Tu parles de la situation française...
S'il devait se passer quelque chose ici, je pense que la tonalité serait tout de suite plus politique de toute façon.
(Lutte Ouvrière n°2235 du 3 juin 2011 a écrit :
Espagne - Le mouvement du 15 mai à un tournant
Tout au long de la semaine du 22 au 29 mai, les campements installés sur les places centrales des grandes villes d'Espagne ont continué. Et ils devraient continuer au moins dans les jours à venir.
Mais, après deux semaines, le nombre d'occupants s'est un peu réduit et, depuis une semaine, les assemblées discutent de mettre en place des comités de quartier et d'abandonner l'occupation des places publiques. La popularité du mouvement a fait que les jeunes qui se sont rendus dans des quartiers de diverses villes ont été accueillis avec enthousiasme. Cela a suscité la constitution d'assemblées locales informelles, mais où les gens discutaient de la situation et de l'avenir.
Les autorités restent pour l'instant prudentes et laissent faire. Les réactions hostiles à l'intervention de la police à Barcelone, le vendredi 27 mai, ont incontestablement incité le gouvernement socialiste et les dirigeants de droite des villes ou des régions à ne pas trop brusquer les choses. Ainsi la mairie de Malaga, qui devait faire défiler des fanfares militaires devant l'hôtel de ville le dimanche 29 mai, à l'occasion du « jour des forces militaires », en présence du roi Juan Carlos, a décidé de ne pas toucher au campement des « indignés » qui campent justement sur la place de l'hôtel de ville, avec évidemment une multitude de slogans pacifistes. Les fanfares ont défilé finalement devant les arènes de la ville.
Cela dit, la droite piaffe d'impatience et déclare que l'on ne peut pas tolérer indéfiniment ces « foyers d'insalubrité ».
Parallèlement, les représentants du mouvement estiment que la forme du campement ne pourra pas durer longtemps. Et ce, d'autant plus que la perspective amorcée est d'aller constituer des comités de quartier, partout où des participants du mouvement s'en chargent. Ces comités de quartier décident de leurs revendications et de leurs initiatives. Cela a commencé à se faire à Madrid, Barcelone, Séville.
Tout dépendra donc, dans les jours qui viennent, de la mobilisation de ceux qui s'associent à ces comités, des revendications qu'ils mettront en avant et de leur volonté de se tourner vers les travailleurs et de les entraîner dans la lutte.
Jusqu'à présent le mouvement exprime combien la jeunesse en a assez du chômage, de la précarité, de la dégradation des conditions de vie, de l'augmentation des prix, des bas salaires et de la misère dans laquelle vivent des millions de familles. Il traduit une contestation générale face à la situation et trouve une solidarité dans les classes populaires.
Pour le moment le mouvement cherche sa voie. Ceux qui l'animent disent que pour maintenir l'unité, il faut rejeter la politique. Pas seulement la politique des politiciens, mais aussi les références à des partis. Leur mot d'ordre de référence est « Démocratie réelle, tout de suite ». La plate-forme élaborée contient la revendication d'une réforme électorale instaurant une représentation proportionnelle dans les institutions et le recours à des référendums populaires pour les problèmes importants. Quatre autres grandes revendications concernent notamment le chômage et les maux liés au fonctionnement du système bancaire. Il semble maintenant que les dirigeants de fait du mouvement s'orientent vers une simplification de la plate-forme, qui consisterait à gommer des questions comme le chômage, les bas salaires et diverses revendications du monde du travail, qui sont au cœur des problèmes de la société. Au nom de l'apolitisme et de l'unité, certains des responsables du mouvement voudraient sans doute mettre de côté les intérêts économiques et politiques de la jeunesse et des travailleurs. Mais il n'est pas dit que cela les empêche de les mettre en avant dans le mouvement et dans les luttes sociales et politiques à venir.
Jacques MULLER
(Lutte Ouvrière n°2235 du 3 juin 2011 a écrit :
Espagne : Une bouffée d'air et une effervescence communicative
Un des aspects des campements est l'effort fait pour que rien ne puisse laisser penser qu'il s'agit de jeunes en goguette ou ivres : nettoyage deux fois par jour, interdiction de l'alcool, structures décorées et slogans qui marquent la volonté de donner une autre image de la jeunesse que celle qui existait jusqu'ici.
Un des slogans populaire est « No es botellón, es la Solución » (Ce n'est pas une beuverie, c'est la Solution). Cet aspect du mouvement du 15-mai a contribué à ce que les indignados gagnent la sympathie de militants syndicalistes, de travailleurs et de familles qui viennent assister aux assemblées. La volonté de s'opposer aux partis politiques, le pacifisme affiché est partout présent. Et ce alors que les slogans des manifestations sont sans tendresse pour les banquiers et les politiciens, vertement vilipendés.
A propos des banques, par exemple, lors de la manifestation du dimanche 29 mai à Séville, qui a regroupé 20 000 personnes, des groupes de participants s'arrêtaient devant chaque agence de banque (et elles sont nombreuses dans le centre-ville) pour crier en les montrant du doigt : « Encore une caverne d'Ali Baba, allons chercher les 40 voleurs. » Parfois des groupes entraient dans certaines agences en levant les mains et en criant : « C'est une attaque, c'est nous qui sommes volés. » Et l'un des slogans les plus populaires est : « Ce n'est pas une crise, c'est un vol. »
Les politiciens sont traités de voleurs sous la forme d'un slogan repris partout : « Il n'y a pas assez de pain pour autant de chorizos » (le mot chorizo signifiant « voleur » en argot). Un slogan sur la démocratie dit : « Ce n'est pas la démocratie, c'est Botin », Botin étant un banquier reçu par les différents gouvernements, et notamment le gouvernement socialiste.
Tous ces slogans, repris par des milliers de jeunes, étudiants, chômeurs, avec des gens sur les trottoirs qui applaudissent ou sourient, contribuent à alimenter les discussions dans les rues, les bars et les boutiques et redonnent le moral à bien des militants.
C'est cela la richesse de ce mouvement jeune et effervescent, qui redonne moral à tous ceux qui pensent que les conséquences de la crise pour les classes populaires ne sont pas une fatalité
J. M.
a écrit :Ils parlent de "vraie démocratie" ... prenons les aux mots ... participons à leurs démocraties ... on trouvera un écho ... des ami(e)s ... des sympathisant(e)s, de futur(e)s militant(e)s ... en tous cas c'est une grande expérience internationale depuis la crise des "Subprimes" : émeutes de la faim, grève générale aux Antilles avec leurs conséquences dans la métropole et dans les Dom Tom, les grèves en Europe dont la défense des retraites dans ce bled, les révoltes dans les pays arabes ... bref, les jeunes et les travailleurs ne veulent pas payer la crise des capitalistes .. jusqu'à vouloir changer la société ... aussi petit qu'on soit, aussi groupusculaire qu'on soit, même si on est tout seul, on l'est plus, on peut que grossir dans ces événements planétaires !
(Lutte Ouvrière n°2238 du 24 juin 2011 a écrit :
Dans le monde
Espagne - Un mouvement qui ne faiblit pas
À Madrid, Barcelone, Séville et dans une soixantaine de villes espagnoles, ce sont des milliers de jeunes, de travailleurs qui, dimanche 19 juin, ont sillonné les rues, occupé les places pour brandir des pancartes dénonçant le chômage, les banques ou la corruption, et pour crier leur volonté de refuser de payer la crise.
Plus nombreux encore que lors des rassemblements précédents, les « indignés » ont fait la preuve que leur mouvement ne faiblissait pas après la levée des « campements », mais surtout après toute une campagne de dénigrement lancée une semaine auparavant par la droite, mais suivie par le Parti socialiste. Celle-ci ne les nommait pas les indignés, mais les « violents », faisant ainsi l'amalgame avec les actions des « violents » basques, réprouvées par une fraction non négligeable de la population.
Le samedi 11 juin en effet, alors qu'un peu partout les nouvelles équipes municipales ou régionales, de droite pour la plupart, qui intégraient leurs postes après les élections, étaient apostrophées par les indignés, des incidents ont eu lieu à Barcelone. Bien que très mineurs et pas sans provocation policière, ils furent vite montés en épingle par la presse aux ordres. Mais plutôt que de dénoncer la violence policière et la manœuvre elle-même, le mouvement du 15 mai s'est démarqué des incidents, se drapant dans la non-violence et affichant son pacifisme. Les discussions à ce sujet ont abondé, non plus dans les « campements » mais dans les assemblées et toutes les commissions du mouvement.
Car ce sont celles-ci aujourd'hui qui fonctionnent et ont organisé un certain nombre de choses, comme les actions du 11 ou du 19 juin. À Madrid par exemple, c'est des quartiers que sont partis les différents cortèges qui confluaient au centre de la ville et qui grossissaient au fur et à mesure du parcours.
Il y a aussi les actions plus locales. Une résolution prise par beaucoup est l'engagement à s'opposer aux expulsions de logements. Cela se met en pratique dans bien des quartiers, mobilisant des dizaines d'habitants. Les expulsions touchent des milliers de familles qui, avec la crise, non seulement voient leur maison confisquée mais doivent continuer à payer le crédit !
Le mouvement qui a commencé le 15 mai (15-M) est très populaire. Cela s'est vu le 19 juin à Madrid par exemple quand, dans les quartiers, les personnes âgées dans l'impossibilité de manifester se mettaient aux fenêtres pour applaudir ; ou quand les personnels de santé sortaient de leur établissement pour manifester leur solidarité. Et les assemblées se font l'écho des inquiétudes et de la colère des travailleurs. Ainsi, dimanche 19 juin, les banderoles dénonçant les banquiers, les patrons, le chômage, ont noyé bien souvent celles « contre le pacte de l'euro », mot d'ordre des représentants de « Démocratie réelle, maintenant », qui voudraient mettre en avant la responsabilité de la politique de l'Union européenne, d'Angela Merkel, plutôt que celle des patrons, des capitalistes, y compris bien sûr espagnols.
Parallèlement, les attaques du gouvernement continuent. Il vient d'approuver un décret-loi sur les négociations collectives qui permet aux patrons de licencier encore plus facilement et à moindre coût, alors que plus de 20 % de la population sont déjà au chômage et que les salaires des travailleurs sont continuellement revus à la baisse.
Aujourd'hui, bien des travailleurs sont contents de pouvoir manifester leur mécontentement avec les autres indignés, dans la rue et le quartier, à défaut d'oser le faire dans leurs entreprises par peur du licenciement et du chômage. Le mouvement du 15-M, loin d'être fini, est bien vivant. S'il contribue à mettre à l'ordre du jour l'exigence que ce soit aux responsables de la crise, aux banquiers, aux capitalistes, de payer celle-ci, il peut être un pas vers la riposte indispensable du monde du travail.
Hélène GRILLET
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