(colbleu @ mardi 25 janvier 2011 à 23:22 a écrit : Moi je ne vois pas la révolution et les interventions de MajnûnLayla et de Maxence ne m’ont pas convaincu. Car demander la chute du gouvernement, le départ du gouvernement et une assemblée constituante, de même que de vouloir en finir avec la dictature, pour ma part n’a rien de révolutionnaire. Car ça ne change pas les rapports sociaux capitaliste de domination d’une classe sur une autre.
Vous me dites que c’est important la démocratie et les libertés démocratique, mais dans le même temps Maxence salut le mouvement spontané des masses tunisienne. Maxence tu n’explique pas comment cela c’est passé. Pour ma part, ça c’est passé par les manifs, par les grèves, par se donner des moyens d’expression et d’information pour faire connaître la lutte et pour que la solidarité s’exprime, voila encore une leçon que nous apporte ce mouvement social en tunisie. Il n’y a pas besoin de liberté démocratique pour que la lutte s’exprime
Colbleu
Ce sont de drôles d'oeillères, camarade, qui te font opposer "révolution démocratique" et "révolution sociale" en Tunisie. On dirait qu'il te faudrait des soviets purs et durs sortis de la cuisse de Lénine, et l'exigence immédiate de l'expropriation du capital pour que tu la voies, la révolution sociale. Eh bien, cela ne s'est jamais passé comme ça, même pas en Russie.
La réalité de ce qui se passe en Tunisie, c'est que c'est le prolétariat qui s'est engagé en masse et qu'il assume, conjointement, revendications démocratiques et revendications sociales. Dans un premier temps, le prolétariat a entraîné derrière lui toutes les couches de la société, parce que le mot d'ordre "dehors Ben Ali" fédérait jusqu'à des pans de la mini-bourgeoisie tunisienne.
La puissance de ce mouvement a contraint, pour un temps limité, le "gouvernement" vertébré par le RCD a concéder y compris un certain nombre de libertés démocratiques. Voilà des bourgeois et petits bourgeois très satisfaits de la situation actuelle, libérés de la tutelle maffieuse des Trabelsi, guère reconnaissants de ce qu'ils doivent aux masses, et qui à nouveau regardent les grèves d'un oeil assez peu amène. Voilà les flics qui après de fausses "fraternisations" recommencent à user des grenades lacrymogènes. Voilà l'armée qui dresse des barrages, son général qui affirme qu'il "défendra les institutions" de la dictature. Le prolétariat, lui, se bat pour en finir complètement avec la dictature. Voilà pourquoi j'estime que la révolution tunisienne a commencé, seulement commencé.
Ce mouvement illustre une fois de plus la théorie de la révolution permanente, selon laquelle jusqu'aux tâches démocratiques "bourgeoises" ne peuvent être accomplies que par le prolétariat à notre époque.
Tu veux savoir "comment ça se passe"? Dans plusieurs villes du centre du pays les flics ont été chassés, l'administration quotidienne de la ville est le fait des comités populaires. Les masses se sont approprié les locaux de l'UGTT, comme à Gafsa en 2008 - et à Gafsa en 2008 elles ont commencé par chasser le dirigeant local de l'UGTT, avec l'aide de la masse des militants syndicaux. Les comités assurent le ravitaillement, l'organisation des manifestations, des barrages, des groupes d'autodéfense. On ne peut pas parler de soviets, mais c'en est le germe à l'évidence.
D'un côté les masses expriment massivement leur volonté de liquider le "gouvernement" Ghannouchi. 90% de gravistes dans l'enseignement primaire lundi et mardi. Grève générale à Sfax et manifestation de 50 000 travailleurs et jeunes scandant "le peuple veut la chute du gouvernement". Vélléités - m'apprend-on de là-bas - de grève chez les dockers, les personnels communaux, les éboueurs. Marche des 1000 devant la Primature.
De l'autre: tous les partis politiques dans les magouilles pour trouver une formule gouvernementale qui leur convienne. La direction de l'UGTT vendue à la dictature, qui deux jours avant la chute de Ben Ali se félicitait de le rencontrer, avait accepté de siéger au gouvernement Ghannouchi avant d'être mise en échec par sa base, et aujourd'hui impose la reprise du travail dans l'enseignement, appelle au "fonctionnement normal" des entreprises, met en garde contre "les atteintes à l'unité syndicale" (c'est-à-dire la mise en cause des dirigeants soumis à la dictature). Parce que la direction de l'UGTT a repris des "discussions" avec Ghannouchi, "discussions" dont Ghannouchi a déjà dit qu'elles n'inclueraient jamais le départ des principaux ministres RCD!
Le gouvernement s'appuie sur la direction de l'UGTT pour tenter de réaffirmer l'état d'urgence décrété par Ben Ali. Le RCD organise contre-manifstations et provocations sous l'oeil bienveillant des flics. Les directions syndicales, la CSI, et jusqu'à l'essentiel de l'"extrême gauche" clame son "soutien à l'UGTT" soudain devenue une pure organisation de lutte (alors que cela exigerait d'expulser sa direction pourrie). Sarkozy mandate Ghannouchi pour organiser les élections à sa guise. Obama a envoyé Feltman pour se concerter avec Ghannouchi et l'armée.
Notre place est d'un côté de la barricade, je te laisse deviner lequel. Inconditionnellement: il serait obscène de faire le tri entre les "bonnes" revendications estampillées "100% révolutionnaires" et les autres, bassement "démocratiques".