à Antemonda
Tu as une belle vision du monde communiste. Je suis tout à fait prêt à la partager, comme le plus grand nombre, je pense. Mais tout cela me paraît bien chimérique et peu réaliste pour faire de la politique concrètement, comme le souligne, en partie, Gaby. Enfin, c'est un idéal , dirons-nous, vers lequel on peut vouloir tendre et qui n'est pas forcément atteignable. On a le droit de rêver, c'est bien naturel tant que ce n'est pas un repli ou une fuite de la réalité.
Le droit actuel: je ne le considère pas comme éternel, loin de là: il est, bien au contraire, le fruit d'une très lente évolution, à grand peine, qui n'est pas achevée d'ailleurs. Le droit français évolue en fait en permanence, et il n'a pas le même visage aujourd'hui qu'il y a seulement quelques décennies. Je considère que le droit progresse constamment et que l'on peut faire changer les lois ou même les empêcher (CPE). Le droit doit être inflexible dans sa mise en oeuvre, mais flexible et évolutif dans sa conception. Les acquis doivent être préservés, surtout lorsqu'ils sont aussi menacés que ces dernières années. C'est entre autres pour cela que je m'intéresse au travail intellectuel que mène le CLT, par exemple. Honneur à tous ceux qui luttent pour ne pas se faire bouffer.
Quant à s'émanciper totalement de l'Etat, but ultime du communisme, je sais, seuls les anarchistes et les socialistes/communistes libertaires en font un but premier. Cette position illusoire ne rallie plus personne de conséquent.
Le programme de transition de Trotsky, même s'il ne vise pas à investir l'Etat tel qu'il est par une nouvelle classe (ouvrière), envisage quand même des comités et des groupes de gouvernance. Après l'expropriation des exploiteurs, réappropriation par les exploités. Ok. C'est honorable et me paraît sain et finalement souhaitable.
Là encore, il y aura un paquet de gens, des classes moyennes supérieures et des classes supérieures, qui voudront s'émanciper de cette nouvelle gouvernance! Ils auront beau jeu s'il n'y a même pas de légitimité des masses derrière, dans les urnes ou dans la rue, et si elle succède à un coup d'état! Cette position effraie d'ailleurs encore la grande majorité du peuple, y compris des exploités. Le PC lui-même a abandonné la lutte des classes, si je ne me trompe? 99% des électeurs ne veulent pas voter LO.
Moi, je suis sympathisant, mais pas trotskyste, ou même communiste. Cela ne m'empêche pas de m'intéresser à votre courant pour autant. Il y a de très bonnes choses (pour l'instant, j'incline plutôt du côté "Chris Harman", côté troskisme, mais bon...).
Ceci dit, autant je trouve les analyses trotskystes fouillées, pertinentes et percutantes (cf. CLT, "Lutte de classes", N. Arthaud à Sciences Po récemment: magistrale!), autant je trouve que les solutions proposées (révolution, expropriation, rapports de force entre concitoyens...) sont romantiques à souhait, mais deviennent de plus en plus folkloriques et anachroniques au fur et à mesure que le temps passe. Ben, ça me fait de la peine. :headonwall:
Et quand, par miracle, un élan populaire d'éveil perce enfin dans les masses autour de Mélenchon, LO s'en écarte, alors qu'elle aurait pu participer à ce front, fut-il éphémère, tout en gardant son identité communiste révolutionnaire (cf. le PCOF, par ex). C'est dommage pour son influence future, et cela finira en groupuscules qui n'en finiront plus de se scinder entre eux (air connu), en vase clos, complètement coupés de la réalité de travailleurs dont la première frustration est de n'être pas capitalistes et de vouloir leur ressembler, sans qu'on leur montre un autre modèle alternatif plus valable... :rtfm:
Enfin, pour revenir à ce droit actuel qui paraît à certains si inacceptable, concédons qu'il est perfectible, mais il nous permet quand même de discuter ensemble de sujets dont on ne pourrait même pas chuchoter dans beaucoup d'autres pays qui, par ailleurs, ne reçoivent pas des trotskystes dans les médias nationaux pour critiquer le système actuel et ses déviances. Sachant aussi mesurer notre chance sur ce plan-là. Je ne pense pas que Chomsky, pour revenir à lui, verrait les choses bien différemment. Ce qu'il dit sur le monde actuel est terriblement vrai et met à l'index les puissants, et il est publié partout.
C'est un aspect de la démocratie, fondé sur le droit, qui est quand même positif et qui devra être préservée dans la société future, à mon avis.
:sleep: