"Sans doute un jour, nos arrières petits enfants qui utiliseront des technologies mille fois plus puissantes que les notres rieront bien en se souvenant de nos débats."
Cette vision du communisme est une sorte de mix entre youri gagarine sur une carte postale retouchée et les utopies de science-fiction avec familles souriantes en combinaison hi-tech virevoltant dans le dédale d'une cité futuriste.
Voici pour la "gelée grise" (vers le troisième tiers du texte) et le reste :
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"Si les chercheurs nous leurrent avec "des machines à récurer les artères, des correcteurs de gènes, des tueurs de virus et de tumeurs, des puces mille fois plus puissantes que les ordinateurs actuels, des capteurs d'énergie solaire à haut rendement ou des armées de milliards de robots capables de dépolluer sols et nappes phréatiques" (Libération, 2-3/12/00), il s'en trouve au sein du système pour trahir leur effroi.
"Les technologies que je pointerais du doigt comme particulièrement inquiétantes pour les cent prochaines années sont les nanotechnologies, l'intelligence artificielle et les biotechnologies (…).
Avec les nanotechnologies (c'est-à-dire la possibilité de créer des robots minuscules capables de manipuler directement les atomes) se pose le problème de la masse visqueuse grise : ces nano-entités pourraient se multiplier jusqu'à réduire le monde à une masse gluante. Quant aux biotechnologies, il est évident que nous avons là un gros problème, car elles se rapprochent des nanotechnologies et de l'intelligence artificielle. Une fois que nous aurons commencé à implanter des nanotechnologies dans des organismes et que nous nous mettrons à élever des bactéries à capacités nanotechnologiques, nous serons en mesure d'aller bien plus loin que le Borg (un être monstrueux amalgame de technologie et de chair) de Startrek. Et ces organismes surhumains pourraient ne pas beaucoup nous aimer…" (Ian Pearson, chercheur en cybernétique. New Scientist dans Courrier International, oct 02).
"L'impact des technologies de l'information sur les cinquante prochaines années sera plus important que tout ce que nous connaissions jusqu'alors, puisque les ordinateurs nous permettront de modéliser puis de transformer le monde physique. Le Human Genome Project marque les débuts de la biologie en tant que science de l'information, et la nanotechnologie, qui offrira les moyens de concevoir et de manufacturer des produits à l'échelle de l'atome, n'est pas loin derrière (…). Ces nouvelles sciences du XXIe siècle – génétique, nanotechnologie et robotique (nous abrègerons en GNR) – pourraient bien créer une masse gigantesque de nouvelles richesses, peut-être de l'ordre d'un million de milliards de dollars. Cette prodigieuse création de richesses, accompagnée des autres impacts des nouvelles technologies, débouchera sur des changements infiniment plus importants que ceux des deux premières phases de la révolution industrielle (…).
Très certainement, l'ingénierie génétique pourra permettre l'eugénisme, ce qui nous obligera à décider qui nous voulons être ; les spécialistes de la nanotechnologie pourront changer arbitrairement le monde physique, et il nous reviendra de décider dans quel genre de monde nous souhaitons vivre ; les ingénieurs de la robotique pourront mettre en marche des machines plus puissantes et plus intelligentes, dont le pouvoir nous menacera, de sorte que nous devrons décider, avant de créer de telles espèces, si nous (du genre homo sapiens) voulons continuer à exister (…).
Grâce aux biotechnologies, les nanotechnologies seraient à même de détruire la biosphère, une armée de robots complètement cinglés comme nous n'en voyons encore que dans les films pourrait débouler (…). Plus encore, certaines technologies sont si dangereuses – les nanotechnologies illimitées, par exemple – que nous devrions purement et simplement en interdire la pratique, comme le reconnaissent certains des nanotechniciens les plus en pointe" (Libération, 24/08/00).
L'auteur de ces lignes, Bill Joy, est directeur scientifique et co-fondateur de Sun Microsystems, l'une des plus grosses boîtes d'informatique américaines, il a été nommé vice-président du Comité présidentiel consultatif des technologies de l'information des Etats-Unis, créé pour servir de "guide et de conseil dans tous les secteurs de l'information high tech, d'accélérateur du développement des technologies de l'information, vitales pour la prospérité américaine du XXIe siècle".
Pour les internautes, il est surtout l'inventeur du langage Java, "cet incontournable standard du net", dit le Daubé, dans son compte-rendu d'inauguration du nouveau site de recherche et développement de Sun Microsystems, voici un mois, à Montbonnot.
"Pour les personnalités invitées, à commencer par le préfet, Alain Rondepierre, cette ouverture vient renforcer "l'intelligence" d'une vallée qui déploie ses seniors de l'innovation technologique jusqu'à Crolles et son prometteur triptyque STMicroelectronics) Philips – Motorola. Une opinion partagée par Jim Mitchell et David Nelson-Gal, vice-présidents du Sun Microsystems, Richard Cazenave, député, Bernard Saugey, sénateur, Mathieu Chamussy, conseiller régional, Edmond Roy, vice-président du Conseil Général et, bien sûr, André Eymery, maire de Montbonnot-Saint-Martin…" (Le Daubé, 15/11/02).
Dommage que Bill Joy n'ait pas été là pour leur faire part de son horreur devant ces "innovations" auxquelles il contribue pourtant avec ses collègues chercheurs. Avec Jean-Louis Pautrat par exemple, physicien au CEA-LETI de Grenoble, l'un des initiateurs de Minatec, qui dans un livre en forme de prophétie auto-réalisatrice (Demain le nanomonde, J.L Pautrat. Editions Fayard, 2002), conclut par l'éthico-verbiage de routine, citant un article de ce même Bill Joy ("Why the future doesn't need us", Wired, 8/04/00)
"Le comble serait atteint le jour où ces robots deviendraient capables de se reproduire… Certains, comme Ray Kurzweill (The Age of Spiritual Machines, Penguin Books, 1999), affirment déjà qu'il sera possible de fabriquer un calculateur simulant le fonctionnement du cerveau humain et de ses milliards de neurones. Par une opération semblable à la copie du disque dur d'un ordinateur, on pourrait alors transférer au calculateur l'ensemble de l'activité cérébrale d'un individu. Nous avons aussi montré que des progrès convaincants avaient été réalisés dans l'utilisation de l'ADN comme support et programme d'automates logiques. L'auto-réplication est bien une autre propriété de l'ADN, voire de certains peptides. Ainsi le gray goo problem (NDR la matière grise gluante) n'est peut-être pas tout à fait à exclure du champ des hypothèses.
La menace paraît suffisamment sérieuse à Bill Joy pour qu'il souhaite voir apparaître une mobilisation des esprits semblables à celle qui a permis dans la seconde moitié du XXe siècle, d'aboutir à un relatif mais jusqu'à présent efficace contrôle des armes nucléaires. Il en appelle à une prise de conscience des dangers courus par la société et à une active contribution des scientifiques à la mission de vigilance. En d'autres termes, gardons-nous de nous engager dans la mise au point d'entités capables de s'auto-reproduire, qu'elles soient issues de la robotique, de la génétique ou de l'association des deux." (Demain le nanomonde)
Dans son article de Wired, Bill Joy explique ce "gray goo problem", ce problème de "matière grise gluante" ou plutôt grouillante qui alarme les technologues américains. "Concrètement, les robots, les organismes génétiquement modifiés et les nanorobots sont unis par un redoutable facteur aggravant : ils ont la capacité de s'auto-reproduire. Une bombe n'explose qu'une fois; un robot, en revanche, peut se démultiplier, et rapidement échapper à tout contrôle."
Si cela vous rappelle "l'apprenti-sorcier", dites-vous pourtant que nous ne sommes pas dans un dessin animé, que ces robots ne sont pas de simples balais-porteurs d'eau, et qu'il n'y aura pas de maître-sorcier pour enrayer le cataclysme juste à temps."
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Voilà.
Qu'un écrivaillon se soit emparé des nanotech pour en faire de la fiction est une chose. Mais la question de la gelée grise, dérive bien des catastrophes réelles pouvant être engendrées par les nanotech.