J'ai appris que les éditions Smolny (c'est pas Laffont ou Gallimard mais Smolny, c'est quand même une référence sympathique) avaient décidé d'éditer un livre de relecture critique de l'Origine de la famille d'Engels. Pour l'instant, une souscription est ouverte et l'ouvrage ne vaut que 15 euros, mais comme "tout ce qui existe mérite de périr", ceux qui attendront de voir l'ouvrage pour y croire devront payer 21 euros.
Mais 15 ou 21 euros, honnêtement, ce n'est pas cher et on ne peut pas appeler cela de l'échange inégal. Connaissant l'auteur, Christophe Darmangeat, j'ai eu la chance de lire des versions primitives de cet ouvrage sur un communisme qui ne l'est pas moins (primitif). Et le qualificatif de "bonnes feuilles" est adapté.
On sait qu'au XIXème siècle, à l'époque où Marx et Engels commencent à réfléchir et élaborer leur méthode de pensée, on n'avait guère d'idée de l'évolution des formes des sociétés humaines. On en était encore à penser que l'homme avait toujours existé sous cette forme, et ses relations avec les autres humains aussi. Lorsque Darwin publie l'Origine des Espèces, Marx est enthousiaste et veut lui dédier le Capital. Quelques années plus tard, lorsque Morgan publie son étude sur les Iroquois, qui montre que les formes de familles ont évolué elles aussi, Marx et Engels sont tout aussi enthousiastes et y voient la confirmation de leurs intuitions.
A la suite de Morgan, Engels rédige donc l'Origine de la famille,de la propriété privée et de l'Etat où il tente d'appliquer la démarche matérialiste à l'histoire des sociétés. Il ne dispose que d'un matériau fragmentaire, ce qu'on sait à l'époque, ce qu'a analysé Morgan, plus ses propres connaissances sur les Grecs et les Germains. Depuis, naturellement la démarche ethnologique dont Morgan était pionnier a acquis ses lettres de noblesse, et les sociétés les plus diverses ont été étudiées et analysées.
De ce fait, bien des conclusions d'Engels (et de Morgan), basées sur leurs maigres observations, se sont trouvées dépassées, démenties parfois. Les ennemis du marxisme en ont profité pour rejeter la méthode avec les erreurs d'observation.
L'auteur de cet ouvrage discute d'abord les observations de Morgan et les conclusions que celui-ci ou qu'Engels en tirent. Cette partie critique est bien résumée par le titre "le communisme primitif n'est plus ce qu'il était". Mais il ne se contente pas de cela. Il discute, à l'aide de la méthode de Marx, les observations faites depuis. Élargissant son propos, il passe en revue l'évolution du sort des femmes dans les sociétés humaines, pour autant qu'on puisse savoir quelque chose là-dessus, puisque, même lorsque nous observons des sociétés dites primitives, nous ne pouvons observer que des sociétés évoluées, telles qu'elles existent aujourd'hui, au terme de dizaines de milliers d'années, voire plus si on admet que nos formes ont pu (ont du) être héritées, en partie au moins, des premiers hominidés.
Le propos s'élargit donc et le livre devient en seconde partie une sorte de "Cro-Magnonne, allons voir si la rose"... et rose, la situation l'est rarement pour Cro-Magnonne !
Le livre n'est pas d'une lecture difficile. Bien sûr ce n'est pas un roman. Si on veut lire sur la préhistoire, on peut vibrer aux amours d'Alya, par la romancière américaine Jean Auel. Mais l'auteur a la sagesse d'éviter le jargon sociologique, n'employant les termes scientifiques que dans les limites du bon goût et du nécessaire, même s'il parle comme les anthropologues d'horticulteur là où un Truffaut n'y reconnaîtrait pas ses petits, dans des sociétés vivant de cueillette.
Le livre peut donc être mis toutes les mains de ceux qui ont lu l'Origine et se sont heurtés un jour aux doutes de sociologues aussi distingués qu'obtus.
Bref, 15 euros en souscription pour défendre le marxisme en actualisant ce qu'il faut actualiser, au vu des connaissances accumulées mais sans perdre de vue la démarche matérialiste, on n'est pas exploité.
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