loi Fillon validée

Message par pelon » 15 Août 2003, 14:56

Pour ceux qui s'intéressent aux pervers du conseil constitutionnel et aux politiciens qui font semblant. Ou comment un Etat bourgeois fonctionne ?

CITATION

La loi Fillon réformant les retraites a été entièrement validée par le Conseil constitutionnel
LE MONDE | 15.08.03 | 12h57
Saisie par les députés et sénateurs socialistes, la haute juridiction a rejeté tous les griefs invoqués et justifié le traitement différent des hommes et des femmes pour les enfants.
La réforme des retraites est désormais définitivement adoptée. Le Conseil constitutionnel a validé sans réserve, jeudi 14 août, la loi Fillon, rejetant les recours formés par les députés et sénateurs socialistes les 26 et 28 juillet, quelques jours après le vote définitif du texte à l'Assemblée nationale.

Ces parlementaires estimaient que "plusieurs dispositions (...) portent atteinte au principe d'égalité, en particulier en n'accordant pas les mêmes droits aux femmes et aux hommes, aux fonctionnaires et en ne prenant pas en compte la pénibilité des métiers". Sept articles pouvaient, selon eux, être jugés contraires à la Constitution. Le Conseil constitutionnel a indiqué, jeudi, qu'il rejetait, "dans leur ensemble, les griefs présentés par les requérants".

Pour les élus du Parti socialiste, le principe de l'égalité des citoyens devant la loi était affecté par l'instauration, dans le régime général, d'une bonification de deux ans de cotisation par enfant accordée aux femmes, mais non aux hommes. Dans le communiqué résumant sa décision, le Conseil constitutionnel indique en réponse : "Bien que le législateur ne puisse, en principe, faire dépendre du sexe des parents l'attribution d'avantages sociaux liés à l'éducation des enfants, il lui appartenait en l'espèce de prendre en compte les inégalités dont les femmes ont été l'objet, notamment du fait qu'elles ont interrompu leur activité professionnelle bien davantage que les hommes."

"INTÉRÊT GÉNÉRAL"

La décision relève que, "en 2001,[la] durée moyenne d'assurance [des femmes] était inférieure de onze années à celle des hommes" et que leurs pensions "demeurent en moyenne inférieures de plus du tiers à celles des hommes". Invoquant "l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation" - et qui peut justifier une dérogation au principe d'égalité - et les conséquences sociales qu'emporterait la suppression d'une telle disposition, les juges constitutionnels ont finalement estimé que le législateur pouvait la maintenir.

Les socialistes lui demandaient toutefois d'exiger son extension aux pères. Le Conseil a jugé que cela lui était impossible "sans outrepasser les limites des pouvoirs que lui a confiés la Constitution". "Au demeurant, précise la décision, la mesure demandée ne ferait, en l'état, qu'accroître encore les différences significatives déjà constatées entre les femmes et les hommes."

Les recours du Parti socialiste reprochaient à la loi de ne pas prendre en compte la pénibilité des tâches, se bornant à évoquer dans son article 3 un "traitement équitable". Le Conseil considère, lui, que "l'exigence constitutionnelle (...) implique la mise en œuvre d'une politique de solidarité nationale" et qu'il est "possible au législateur, pour satisfaire cette exigence, de choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées", en l'occurrence la négociation collective.

Etait également critiquée l'autorisation donnée par la loi au gouvernement de modifier par décret la durée d'assurance nécessaire pour disposer d'une retraite complète, jugée insuffisamment intelligible par les requérants. Considérant que la loi fixe la règle applicable et qu'il est impossible pour le législateur de "savoir comment évoluera l'espérance de vie à l'âge de la retraite", le Conseil a écarté ces griefs.

Cette décision laisse une certaine amertume chez les élus socialistes. Pascal Terrasse, porte-parole du groupe socialiste sur ce texte, s'offusque : "Une loi n'est jamais parfaite. Un texte qui a nécessité huit semaines de débat au Parlement aurait mérité un travail plus approfondi du Conseil constitutionnel, dont la célérité m'étonne." La haute juridiction avait un mois pour statuer et certains de ses membres étaient indisponibles, du fait de missions de coopération à l'étranger, la semaine du 18 août. Toutefois, ses services rappellent qu'ils suivent les textes très en amont.

Le premier secrétaire du PS, François Hollande, a, lui, estimé qu'"il y avait dans le texte des moyens qui pouvaient justifier une annulation partielle". "La contestation que nous portons n'est pas juridique, mais politique et sociale, ce qui nous amènera nécessairement, si nous revenons aux responsabilités, à revenir sur le texte."

Sophie Fay

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 16.08.03[/quote]
pelon
 
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Message par stef » 19 Août 2003, 13:50

CITATION
Après la lutte pour les retraites.
Par Jacques Nikonoff*


Les luttes du printemps pour la défense des retraites et de l'école ont été un demi-succès pour le gouvernement et un demi-échec pour le mouvement social. Pourquoi cette observation mi-chèvre, mi-chou ? Tout simplement parce que le gouvernement et le MEDEF n'ont pas atteint tous leurs objectifs.

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, les gouvernements sont largement influencés par l'analyse de la Banque mondiale dans le domaine des retraites, connue sous l'appellation de " théorie des trois piliers de la retraite ". Le premier pilier est celui de l'assistance qui doit être la " plus limitée possible ". Le second doit être constitué par des fonds de pension à cotisations obligatoires, gérés par des sociétés privées. Le troisième relève de l'épargne individuelle défiscalisée. Pour atteindre ces objectifs, la Banque mondiale recommande, en préalable, de baisser le montant des retraites et d'allonger la durée des cotisations (pour obliger " librement " les salariés à se couvrir individuellement par de l'épargne ou de l'assurance vie). Seuls ces deux derniers objectifs ont été atteints.

Le MEDEF avait deux objectifs dont aucun n'a été atteint : l'allongement à quarante-cinq ans de la durée de cotisation et la création dans le secteur privé d'un système de fonds de pension équivalent à celui du public (la Préfon).

Quant au gouvernement, ses objectifs étaient multiples.

Sur le plan politique, M. Raffarin devait donner des gages à son électorat afin que ce dernier comprenne la différence de sa politique avec celle de M. Jospin. Ce n'est qu'un demi-succès, car l'électorat le plus à droite reproche au gouvernement de ne pas être allé assez loin. Le gouvernement devait aussi, après l'élection très particulière de M. Chirac, renforcer l'influence de la majorité dans la société. Un conseiller de M. Raffarin le reconnaît : le gouvernement n'est pas parvenu à " élargir son assise ".

Sur le plan idéologique, le premier ministre voulait " gagner la bataille de l'opinion " : il a perdu. Jusqu'au bout, les sondages ont été majoritairement favorables aux grèves et aux manifestations, atteignant même près de 70 % de l'opinion publique. Ce n'est qu'à l'occasion des violences (incidents de la place de la Concorde, incendie d'un siège du MEDEF.) et des menaces d'annulation des épreuves du baccalauréat, que le soutien populaire aux luttes a perdu 10 % en quelques jours.

Sur le plan tactique, M. Raffarin voulait diviser les Français : les jeunes contre les vieux ; les fonctionnaires contre les salariés du privé ; les actifs contre les retraités. Il n'a pas réussi.

Sur le plan social enfin, M. Raffarin voulait administrer une leçon aux syndicats et aux salariés. Aux premiers, il voulait faire mettre le genou à terre ; aux seconds, il voulait montrer que rien ne servait de lutter. C'est encore l'échec.

Parallèlement, il est justifié de parler de demi-échec pour le mouvement social, car ce dernier, malgré l'échec que constitue le vote de la loi, a néanmoins beaucoup gagné lors de ce conflit.

Il a gagné en confiance : si les grèves n'ont pas été partout majoritaires, les manifestations ont été des démonstrations de force témoignant de la vitalité du mouvement social.

Il a gagné en conscience : les stratégies de l'adversaire et leur lien avec la mondialisation libérale ont été mieux compris.

Il a gagné en unité : malgré la défection de la CFDT, les principales organisations syndicales ont su rester unies jusqu'au bout, alors qu'à la base de nouvelles relations se sont souvent développées entre salariés de divers secteurs, privé ou public.

Au total, les syndicats, que beaucoup avaient enterrés, ont conduit cette lutte et ont rassemblé. Ils en sortent grandis.

Il est désormais nécessaire de réfléchir à ce qui a manqué pour gagner. Deux choses ont fait défaut : l'idéologie néolibérale est restée dominante dans plusieurs secteurs clés liés aux retraites ; toutes les forces ne se sont pas engagées dans la bataille.

La première faiblesse concerne le libre-échange. Une majorité de citoyens n'a pas cru possible l'augmentation des cotisations patronales de retraite pour résoudre leur financement. C'est le résultat de vingt ans de propagande néolibérale sur le " coût du travail " qui serait trop élevé en France. Dès lors, proposer de le faire croître davantage par l'augmentation des cotisations retraite patronales a été perçu par de nombreux salariés comme un risque pour les entreprises et, finalement, pour eux-mêmes. Les entreprises, pour échapper à cette augmentation, ne manqueraient pas de se délocaliser à l'étranger. Comme le libre-échange est un des fondements de la mondialisation libérale, et que personne ne pourrait s'y soustraire, il faudrait accepter la mise sous assistanat permanent des entreprises par l'octroi de subventions publiques massives. Sur ces questions, le mouvement altermondialiste, pas plus que le mouvement syndical, n'est encore au point. Il faut travailler d'arrache-pied à construire des alternatives au libre-échange.

Le deuxième mythe porte sur l'impossibilité qu'il y aurait à réduire les profits des entreprises pour financer la protection sociale, sous peine de mettre l'emploi en péril. L'effort de propagande néolibéral est parvenu à imposer, dans nombre d'esprits, le schéma suivant : si le " coût du travail " augmente pour mon entreprise (par l'augmentation des salaires, des cotisations sociales patronales, de la fiscalité, de l'embauche.), l'entreprise devra nécessairement augmenter les prix de ses produits ou services. Si elle ne le fait pas, les actionnaires verront leur bénéfice se réduire et quitteront l'entreprise, la privant ainsi de capital. Si l'entreprise augmente ses prix, les concurrents gagneront des parts de marché et il faudra licencier. Alors que la proposition d'élargir l'assiette des cotisations sociales patronales était de nature à contrer ces arguments, elle n'a pas été véritablement portée par le mouvement social. Rappelons ici que l'élargissement de l'assiette des cotisations sociales patronales consiste à ajouter, au calcul actuel qui se limite à la masse salariale, les produits financiers et le résultat de l'activité économique réelle de l'entreprise. La conséquence d'une telle réforme serait une cotisation sociale patronale proportionnelle à la richesse réelle créée par l'entreprise. Les petits entrepreneurs, artisans, commerçants, professions libérales et agriculteurs en auraient profité, tout comme les entreprises de main-d'ouvre.

Troisième mythe : le chômage. Certes, tout le monde ou presque reconnaît qu'il est une souffrance, mais personne ne parle plus de le supprimer. Pourtant les retraites et l'emploi sont intimement liés par l'augmentation des ressources financières pour les régimes sociaux que permet toute diminution du chômage. Aucun " autre monde " ne sera possible dans lequel des millions de citoyens resteront au chômage. Nous avons ainsi devant nous une immense réflexion à conduire pour imaginer une société sans chômage.

Autre faiblesse dans les luttes du printemps : des forces ont manqué à l'appel.

Déjà pénalisés par la privation d'emploi, la disparition de leur salaire et la perspective d'une retraite amputée par leurs " trous de carrière ", les chômeurs étaient aussi les principales victimes de la loi Raffarin-Fillon sur les retraites. Cependant, nul n'a vu dans les manifestations de banderoles et de cortèges de chômeurs. Ces derniers, au nombre de cinq millions, sont pourtant aussi nombreux que les fonctionnaires.

Les salariés du secteur privé, particulièrement dans les petites entreprises, ont peu suivi les grèves. Ils n'ont pas non plus participé en masse aux manifestations, dont certaines étaient organisées le week-end, spécialement pour faciliter leur présence.

Les jeunes, lycéens et étudiants, ont été totalement absents des luttes sur les retraites alors que l'allongement de la durée de cotisation les pénalise singulièrement. Cette absence contraste fortement avec leur mobilisation contre Le Pen, la guerre en Irak, et au Larzac.

Enfin, les petits entrepreneurs, agriculteurs, artisans, commerçants et professions libérales ont été non seulement absents, mais ont constitué les gros bataillons de ceux qui soutenaient le projet du gouvernement.

Connaissant les idées qui ont infecté les esprits et les catégories sociales qui sont restées en retrait, le mouvement social dispose du diagnostic lui permettant de redresser la situation. À nous tous, collectivement et individuellement, de faire en sorte que la prochaine bataille qui s'annonce sur l'assurance maladie soit, cette fois-ci, victorieuse !

*Président d'ATTAC France[/quote]
stef
 
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