Bertrand Cantat reste des nôtres, par Hélène Chatelain, Claude Faber et Armand Gatti
LE MONDE | 16.08.03 | 13h37 • MIS A JOUR LE 19.08.03 | 15h33
Bertrand Cantat est plus qu'un ami. Il est notre frère d'écriture, de conviction et de cœur. Nous aimons tout de lui, son regard sur le temps, ses épaules larges comme un horizon, sa poésie en forme d'étoile.
Bertrand est aujourd'hui sur une scène qui n'est pas la sienne. Dans la peau d'un personnage qui n'est pas écrit pour lui. Acteur d'une tragédie qui ne lui correspond pas et pourtant de laquelle il ne peut s'extraire. Une tragédie où tout semble irréel. Jusqu'au décor lointain de ce drame, comme s'il fallait encore plus emmêler les fils et les frontières du possible. Jusqu'à la mort impensable de Marie Trintignant, actrice et victime d'un séisme sans fondement. Pourtant, en quelques heures et quelques scènes de trop, les vies ont basculé.
La réalité a violemment entraîné deux familles dans son labyrinthe le plus sombre, enserrant des cœurs de parents, d'enfants, de frères, de sœurs et de proches dans le tissu étouffant de la tristesse et de l'inexplicable. Comme dans les tragédies grecques, deux familles doivent désormais porter en elles des fardeaux de douleur.
Et désormais l'histoire retient que Marie et Bertrand sont plus que jamais liés. Unis et indissociables. Si ce n'est qu'elle est morte, et lui, vivant. Le drame est total.
Aujourd'hui, nous restons solidement convaincus que Bertrand n'est pas fait pour le rôle que l'on veut lui attribuer. Certes, il est devenu en quelques jours un personnage profondément tragique. Mais ceux qui le connaissent, ceux qui l'ont applaudi, ceux qui l'ont accueilli dans leurs rédactions, leurs meetings, leurs rendez-vous publics, ceux qui l'ont appelé en soutien, ceux qui ont salué sa détermination, son engagement, son talent artistique, son humanisme, sa rigueur intellectuelle, sa liberté de pensée... ne peuvent l'oublier et taire la réelle personnalité de Bertrand. A moins que l'amnésie doublée de mauvaise foi soit une maladie de notre temps.
Il n'y a pas de fatalité ni de destin préécrit qui nous ferait croire que tout "rocker marginal" doit immanquablement sombrer dans le chaos. Il n'y a que des vies qui révèlent en un instant la fragilité de l'édifice. Des vies qui se craquellent comme des mosaïques et dont on peine à maintenir l'harmonie des éclats. Des vies qui s'écrivent sur des pages pas toujours aussi blanches qu'on le croit, pas toujours aussi infinies qu'on l'espère.
Bertrand Cantat reste des nôtres parce que nous refusons de renier sa vie, ses choix, son regard, sa présence, ses poèmes et ses lumières. Parce que nous refusons le rôle de spectateurs, de voyeurs et de juges que l'on veut actuellement nous imposer. Notre compagnon a besoin de retrouver son honneur. Au nom de ce qu'il est réellement. Un homme digne d'être considéré comme un frère.
par Hélène Chatelain, Claude Faber et Armand Gatti
Hélène Chatelain est cinéaste et écrivain, Claude Faber est journaliste et écrivain, Armand Gatti est auteur dramatique
quand j'ai lu cet article, j'ai failli vomir. je dois être trop sensible