Éric Pecqueur : en « guerre » à Toyota, la politique en combat
mercredi 10.02.2010, 05:05 - La Voix du Nord
Nous entamons notre série des portraits des têtes de liste aux élections régionales. Premier volet : Éric Pecqueur, de Lutte ouvrière. Délégué syndical CGT chez Toyota Onnaing, il est un placide, cultivé, orthodoxe du trotskisme et jusqu'au-boutiste. Pour lui, les élections sont une étape dans le combat, mais seule la rue peut permettre le renversement du capitalisme. Son objectif
PAR LAURENT DECOTTE
Il a cinq-six ans.
« Dis maman, c'est quoi être communiste ? »
- « Demande à ton grand-père », lui répond sa maman...
Son papy, mineur : « Les communistes, ils défendent les ouvriers, nous, on est ouvrier, alors on est communiste. » À treize ans, le jeune Éric défile pour la première fois, à Douai, au milieu des « bleus de travail ». Au lycée, il croise Lutte ouvrière alors que dans le même temps, le Parti communiste est entré au gouvernement, sous Mitterrand. « C'était un temps où la CGT demandait dans les usines à ne pas faire grève. » Aux gémonies le PC vendu, le génome de la révolution, c'est LO.
D'autant qu'Éric lycéen a entre-temps dévoré Marx, Lénine et Trotsky. Pas de compromis avec le réformisme. Il convainc même son père, ouvrier en bâtiment, de rejoindre le parti. « Lutte », « ouvrière » et « Lutte ouvrière », des mots qui désormais colleront aux cheveux ras d'Éric Pecqueur.
Ouvrier, il le devient après une année à la fac. Il travaille treize ans en intérim, précaire, mais militant malgré tout. « Le 27 mars 2000, je suis embauché chez Toyota. » On ne sait dire si ses yeux brillent à cette évocation parce qu'elle signifie stabilité ou alors si cette date représente pour lui le début du vrai combat. Six mois plus tard, Éric Pecqueur y présente seul une liste CGT. Il est élu avec 15 % des voix et entame son travail de « conscientisation politique » de la classe ouvrière. « Il est calme, cultivé et parle bien, c'est un peu notre conseiller », confie Jean-Christophe Bailleul, délégué CGT et sympathisant LO.
« Mettre le feu » Éric Pecqueur est CGT par défaut. « Il y a un malaise. La base voudrait une grandelutte. » Il est très critique envers Bernard Thibault. « Mais si vous prenez votre carte à la CGT, il vous proposera un bulletin d'adhésion à LO », tacle Maryline Dumoulin, secrétaire CFDT chez Toyota. « C'est un homme de parole, voilà le seul compliment que je puisse faire à son sujet. Mais son seul but, c'est de mettre le feu. Un jour, les Japonais partiront.
» Quand on lui demande combien d'ouvriers de son usine il a su rallier à LO, il préfère ne pas répondre. « Vous savez, là-bas c'est laguerre. » Notamment depuis avril, quand la première grève jamais survenue chez le constructeur éclate avec pour meneur, Éric Pecqueur. Il passe à la télé, dans les journaux. Certes il est déjà porte-parole régional du parti, a été candidat aux élections législatives dans le Valenciennois, et est conseiller municipal à Orchies - « peu investi », selon le maire, le socialiste Dominique Bailly -, mais cette médiatisation lui offre une notoriété régionale.
« Candidat naturel » « C'est notre candidat naturel », s'enthousiasme Nicole Baudrin, numéro un du groupe LO à la Région (sept élus) entre 1997 et 2004. « Nous avons voté 80 % des délibérations, mais pas les subventions aux entreprises », indique-t-elle. « Si nous sommes élus - avec le nouveau mode de scrutin, c'est quasiment impossible -, nous serons les yeux et les oreilles des travailleurs », poursuit Éric Pecqueur. Les élections importent peu, ce qui compte, ce sont les mobilisations.
Mais pourquoi pas unis avec le NPA par exemple ? « On n'a pas grand-chose à voir avec ces gens-là qui, par endroits, font liste commune avec le Front de gauche et donc les socialistes. » « Le NPA, ils ont des idées genre écolo... », critique encore un camarade de M. Pecqueur. Pas un gros mot, mais pas la priorité pour les travailleurs. Au fait, qui sont les « travailleurs » « travailleuses » si chers à Arlette ? « Tous les salariés », chefs compris.
D'ailleurs, à l'usine, Éric Pecqueur est « team leader ». Il a un petit groupe sous sa coupe. Mais lui rêve d'une armée de travailleurs pour conduire « l'explosion sociale ». « La violence, on n'est pas pour, mais si on reprend les usines qui nous appartiennent, pas sûr que les patrons soient d'accord. » •