qui peut aider à faire prendre conscience et à faire bouger les choses, les mentalités... Vous considérez-vous comme une artiste engagée?
Je ne m'appelle pas Lilianne Feld mais JP Lilienfeld. Je suis donc plutôt un garçon. Sinon, non, je ne me considère pas comme engagé. Juste envie de dire ce que je ressens. Pas de suivre une ligne.
Fassbinder. Adjani ose quand même remettre à leur place les machos de cité qui n'ont que comme seule référence l'islam. C'est très bien. Mais vous comprenez que dans la réalité un prof qui ferait ça peut risquer sa vie ?
Ils n'ont pas comme seule référence l'islam. C'est l'une des références. Et le plus souvent sans en connaître grand chose. Quand on a une identité incertaine ou peu reconnue, on a tendance à se trouver une fierté de substitution.
Fassbinder. Et pourquoi dire que arabe ou noir c'est pas facile ?
Parce que c'est vrai. Entre le racisme quotidien, le racisme à l'embauche, le plafond de verre pour les très diplômés, il n'y a pas de quoi dire que c'est facile.
Regulus. Je suis enseignant (Anglais), j'ai été surpris par la précision des dialogues. Avez-vous passé du temps dans un collège de banlieue avant de boucler le script ?
Merci du compliment. Je viens de Créteil, j'y retourne régulièrement, je suis sensible aux évolutions des langages par goût et donc non, pas de stage. Juste une musique dans l'oreille.
Judex. Je vois que vous ne souhaitez pas passer nos questions parce que vous ne les prenez pas au sérieux, mais je vis dans le 93 et je trouve ce film affligeant. Jean-Paul Lilienfeld n'a jamais quitté son 8ème arrondissement, il en est encore à croire que le langage des banlieues se résume à «ziva» et «ta mère». C'est une vision pathétique de la banlieue, comme son film...
Je ne réponds pas aux questions quand elle ne demandent rien. Le 8ème je n'ai pas eu à le quitter; c'est Créteil que j'ai eu à quitter. Mais quand bien même je serais venu du 8ème en quoi cela m'aurait-il empêché d'écrire ce film. Je vais vous faire une confidence: je viens d'écrire un scénario ou un type se fait tuer et je ne suis même pas mort.
Pépère. Le film montre, sans le dire pour cause de politiquement-correct, qu'en fait c'est l'islam qui est le moteur dans cette histoire. Par une forme de terrorisme, il essaye comme toujours de s'imposer à travers son code coranique, c'est-à-dire les femmes voilées, le vêtement à connotation musulmane, ses vues spécifiques sur l'enseignement.
Le film ne le dit pas, parce que ce n'est pas ce que je pense. L'islam grand ennemi? Lisez Malek Chebel, allez sur le blog de Mohamed Sifaoui. L'islam, je le répète, est pour ces jeunes une fierté de substitution. En revanche, je pense que des vautours rôdent autour d'eux pour récupérer les plus largués. Mais islam n'est pas un gros mot.
Pialati. Je crois savoir que votre film est à petit budget? Pourrais-je avoir un ordre d'idée?
1,6 million d'euros. Un film de budget moyen en France est autour de 5 Millions d'euros.
Franck. Lorsqu'on observe votre parcours de metteur-en-scène et de scénariste, ce film apparaît comme une vraie révolution, le ressentez-vous aussi de cette façon, vous êtes-vous remis en question qui vous a amené à aborder cette écriture, ce sujet ?
Ce n'est pas une révolution. Vous demandez ça parce que j'ai fait des comédies avant? On peut penser et aimer les blagues de toto. Concernant le racisme, entre l'Oeil au beur noir , Hors Service ou j'ai donné à Dieudonné, avant qu'il ne devienne fou, un rôle qui aurait pu être tenu par un blanc à un comédien noir, parce que j'aimais son travail (trouvez-moi un autre réalisateur en France qui a fait ça), je trouve qu'il y a une certaine cohérence.
Joellewitold. Je suis depuis deux semaines dans les Deux-Sèvres (79) où le film n'est pas programmé, pourquoi?
Les gros circuits refusent de programmer mon film parce qu'il a été diffusé en avant première sur Arte. Donc, seuls des indépendants sont susceptibles de le diffuser.
Cad. Votre film constitue une brèche décisive dans le mur du politiquement correct qui interdit toute description réaliste du problème des banlieues. Loin de stigmatiser, comme l’affirme l’angélisme obligatoire, la vérité permet de se parler vraiment. Qu’en pensez-vous ?
Je pense qu'en refusant de poser les problèmes tels qu'ils sont par peur de fournir des munitions aux racistes de tout poil, on laisse le terrain libre à ces racistes justement, qui sont les seuls à parler de ces problèmes et apportent avec eux des solutions bien pourries, racistes. Moi j'ai jamais vu un médecin soigner quelqu'un sans faire de diagnostic.
Jldibi. Professionnel de l'insertion des jeunes dans les quartiers «sensibles», j'ai trouvé votre film d'une justesse et d'une intelligence rare...mais comme on peut le voir sur ce chat, dés que l'on aborde sans tabou (religion, sexisme, abandon de la République, violence...), on se fait traiter de «racistes», «non respecteueux des musulmans» (ou autre religion), ou au contraire «d'anti-Francais» bref, avez-vous fait votre film pour qu'on puisse commencer à en parler sans s'entretuer ?
Oui, c'est pile poil ça. Au-delà des clivages qui ne me passionnent pas, au-delà des dogmes dans lesquels chacun tente de faire rentrer la réalité en la tassant un peu si ça ne rentre pas bien.
Fassbinder. Autrement dit vous êtes en rupture totale avec la façon dont la gauche s'est occupée des banlieue jusqu'à maintenant ?
Dont la gauche ou la droite. Je me fous d'où sont les gens. Ce qui m'intéresse c'est ce qu'ils font. Donc droite ou gauche, je suis ambidextre.
Massalamanu. Seriez-vous d'accord pour dire que «la banlieue» n'existe pas mais qu'il y a «des banlieues» et que La journée de la jupe ne montre pas forcément le quotidien de la majorité des enseignants et adolescents des zones urbaines populaires?
Complètement d'accord. Il y a même des classes différentes à l'intérieur d'un même établissement.
(Zappa @ jeudi 2 avril 2009 à 18:37 a écrit : L'idée que défend le gars est que puisque que la majorité des enfants scolarisés sont blancs et que le sexisme, la violence, la connerie ne sont pas l'apanage d'un milieu social ou d'une couleur de peau, c'est déjà fort tendancieux de se focaliser sur un établissement scolaire populaire où les noirs et les arabes sont majoritaires ou sur-représentés.
Tu viens de dire que tu n'as pas vu le film et que tu n'iras pas le voir, comment peux-tu prétendre que tu comprends "l'idée que défend le gars" ?
(Matrok @ jeudi 2 avril 2009 à 19:44 a écrit :(Zappa @ jeudi 2 avril 2009 à 18:37 a écrit : L'idée que défend le gars est que puisque que la majorité des enfants scolarisés sont blancs et que le sexisme, la violence, la connerie ne sont pas l'apanage d'un milieu social ou d'une couleur de peau, c'est déjà fort tendancieux de se focaliser sur un établissement scolaire populaire où les noirs et les arabes sont majoritaires ou sur-représentés.
(bidule a écrit :" Donc m.. à tous les pisse-froid qui font du poltiquement correct d'extrême gauche et qui ont leur yeux bouchés par des tonnes de concepts mal digérés. "
a écrit : Totore
Et bien moi j'ai été bouleversée par ce film. Rebondissements à tous les étages ; scénario hyper travaillé. On prend un coup aux tripes.
a écrit :
(...) en 2008 : Finkie lâche, d’une haute hauteur, des tonneaux de guano sur Entre les murs, dont les promoteurs sont de ces maudits bât... De ces idéologues disgraciés qui veillent « à ce que notre vie entière se déroule entre les murs du social ».
(Et qu’il n’a pas vu non plus, mais nous n’allons pas, n’est-ce pas, nous focaliser sur de trop minuscules détails.)
Et cette année : Finkie a vu La Journée de la jupe, où Sonia (Isabelle Adjani), prof de français dans une banlieue (évidemment) difficile, « pète les plombs face à des élèves qui la provoquent », et, chargée d’un gun (évidemment) trouvé dans le sac d’un de ces bariolés sauvageons, « prend sa classe en otage ».
Disons-le nettement : Finkie a littéralement aaaaadoré ce film - au point qu’il voudrait même « opposer à l’esprit de Durban l’esprit de La Journée de la jupe ».
LEÇON NUMERO 1 : POUR ÉVITER TOUT DÉBORDEMENT RACISTE EN AFRIQUE DU SUD, RIEN NE VAUT LE BRAQUAGE D’UN(E) COLLÉGIEN(NE) DE LA SEINE-SAINT-DENIS.
(Le monde est basique, dès lors que tu l’appréhendes simplement.)
Finkie relève que c’est « pendant qu’elle prend sa classe en otage », que cette admirable enseignante « réussit » enfin « à lui faire un cours digne de ce nom » [1].
LEÇON NUMÉRO 2 : L’INDIGÉNAT DES BANLIEUES N’APPREND VRAIMENT QUE SOUS LA MENACE D’UNE ARME DE FORT CALIBRE.
(C’est l’un des (rudes) enseignements que nous avons retenus de la guerre d’Algérie, où, déjà, le fellagha se montrait volontiers arrogant.)
Mais ce qui ravit réellement Alain Finkie, dans La Journée de la jupe, c’est ce détail, follement novateur : « Nous apprenons au cours du film » que la tendineuse prof qui tient le flingue « est elle-même d’origine arabe, mais qu’elle n’a jamais voulu le dire pour capter la bienveillance de ses élèves » - car « nous sommes dans une école laïque ».
Quelle formidable idée !
Quel génie, chez le réalisateur !
LEÇON NUMÉRO 3 : LA BONNE ARABE EST UNE ARABE QUI A LE BON GOÛT DE TAIRE QU’ELLE EST ARABE, QUAND ÇA NE SE VOIT PAS SUR SA GUEULE.
(C’est pour ça que le rôle a été confiée à Isabelle Adjani : tu penses bien que si c’est Biyouna qui joue la prof, c’est tout de suite plus compliqué pour elle de cacher son arabitude.)
Un chouette film ?
Ça tient à peu de chose.
Vivement qu’un cinéaste nous raconte le pétage de plomb d’un(e) Arabo-musulman(e) harcelé(e) par de piètres penseurs : je suis sûr que Finkie aimera.
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