La production de logiciels

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Jacquemart » 19 Juil 2010, 16:33

a écrit :2) Le travail pour produire le logiciel de compta crée de la valeur et cette valeur est transmise aux boites :
Dans ce cas nous aurons bien égalité entre la valeur produite et les revenus. Mais que ce passe-t-il alors ?
a) Supposons que le comptable n'a pas de logiciel (il fait tout à la main). La valeur créée est donc juste la valeur des boites.
b ) Supposons maintenant que le comptable pour se simplifier la vie crée un logiciel mais pas très doué il met le même temps pour faire le logiciel et sa compta que pour faire sa compta seule.
Vous conviendrez qu'il y a autant de valeur créée que dans le cas a).

Moi, je ne suis pas certain de convenir... :-P
Le comptable qui passe la moitié de son temps à fabriquer un logiciel (même de compta) est donc à mi-temps un salarié qui ne s'occupe plus de faire changer une marchandise de forme, mais de produire un bien. Celui-ci n'est certes pas vendu, et n'est donc pas une marchandise. Mais cette partie de son travail devient productive selon la définition de Marx.
Et c'est pourquoi le problème ne se situe pas au moment de l'externalisation (qui ne change effectivement pas la donne), mais au moment où le travail du comptable cesse partiellement d'être consacré à procéder à la circulation des marchandises.

Cela dit, de toutes les parties de la théorie de Marx, celle sur le travail productif est loin d'être la plus claire. En fait, Marx a développé ses concepts dans un cadre polémique, répondant dans divers textes à tel ou tel économiste qui l'avait précédé ; mais nulle part il n'a procédé à un exposé systématique - sans compter que les activités potentiellement improductives ont bien évolué depuis Marx.

Certains économistes se réclamant du marxisme, en tout cas, suggèrent de remettre l'affaire à plat, comme par exemple dans cet article (je préfère dire tout de suite que je n'ai pas d'opinion tranchée sur le sujet, n'y ayant pas suffisamment réfléchi).
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Message par quijote » 19 Juil 2010, 23:56

une question à Jacquemart au delà des étiquettes trop détaillées , donc comme tous les étiquetages ne pouvant prendre en compte la réalité complexe , car les choses être peuvent exprimer des réalités contradictoires , être et ne pas en même temps dans un processus dialectique , évolutif ; ainsi ce travail du comptable qui vise à long terme à perfectionner l 'outil du travail , qui doit normalement se généraliser , s 'il est bon .. c (est 'un peu le cas de la recherche , pas vraiment productive dans l 'immédiat de l 'ingénieur , avec ses nombreux essais et erreurs ,) mais qui représente l 'effort de la science pour améliorer la technique même si ça profite aux capitalistes en définitive car nous sommes sous le capitalisme .. et elle est motivée en grande partie par la recherche du profit..

Par ailleurs , les logiciels ça se vend aussi ( cf Microsoft) ...

ET tout ça ne change rien à l analyse Fondamentale de Marx.. dur le rapport entre la capital et le travail .. je pense du moins ..
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Message par Jacquemart » 19 Juil 2010, 23:58

a écrit :une question à Jacquemart

Euh... ousqu'elle est la question ? :huh:
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Message par quijote » 20 Juil 2010, 08:37

(Jacquemart @ mardi 20 juillet 2010 à 00:58 a écrit :
a écrit :une question à Jacquemart

Euh... ousqu'elle est la question ? :huh:
pas une "question" , un point de vue pour complêter (?) ..
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Message par Belon » 20 Juil 2010, 20:19

(Jacquemart @ lundi 19 juillet 2010 à 17:33 a écrit :Moi, je ne suis pas certain de convenir...  :-P

Cas 2) a) En entrée nous avons une certaine quantité de travail social du comptable. En sortie disons un bilan comptable.
Cas 2) b ) En entrée nous avons la même quantité de travail social du comptable. En sortie le même bilan comptable. (Le logiciel ne fait ici qu'un cycle pour simplifier).

Peu importe comment le comptable a fait son bilan; Il a dépensé la même quantité de travail social. Donc la valeur créée en 2) a) est égale à la valeur créée en 2) b ).
N'est-ce pas la base de la théorie de la valeur chez Marx qu'il a emprunté à Adam Smith et à bien d'autres ?
Ici la valeur est nulle.
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Message par Ottokar » 21 Juil 2010, 07:18

(Jacquemart @ lundi 19 juillet 2010 à 16:33 a écrit :
Cela dit, de toutes les parties de la théorie de Marx, celle sur le travail productif est loin d'être la plus claire. En fait, Marx a développé ses concepts dans un cadre polémique, répondant dans divers textes à tel ou tel économiste qui l'avait précédé ; mais nulle part il n'a procédé à un exposé systématique - sans compter que les activités potentiellement improductives ont bien évolué depuis Marx.

j'avoue je n'ai pas tout lu, ni les 30 pages postés par Jacq, ni relu les chapitres du Livre II. Mais je crois que le problème est là. Nous cherchons à faire coller nos concepts modernes sur Marx qui polémique avec des gens au XIXème.

Adam Smith et Ricardo, auxquels Marx se réfère en les critiquant, distinguaient le travail productif de la consommation. En gros, si je suis riche et que je dépense mon argent à acheter une machine, du travail d'ouvrier, je m'enrichis. Si je dépense ce même argent à me payer des domestiques, je consomme, et je m'apauvris. C'est de là que vient cette distinction entre travail productif et non productif, élargi par Marx aux faux frais de la circulation, où la forme capitaliste de la marchandise qui impose d'autres frais tout aussi inutiles, dans le commerce, la comptabilité, etc.

Au XIXème, d'autres penseurs comme Jean Baptiste Say, affirmaient qu'il n'y avait aucune distinction, et que tout ce qui s'achetait était utile et devait être comptabilisé.

A notre époque, on compte dans le PIB tout ce qui se vend, ou qui est fabriqué à l'aide d'éléments qui se vendent, comme le travail des administrations. C'est donc plus ou moins la conception de Say qui s'est imposée.

Mais sans entrer dans des discussions byzantines, avouons que si le PIB diminue parce que le gens arrêtent de fumer, ce sera mieux. Puisqu'on est dans les exemples absurdes, supposons que la moitié de l'humanité gagne sa vie à servir l'autre, tandis que l'autre moitié va être femme de chambre ou domestique à son tour, le PIB enregistrera les deux flux croisés, mais on n'aura strictement rien produit...
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Message par domino » 21 Juil 2010, 14:08

J'avais bien conscience de soulever quelque chose d'assez touffu voire polémique. Heureusement, il n'y a pas a priori un enjeu énorme derrière ces questions !

Je me sens bien trop néophyte pour formuler un avis tranché.
Mais c'est vrai qu'en relisant Roubine ou Marx il me semble que j'avais confondu des notions distinctes.
Peut-être d'un côté la définition du travail productif, au sens du capitalisme, et de l'autre la question de savoir si le travail en question participe ou non à la reproduction du capital.
Et cette dernière question donne sans doute beaucoup à réfléchir, car comme dit Belon elle est posée au niveau "macro".

Cela dit, pas que je tienne absolument à les différencier, mais les marchandises-logiciel ont encore quelques complexités...

Par exemple : temps de travail socialement nécessaire -> valeur d'échange du logiciel ?
peut-être...
mais en tous cas, passé le premier cycle, c'est une marchandise qui peut être clonée quasi-instantanément... (oui je sais c'est mal, mais considérons que je parle de logiciels libres uniquement) contrairement à la plupart des marchandises.
Ca pose entre autre la question de la nature de l'argent que continue de percevoir l'entreprise en revendant un énième exemplaire de son logiciel... Est ce que ce n'est pas du vol ?

(Allez on relance la machine malade du cerveau !)
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Message par Jacquemart » 21 Juil 2010, 17:39

a écrit :Cas 2) a) En entrée nous avons une certaine quantité de travail social du comptable. En sortie disons un bilan comptable.
Cas 2) b ) En entrée nous avons la même quantité de travail social du comptable. En sortie le même bilan comptable. (Le logiciel ne fait ici qu'un cycle pour simplifier).

Peu importe comment le comptable a fait son bilan; Il a dépensé la même quantité de travail social. Donc la valeur créée en 2) a) est égale à la valeur créée en 2) b ).

Sauf que tout le problème n'est pas de savoir s'il s'agit du travail du comptable, mais d'un travail de comptabilité (plus exactement, d'un travail consistant à faire changer la valeur de forme). Et là, bien que les apparences comptables soient les mêmes, selon les critères de Marx, du point de vue de la valeur, le résultat est différent.

a écrit :N'est-ce pas la base de la théorie de la valeur chez Marx qu'il a emprunté à Adam Smith et à bien d'autres ?

Ben justement, sur la question précise du travail productif, Marx se distingue de Smith. Comme le souligne Ottokar, la vieille question déjà traitée par Smith était : pourquoi employer un domestique n'a pas du tout le même résultat qu'employer un ouvrier. La réponse de Smith était que dans le premier cas, le salaire que verse l'employeur est une dépense en pure perte alors que dans le second, c'est un investissement destiné à produire du profit.

Mais Marx rajoute une seconde question, toute nouvelle : parmi les salariés d'un capitaliste, tous contribuent-ils à créer une valeur nouvelle, valeur qui formera le "gâteau" dont tous les revenus (salaires, profits, rentes) seront tirés. Et sa réponse était que certains salariés (en fait, certaines tâches) n'étaient pas créatrices de valeur, contrairement à d'autres.

a écrit :Peut-être d'un côté la définition du travail productif, au sens du capitalisme, et de l'autre la question de savoir si le travail en question participe ou non à la reproduction du capital.

Effectivement, même ces travaux "improductifs" au sens de Marx (banque, assurance, commerce, publicité, etc.) participent à la reproduction du capital et lui sont indispensables.

Les muscles consomment de l'oxygène, contrairement aux poumons qui en captent. Mais il faut tout de même des muscles, ne serait-ce que pour actionner les poumons...
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Message par Belon » 22 Juil 2010, 18:51

(domino @ mercredi 21 juillet 2010 à 15:08 a écrit :Par exemple : temps de travail socialement nécessaire -> valeur d'échange du logiciel ?
peut-être...
mais en tous cas, passé le premier cycle, c'est une marchandise qui peut être clonée quasi-instantanément...  (oui je sais c'est mal, mais considérons que je parle de logiciels libres uniquement) contrairement à la plupart des marchandises.
Ca pose entre autre la question de la nature de l'argent que continue de percevoir l'entreprise en revendant un énième exemplaire de son logiciel... Est ce que ce n'est pas du vol ?

Domino,
Tu poses trois cas distincts (je parle ici du jeux vidéo par exemple) :
Quand le logiciel est vendu, la valeur d'échange du logiciel est répartie dans toutes ses copies achetées. L'entreprise de logiciels n'attend pas de rentabiliser son logiciel à la première vente mais sur l'ensemble des ventes du logiciel. Tu poses le problème comme si toute la valeur était concentrée dans la première copie vendue. Si c'était le cas elle serait hors de prix.

Par contre si des particuliers copient le logiciel sans l'acheter leurs copient créent des valeurs utiles sans créer de valeurs d'échange. C'est bien-sûr un scandale pour les capitalistes qui ne se choquent pas de l'"inutilité" de bien des valeurs d'échange.

Dernier cas que tu poses, les logiciels libres. Eh bien pas d'achat pas de valeur d'échange. Ca ne va pas plus loin.
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Message par domino » 23 Juil 2010, 13:23

a écrit :Tu poses le problème comme si toute la valeur était concentrée dans la première copie vendue


Non non certes, mais il faut avouer que la question se pose bien à un moment donné!

Si la plus-value créée par les travailleurs-programmeurs est réalisée par la somme (inconnue) des ventes, elle ne dépend pas "que" du travail incorporé.

En fait, il me semble qu'on peut dire que :
-l'entreprise reste propriétaire du logiciel,
-elle vend une licence qui en "accorde" l'utilisation à M. Untel

Dans ce cas le prix de la licence est partiellement déconnecté du travail incorporé. En tous cas, quand la somme des ventes le dépasse, il y a bien une partie du "profit" qui n'en provient pas. A ce titre on dirait que le propriétaire des logiciels est une sorte de rentier... Comme la famille qui conserve héréditairement les droits d'auteur d'un cinéaste ou d'un écrivain?

Je pense dans la vente de "produits culturels" s'exprime particulièrement bien le fait que la forme de propriété capitaliste est une absurdité et un carcan pour l'art (et la science via les brevets).

(Et le logiciel libre n'est pas forcément gratuit.)

Tout ça reste bien sûr ouvert, mais sans partager ce point de vue je risque de ne pas voir les contre-arguments.
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