Ce qui se passe en Iran

Dans le monde...

Message par Zorglub » 27 Juin 2009, 17:21

En effet grandiose, merci Marchauciel. Le cheveu poivre et sel au vent de sa bibliothèque, dans une attitude ô combien inquiétante. :hinhin:

Ca me rappelle les guignolades de ce grand bourgeois en ex-Yougoslavie. On le voyait accroupi avec un casque bleu protégé derrière un muret, sous les balles ? Non, le Canard Enchaîné avait publié la photo en entier : derrière se tenait tranquillement un autre casque bleu.

On a les 'intello' qu'on mérite.
Zorglub
 
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Message par Puig Antich » 28 Juin 2009, 00:20

Le point de vue de Modaresi du PCOI(H) ci dessous, à mon avis, est pondéré et intéressant, et montre bien les contradictions qu'a ce mouvement. Je pense qu'il y a un peu deux débats sur ce fil. Le poids des différentes classes dans le mouvement en cours contre Amhaninejad, l'analyse qu'on peut entrevoir de son importance, le jeu de l'impérialisme, les données factuelles sur les fraudes, etc.

Indépendamment de tout ça, il semble primordial d'affirmer un rejet du camp entier de la contre-révolution dans cette affaire : l'actuel gouvernement iranien, Moussavi qui était premier ministre lors du massacre des communistes et des démocrates dans les prison à la fin des années 80, les puissances impérialistes, qui sont tous responsables du calvaire des classes exploitées, des femmes, en Iran.

Il semble clair, vu l'attitude de l'ensemble de la gauche iranienne, ce qu'en dise les exilés qui sont tout de même en contact avec l'Iran, ce qu'en disent des gens comme Woods, etc., qu'il y a une possibilité pour le mouvement ouvrier de tourner la situation de sorte à marquer des points pour renverser le régime. Le plus capital est donc de favoriser cette tendance là, indépendamment de l'étendue des données sur lesquelles on se fonde.

Car au fond, même l'idée un peu nationaliste de gauche de " manip de l'impérialisme " ne justifie pas de ne pas soutenir le renversement du régime, car lorsque les capitalistes petits et grands se font des croches pattes, ce n'est pas un crime - mais plutôt un devoir - pour les exploités que de s'en servir pour les faire tous tomber. Les classes populaires du Kurdistan d'Irak ont bien ""profité"" de l'attaque US contre l'Irak en 91 pour s'insurger et défoncer l'appareil d'état baathiste dans la région, elles ont eu bien raison.

Puis bon Obama a dit qu'il " respectait la souveraineté " de l'Iran et les médias bourgeois sont plus occupés par Jakson que par l'Iran, il y a eu mieux huilée comme tentative occidentale de " révolution de velours " !


a écrit :Le mouvement actuel en Iran : un point de vue communiste

Koorosh Modaresi

Interview avec Koorosh Modaresi, secrétaire général du Parti communiste-ouvrier – Hekmatiste, le 18 juin 2009

Les commentateurs des medias occidentaux comparent les événements qui se déroulent en Iran avec ceux qui ont menés à la révolution de 1979. Qu’est-ce que tu en penses ?

Koorosh Modaresi : Par cette similitude, certains « experts » des médias essaient, consciemment ou inconsciemment, de faire passer Mousavi et son équipe pour une alternative au régime islamique, le transformer en une figure anti-régime du type Khomeiny. C’est très loin de la vérité.

Il y a cependant des ressemblances évidentes, au moins dans la forme. L’Iran est une terre de révolutions : nous en avons connu quatre au siècle dernier. Tout mouvement social tends inévitablement à imiter le passé à un degré à ou à un autre.

Mais sur le fond, c’est une toute autre histoire. La révolution d 1979 était, dès le départ, dirigée contre le régime du Shah. Le mouvement en cours n’appelle pas à en finir avec le régime existant. Les manifestations sont nées d’une lute au sein du régime et ne visent pas ce régime dans sa totalité. Bien sûr, les gens qui y participant en ont assez du régime islamiques et veulent qu’il s’en aille. Mais, comme toujours, les drapeaux, les plateformes, les organisateurs et les leaders donnent l’envergure possible du mouvement. On ne peut pas transformer les prières du vendredi en une insurrection contre le régime islamique.

Que répondrais tu à ceux qui, ici en occident, considèrent que les protagonistes se répartissent en deux camps, “réformistes” et “conservateurs” ? Jusqu’à quel point est-ce vrai ?

Koorosh Modaresi : Je crois que cette classification a une part de vérité. Après tout, les « réformistes » essaient de réformer le système pour le maintenir au pouvoir. Si on veut être plus précis, on peut dire que les deux côté du même couloir sont d’accord sur l’essentiel et qu’ils ont des désaccords mineurs. Leur point d’accord, c’est qu’ils sont tous les eux pour le régime islamique. Si l’essence islamique du régime ou son existence venaient à être mis en causes, ils feront tout leur possible pour le sauver. Tous les deux sont extrêmement nationalistes. Leur différence est que l’un des camps, les conservateurs, pensent que les objectifs du nationalisme iranien sont mieux servis par un rapport de force avec l’occident, et que pour cela, il leur faut le soutien de la Chine et de la Russie, ainsi que les soutien de forces comme le Hezbollah au Liban, et plus généralement, ont une approche plus islamique et plus militariste. Les « réformistes » ont les mêmes aspirations nationalistes, mais gardent un œil vers l’ouest. Dans ce sens, le désaccord au sein du régime, c’est le reflet des nouvelles divisions est-ouest sur les courants du nationalisme iranien et les efforts de l’état islamique pour surmonter les contradictions entre le système islamique traditionnel et les besoins du mode de production capitaliste. C’est, en fait, la question centrale pour le gouvernement iranien.

Les “réformistes” disent que la politique d’Ahmadinejad mène à la désintégration de la république islamique. D’un autre côté, les “conservateurs” accusent leurs rivaux de miner la révolution islamique et ses principes. Quel est réellement l’objet de ce conflit ?

Koorosh Modaresi : C’est une rhétorique bien commode. Le problème essentiel du régime islamique, c’est de s’adapter aux besoins du processus de reproduction capitaliste et de passer à travers les crises économiques. Sans ces changements, il va s’effondrer, c’est un fait. Du coup, l’enjeu majeur pour les différentes factions de l’état, c’est de trouver une voie de transformation du système. Chacune pense que celle de l’autre ne va pas marcher et mener le système à la ruine.

Ces adaptations portent sur trois points essentiels :

1. Éliminer le rôle des fatwas religieuses du clergé dans els affaires politiques et surtout économiques. Ce problème fait du marché iranien une place peu suûre pour les capitaux. Les deux camps ont la possibilité de faire cela et ont fait tout leur possible dans ce domaine : le capital est bien mieux garanti contre les fatwas religieuses.

2. Neutraliser les effets du boycott des investissements de capitaux occidentaux sur le marché iranien. C’est un point de divergence majeure. Les conservateurs pensent qu’ils peuvent neutraliser ce problème en s rangeant dans le camp de la Chine et de la Russie, à la fois à l’échelle globale et pour la domination régionale. Les réformistes pensent qu’il faut entrer dan le camp occidental et chercher un accommodement, global et régional.

3. La privatisation de presque toutes les industries principales, la fermeture des industries d’états non-profitables et l’élévation du taux de profit par l’abaissement des salaires, l’augmentation du temps et de l’intensité du travail. des heures de travail. Économiquement, les deux camps – et particulièrement les réformistes – sont en ce sens thatchéristes, reaganistes.

Comme toute faction politique, ils essaient de déguiser leur politique réelle sous des revendications d’allure populaire, afin de mobiliser le soutien de la population.

L’importance de l’électorat et sa passion semble s’être accrue au cours de la champagne. Quelle est la cause de ce développement ?

Koorosh Modaresi : Avant tout, le ressentiment de la majorité de la population contre le gouvernement et le sentiment de désespoir à cause de l’incapacité du camp pro-occidental à changer la situation en soutenant la politique de Georges W. Bush. La défaite américaine en Irak, face à un gouvernement islamique, a été traduite en désarroi, en une situation sans espoir pour la population.

Les élections ont été vues comme un moyen de changer cette situation. Ceux qui voulaient combattre la corruption ont été voter Ahmadinjad et ceux qui avaient l’espoir de gagner des libertés ont voté Mousavi.

Les deux camps ont tenté de mobiliser la population en leur faveur et on fait un campagne assez vigoureuse ‘l’un contre l’autre. Ils ont réussi à mobiliser la population. Quelles seraient les conséquences de la victoire de chaque camp ?

Koorosh Modaresi : Entre chaque camp, je suppose que tu veux parler de la lutte entre les factions gouvernementales. Je ne crois pas qu’elles soient significativement différentes. Pour autant que le capitalisme soit concerné, les deux voies sont viables. La lutte elle-même est plus importante que le résultat. Les deux camps comptent mobiliser la population par une agitation sensationnelle qui crée une atmosphère de drame politique et ouvre une vaste opportunité pour l’opposition anti-régime.

Pense-tu que le conflit va se résoudre de lui-même ?

Koorosh Modaresi : Je crois qu’un compromis de partage du pouvoir entre les deux camps pet être atteint. Ni l’une, ni l’autre faction ne veut compromettre le système. Cet accord sera plus satisfaisant pour la faction de Rafsandjani que pour celle de Khamenei. Quelque accord qu’il puisse y avoir, comme je l’ai dit, ces contradictions créent un espace ouvert, un vide politique qui peut être mis à profit par l’opposition.

Comment se situe la classe ouvrière dans cette équation ?

Koorosh Modarresi : C’est l’un des périodes les plus importantes pour la classe ouvrière. Si elle tombe dans le piège de se joindre au mouvement vert de Mousavi, ou le mouvement noir d’Ahmadinejad, c’est elle qui sera la grande perdante de la situation. D’un autre côté, si les travailleurs jouent leur rôle consciemment, ils verront que la lute au sein de l’état fragilise le système tout entière. C’est le meilleur moment pour s’organiser, pour changer l’équilibre des forces en faveur du mouvement ouvrier, pour s’emparer des usines, des industries et des quartiers ouvriers. Aujourd’hui, non seulement l’évolution des conditions de travail et de vie, mais surtout l’explosion du nombre d’organisations ouvrières et la polarisation de la société vers le renversement du gouvernement islamique, permettent d’organiser un révolution socialiste et de mettre en place un pouvoir ouvrier.

C’est, bien sûr, un travail très difficile. La plupart des oppositions de gauche sont perdues pour l’action de masse et ne voient pas les développements politiques. Faire comprendre à al clase ouvrière que ce qui se passé n’est pas une révolution et que son issue n’est pas en notre faveur, que la révolution islamique n’en était pas une, faire en sorte que la classe ouvrière se mobilisent en dehors de la polarisation du mouvement islamique va être un tache monumentale pour les marxistes et pour le communisme prolétarien. Le problème, c’est qu’i faut d’abord mobilise les “mobilisateurs”.

Que peuvent faire les forces progressistes en Iran ?

Koorosh Modaresi : Comprendre la matrice et la trame du mouvement actuel comme une lutte de pouvoir au sein de la classe dirigeante, aide à a former une véritable alternative égalitaire, un mouvement de la classe ouvrière pour la liberté, rejoindre notre mouvement sous le slogan : “Non à l’islam vert de Mousavi, non à l’islam noir d’Ahmadinejad ! Vive la liberté et l’égalité”, et les propositions politiques du bureau politique du parti hekmatiste.

Quelle est la politique du parti envers ces événements et quelques sont les perspectives immédiate et à moyen terme ?

Koorosh Modaresi : Nous travaillons durement pour mobiliser la classe ouvrière et la population avec des idées de gauche, égalitaire, pour former une base socialiste puissante, et exploiter la situation actuelle de la meilleure manière possible. Notre ut est une révolution socialiste, aussi vite que possible. La révolution nécessite une forte base pouvoir ouvrier. Avec cette base nous seront capables de prendre le pouvoir politique.
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Message par com_71 » 28 Juin 2009, 00:44

Sources svp ?

(Puig Antich @ dimanche 28 juin 2009 à 00:20 a écrit : Les classes populaires du Kurdistan d'Irak ont bien ""profité"" de l'attaque US contre l'Irak en 91 pour s'insurger et défoncer l'appareil d'état baathiste dans la région, elles ont eu bien raison.

Selon cette vision des choses, il y aurait eu un puissant mouvement populaire au nord de l'Irak, que les forces politiques (notamment kurdes) inféodées à l'impérialisme, et l'armée américaine elle-même, auraient eu à briser pour établir la zone kurde "indépendante" du nord. Tu peux documenter cette version ?

(Rappelons que Bush père avait préservé dans son attaque l'existence de l'armée de Saddam, y compris l'aviation, en lui interdisant le survol du territoire vers le nord au-delà d'un certain - j'ai oublié lequel - parallèle).
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par com_71 » 28 Juin 2009, 00:55

(K.Modaresi a écrit :
C’est, bien sûr, un travail très difficile. La plupart des oppositions de gauche sont perdues pour l’action de masse et ne voient pas les développements politiques. Faire comprendre à la classe ouvrière que ce qui se passe n’est pas une révolution et que son issue n’est pas en notre faveur, que la révolution islamique n’en était pas une, faire en sorte que la classe ouvrière se mobilisent en dehors de la polarisation du mouvement islamique va être une tache monumentale pour les marxistes et pour le communisme prolétarien. Le problème, c’est qu’il faut d’abord mobiliser les “mobilisateurs”.

Autrement dit, d'après K.Modaresi lui-même, tout, vraiment tout, reste à faire...
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par Puig Antich » 28 Juin 2009, 01:05

a écrit :Selon cette vision des choses, il y aurait eu un puissant mouvement populaire au nord de l'Irak, que les forces politiques (notamment kurdes) inféodées à l'impérialisme, et l'armée américaine elle-même, auraient eu à briser pour établir la zone kurde "indépendante" du nord. Tu peux documenter cette version ?


La brochure de Lo sur le Kurdistan en parle, entre autres sources.

Sinon le GCI, qui avait des militants sur place, à traduit et archivé un certain nombre de textes; il y a un bouquin en kurde sur le mouvement; il y est fait allusion assez longuement dans le bouquin d'interviews " résistance irakienne ", etc.

Dans la presse de l'époque les leaders nationalistes kurdes plus ou moins pro-ouest dénonçaient " l'anarchie ", c'est à dire le mouvement prolétarien, au Kurdistan; ils réussirent à le mettre sous leur contrôle à partir du moment où l'armée US a cessé d'attaquer Saddam et ou ce dernier a lancé une contre-offensive au Kurdistan. Les villes se sont vidées et les pechmergas des partis nationalistes ont repris le devant de la scène. Le Kurdistan " autonome " est d'une certaine manière le sous-produit de tout ça.`

--
Je crois pas par contre que l'armée américaine soit intervenue directement, sauf sous mandat de l'ONU pour désarmer les gens un peu après - à vérifier.
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Message par Puig Antich » 28 Juin 2009, 01:22

Pour revenir à la discussion sur l'Iran, un article je pense important du courant woodiste au Vénézuela. Pour rappel, ce courant, souvent critiqué sur ce point par les autres courants trotskistes et de la gauche communiste pour son opportunisme, a des positions assez solides au Vénézuela et dans la " révolution bolivarienne ". Récemment Chavez a autorisé l'armement d'un certain nombre de syndicats, notamment un controlés par eux, à ce qu'en disent les camarades.

Du coup on peut se poser la question suivante : pourquoi Wood et ses amis - qui par ailleurs ont un petit groupe en Iran - entreraient en clash frontal avec Chavez sur la question de la fréquentabilité d'Ahmaninedjad, si il ne s'agissait simplement que d'un complot de la CIA ou, au mieux, d'une révolte de la bourgeoisie ?

a écrit :Solidarité avec le mouvement des masses iraniennes – Déclaration du Courant Marxiste Révolutionnaire (Venezuela)
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Solidarité avec le mouvement des masses iraniennes – Déclaration du Courant Marxiste Révolutionnaire (Venezuela)

En réponse aux récentes interventions du Président Hugo Chavez sur la situation en Iran, nos camarades vénézuéliens ont publié cette déclaration. Ils y expliquent pourquoi nous soutenons le mouvement de masse en cours et quelle est la véritable nature du régime iranien.

En Iran, il y a une situation où l’opposition dénonce une fraude électorale, où ces accusations reçoivent le soutien des puissances impérialistes, et où des manifestations de rue contestent les résultats. On comprend que des révolutionnaires, au Venezuela, puissent y voir un parallèle avec des situations bien connues de la révolution bolivarienne. Plus d’une fois, au Venezuela, l’oligarchie contre-révolutionnaire – appuyée par l’impérialisme – a essayé de créer une situation de chaos, dans les rues, en criant à la « fraude électorale », dans le but de discréditer les victoires électorales de la révolution (lors du référendum révocatoire de 2004, lors des élections présidentielles de 2006, lors du référendum constitutionnel de 2007, etc.)

Cependant, un tel parallèle ne correspond pas à la réalité.

La République islamique : un régime révolutionnaire ?

Tout d’abord, la République islamique n’est pas un régime révolutionnaire. La révolution iranienne de 1979 était une authentique révolution de masse, à laquelle participaient activement les travailleurs, la jeunesse, la paysannerie, les soldats, les femmes, etc. La grève générale des travailleurs du pétrole fut l’élément décisif dans la chute du régime du Shah. Des millions de travailleurs s’organisaient dans des shoras (comités d’usine) et prenaient le contrôle des entreprises – d’une façon semblable à ce qu’ont réalisé les travailleurs du pétrole, au Venezuela, lors du lock-out patronal de décembre 2002. Des millions de paysans iraniens occupaient les terres des grands propriétaires terriens (comme le font les paysans vénézuéliens, aujourd’hui). Les étudiants occupaient leurs universités et s’engageaient dans leur démocratisation, pour mettre un terme à l’élitisme qui y dominait jusqu’alors. Les soldats, eux aussi, s’organisaient dans des shoras (conseils) et prenaient des mesures pour purger l’armée de ses officiers réactionnaires. Les nationalités opprimées (Kurdes, Arabes, Azéris, etc.) luttaient pour leur liberté. Le peuple iranien secouait le joug de l’impérialisme.

Cependant, entre 1979 et 1983, la République islamique s’est consolidée sur la base d’un écrasement de cette révolution par le clergé fondamentaliste. En quelques années, toutes les conquêtes de la révolution de 1979 ont été détruites. Les paysans ont été expulsés des terres qu’ils occupaient. Les comités d’usine ont été liquidés et remplacés par des shoras islamiques. Les travailleurs ont été privés du droit de s’organiser et de faire grève. Une interprétation particulière de l’Islam a été imposée à la population. Les droits de femmes ont été brutalement écrasés. L’oppression idéologique de la majorité du peuple a atteint des sommets.

Le détournement et l’écrasement de la révolution de 1979 ne fut possible que sur la base de la politique erronée des organisations de gauche, qui pensaient pouvoir former un Front unique avec le clergé musulman dirigé par l’Ayatollah Khomeini. Elles ont payé leurs erreurs au prix fort. En l’espace de quatre ans, la République islamique s’est consolidée en attaquant brutalement la gauche. Ce faisant, le clergé musulman a dû se parer d’un masque anti-impérialiste. Il a organisé l’incident de l’ambassade américaine et a habilement utilisé la guerre contre l’Irak. En 1983, tous les partis de gauche étaient interdits (malgré leur soutien initial à Khomeini), et quelque 30 000 militants de la gauche réformiste, nationaliste et révolutionnaire avaient été assassinés. Telles sont les origines de l’actuelle République islamique d’Iran. Ce n’est pas un régime révolutionnaire – mais, au contraire, un régime né de l’écrasement d’une révolution.

Y a-t-il eu fraude électorale ?

Certains prétendent qu’il n’y a pas eu de fraude électorale, en Iran, le 13 juin dernier. Or, de nombreux éléments attestent de la fraude. Mais soulignons déjà que pour se présenter, tout candidat devait être préalablement approuvé par un organe non-élu de 12 dignitaires, le Conseil des Gardiens.

En ce qui concerne la fraude elle-même, ne donnons qu’un exemple. Le candidat conservateur Hoshem Rezaei, qui n’a ni appelé à manifester, ni participé aux manifestations, a dénoncé le fait que dans 80 à 170 villes, la participation était supérieure au nombre d’inscrits ! Dans toutes ces villes, Ahmadinejad l’a emporté à une large majorité – dans certains cas avec 80 ou 90% des voix. Le 21 juin, après une semaine de manifestations, le Conseil des Gardiens a dû partiellement reconnaître le bien-fondé des accusations de fraude. Au nom du Conseil des Gardiens, Abbas-Ali Kadkhodaei a déclaré que « les statistiques fournies pas les candidats, qui prétendent que dans 80 à 170 villes, il y aurait eu davantage de votes que d’inscrits – ces statistiques sont fausses. Ce n’est le cas que dans 50 villes. » Plus loin, il explique que dans la mesure « où cela ne concerne que 3 millions de personnes », cela ne pouvait pas modifier le résultat final.

Ahmadinejad – un révolutionnaire ?

Comme le clergé en 1979, Ahmadinejad a cherché à gagner le soutien des masses en recourrant à une rhétorique anti-impérialiste et « pro-pauvres ». Mais comparons la situation au Venezuela, aux conditions réelles du peuple iranien, sous la présidence d’Ahmadinejad. Premièrement, au Venezuela, la révolution s’est traduite par un puissant développement des organisations syndicales et des luttes militantes des travailleurs. Le Président Chavez a appelé les travailleurs à occuper les entreprises abandonnées et à les administrer sous contrôle ouvrier. En Iran, les travailleurs n’ont ni le droit de se syndiquer, ni le droit de faire grève – et lorsqu’ils bravent ces lois anti-démocratiques, ils s’exposent à la répression la plus brutale. Par exemple, lorsque 3000 chauffeurs de bus de Téhéran ont pris l’initiative d’organiser un syndicat, l’entreprise a répondu par des licenciements massifs. Les dirigeants syndicaux ont également été attaqués par la police – y compris le secrétaire général du syndicat, Ossalou.

Lorsque des militants syndicaux, à Sanandaj, ont essayé d’organiser une manifestation, le 1er mai 2007, la police les a brutalement réprimés. Onze dirigeants ont été condamnés à une séance de flagellation et au paiement d’une amende. Lorsque 2000 militants ouvriers ont essayé d’organiser une manifestation du 1er mai, cette année, à Téhéran, la police les a également réprimés. 50 militants ont été arrêtés (certains sont toujours en prison). Des millions de travailleurs iraniens n’ont pas reçu de salaires depuis des mois. Lors qu’ils essayent de s’organiser, la police les réprime.

Au Venezuela, la révolution bolivarienne a mis un coup d’arrêt au processus de privatisation d’entreprises publiques – et a nationalisé un certain nombre d’entreprises. En Iran, Ahmadinejad a accéléré la privatisation des entreprises publiques. Près de 400 entreprises ont été privatisées, depuis 2007, y compris les télécommunications, l’aciérie Isfahan Mobarakeh, le complexe pétrochimique d’Isfahan, l’entreprise Ciment Kurdistan, etc. Parmi les entreprises qui ont été privatisées figurent la plupart des banques, des entreprises du pétrole et du gaz, les assurances, etc.

Même si le gouvernement d’Ahmadinejad critique l’impérialisme américain, dans le but de détourner l’attention des masses des problèmes internes, il n’est même pas conséquent dans sa lutte contre cet ennemi. L’intervention américaine en Irak a pu compter sur la passivité de la classe dirigeante et du gouvernement iraniens, qui voyaient d’un bon œil l’affaiblissement de cette puissance rivale, dans la région. Au lieu de favoriser une lutte de libération nationale unifiée, en Irak, le régime iranien a joué un rôle clé dans la division des Irakiens suivant des lignes religieuses.

Le « réformateur » Moussavi ne vaut pas mieux. Il était premier ministre dans les années 80, à l’époque du massacre de 30 000 militants de gauche. Tout d’un coup, il a découvert que la République islamique – à laquelle il ne s’oppose pas, sur le fond – avait besoin d’être « réformée », c’est-à-dire de subir quelques changements mineurs, de façon à ce que tout reste comme avant. L’opposition entre Ahmadinejad et Moussavi est l’opposition entre deux sections du régime réactionnaire : l’une veut faire des réformes d’en haut pour éviter une révolution d’en bas ; l’autre redoute que des réformes d’en haut ne déclenche une révolution d’en bas.

Ces divisions, au sommet, ont ouvert un espace pour un authentique mouvement de masse. Y a-t-il le moindre doute sur le caractère populaire et révolutionnaire de ce mouvement ? Voyons quelle est l’attitude de l’avant-garde ouvrière iranienne, à son égard. Pendant la campagne électorale, la plupart des organisations syndicales et ouvrières (qui sont illégales) n’ont appelé à voter pour aucun des candidats en lice, car, expliquaient-elles, aucun des candidats ne représentait les intérêts des travailleurs. Cette position était parfaitement correcte. Cependant, une fois le mouvement de masse engagé, le syndicat des chauffeurs de bus de Téhéran (Vahed) a exprimé son soutien sans faille au mouvement. De même, les travailleurs de Khodro Iran, la plus grande entreprise de l’industrie automobile du Moyen-Orient, ont organisé une grève d’une demi-heure pour soutenir le mouvement. A présent, les militants révolutionnaires iraniens discutent la question d’une grève générale contre le régime et pour les droits démocratiques.

Comme révolutionnaires, nous devons évidemment nous opposer à toute ingérence impérialiste en Iran. Ces dernières années, à l’occasion de forums internationaux, le président Chavez a correctement dénoncé les menaces impérialistes contre l’Iran. Cependant, il serait fatal de mélanger révolution et contre-révolution. La révolution bolivarienne doit être du côté du peuple iranien, des travailleurs, des jeunes et de femmes qui, dans les rues de Téhéran et d’autres villes, accomplissent leur Caracazo ou leur « 13 avril » contre le régime réactionnaire et détesté d’Ahmadinejad.

Le 18 juin, le Président Chavez a une nouvelle fois félicité Ahmadinejad pour sa réélection. Chavez a parlé de la « solidarité du Venezuela face à l’agression du capitalisme mondial contre le peuple de ce pays ». Le Courant Marxiste Révolutionnaire, au Venezuela, ne partage pas cette position. Les observations ci-dessus sont destinées à nourrir ce débat.

Les images de la répression brutale contre la jeunesse et les travailleurs d’Iran ont provoqué une vague d’indignation, dans la jeunesse et la classe ouvrière du monde entier. Conscients de cela, les médias bourgeois s’efforcent – avec un cynisme et une démagogie caractéristiques – d’assimiler le Venezuela à l’Iran – et Chavez à Ahmadinejad.

En comparant ces deux régimes et ces deux dirigeants, les médias capitalistes cherchent à semer la confusion, chez les travailleurs du monde entier, et à miner la sympathie dont bénéficie la révolution vénézuélienne. Les travailleurs et la jeunesse révolutionnaires du Venezuela ne peuvent contrer cette campagne qu’en ouvrant un débat sérieux sur le caractère réel du régime iranien, en étudiant l’histoire de ce pays et sa situation actuelle – et en manifestant notre solidarité avec la lutte que mènent nos frères et sœurs d’Iran pour conquérir ces droits dont nous bénéficions, ici, au Venezuela. Nous devons à la fois dénoncer la répression des masses iraniennes et les manœuvres des impérialistes.

En même temps que nous rejetons toute interférence impérialiste, nous soutenons le mouvement révolutionnaire des masses iraniennes contre la République islamique, pour des droits démocratiques et l’amélioration de leurs conditions de vie.

Au Venezuela, le 22 juin 2009
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Message par artza » 28 Juin 2009, 07:58

(Puig Antich @ dimanche 28 juin 2009 à 01:22 a écrit :

Du coup on peut se poser la question suivante : pourquoi Wood et ses amis - qui par ailleurs ont un petit groupe en Iran - entreraient en clash frontal avec Chavez sur la question de la fréquentabilité d'Ahmaninedjad, si il ne s'agissait simplement que d'un complot de la CIA ou, au mieux, d'une révolte de la bourgeoisie ?


Parce que contrairement à la gymnastique la politique permet toutes les contorsions. :D

...surtout s'il s'agit de petits groupes comme tu le dis dont les prises de position sont sans conséquence sur le déroulement des événements et parfois sans conséquence même pour eux-mêmes.
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Message par Puig Antich » 28 Juin 2009, 12:47

Je suis désolé mais la TMI a plus d'influence au Vénézuela qu'un simple petit groupuscule. Woods est même régulièrement invité par les autorités pour faire des conférences, etc. Du coup j'vois pas pourquoi il se grillerait en s'opposant frontalement à Chavez si ce n'est pas pour des questions de principes.
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Message par Puig Antich » 28 Juin 2009, 12:49

Par ailleurs l'influence d'un groupe polique ou autre sur la société n'est pas uniquement déterminé par sa taille. Si les choses étaient si simples il n'y aurait aucune possibilité de révolution, puisque nous resterons minoritaires bien longtemps.
Puig Antich
 
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Message par Sterd » 28 Juin 2009, 13:36

(Puig Antich @ dimanche 28 juin 2009 à 13:49 a écrit : Par ailleurs l'influence d'un groupe polique ou autre sur la société n'est pas uniquement déterminé par sa taille. Si les choses étaient si simples il n'y aurait aucune possibilité de révolution, puisque nous resterons minoritaires bien longtemps.
Ce ne sont pas les révolutionnaires qui déclenchent les révolutions.
Les révolutionnaires sont condamnés à être minoritaires tant que la situation n'est pas révolutionnaire.
Sterd
 
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