Euthanasie

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par ianovka » 02 Oct 2003, 08:21

Je cite ici un article du dernier numéro de LO sur l'euthanasie pour ouvrir une discussion sur ce sujet :

CITATION Euthanasie : un problème d’humanité… et des pressions réactionnaires


Vincent était paralysé, sourd, muet, nourri par une perfusion se déversant dans son estomac, totalement impotent mais... conscient. «J’ai repris ma tête, mais je n’ai plus que cela, je n’ai plus que ma liberté de penser». Il n’a pu exprimer cela que grâce à la possibilité qui lui restait de bouger un pouce. Sa mère lui récitait l’alphabet et il lui pressait la main lorsque la lettre était la bonne. «Une vie de merde» a-t-il pu ainsi exprimer, celle d’un «mort vivant».

En décembre 2002, Vincent écrivait à Chirac: «Vous avez le droit de grâce et moi, je vous demande le droit de mourir». Il recevait en réponse la compassion du président de la République assortie de la promesse de l’aider à mieux supporter sa douleur. Il a donc fallu que ce soit sa mère qui abrège son calvaire, en injectant dans la tubulure de sa perfusion une forte dose de somnifère. Sauf que Vincent a survécu. Il est retombé dans le coma, et les médecins ont finalement décidé de débrancher les appareils qui le maintenaient en vie.

En France, l’euthanasie, c’est-à-dire l’acte délibéré de donner la mort à un malade incurable pour abréger ses souffrances, est considérée comme un crime. Lorsqu’elle est «active», comme l’a pratiquée la mère, l’euthanasie est considérée comme un homicide volontaire et passible de la perpétuité, quand elle est «passive», comme l’a finalement fait l’équipe médicale, elle est assimilée à une non-assistance à personne en danger et passible de cinq ans de prison.

Dans les faits, les cours d’assises n’appliquent pas ces peines. La presse a rappelé le cas d’un ancien policier qui s’est servi de son arme pour abréger, à sa demande, les souffrances de sa femme atteinte de la maladie d’Alzheimer, et qui a été condamné à deux ans de prison avec sursis. Une étude publiée en 2001 conclut que plus de la moitié des décès dans les services de réanimation sont liés à une décision médicale de limiter ou d’arrêter les soins. Tout le monde sait que l’euthanasie -active ou passive- existe. C’est l’hypocrisie qui règne.

Le problème se pose donc de trouver des solutions humaines. Elles ne peuvent reposer uniquement sur le corps médical. On ne peut pas le laisser seul trancher à partir de quel moment la déchéance et les souffrances d’un malade incurable sont intolérables. Pour cela, il faudrait un système de santé qui ne soit pas soumis aux pressions de l’argent et de la rentabilité, avec un personnel médical en nombre suffisant pour avoir réellement du temps à consacrer aux malades, à les écouter et à les accompagner moralement. Et on ne peut pas plus faire reposer la décision uniquement sur la famille parce qu’on sait que les relations familiales, et les relations sociales en général, peuvent être perturbées par tout autre chose que l’intérêt du malade.

Même dans le cadre du système actuel, une loi pourrait répondre au problème, à condition qu’elle comporte le maximum de garde-fous pour un choix aussi grave. Il faudrait que la décision de donner la mort soit arrêtée à l’hôpital, que les médecins jugent du caractère incurable de la maladie, du fait que le décès est inéluctable et les souffrances intolérables, que le patient manifeste le désir de mourir et que tout le personnel soignant, notamment les infirmières et aides-soignantes qui sont généralement les plus proches des malades, soit associé à la décision. Quand le malade possède encore l’autonomie requise pour se donner lui-même la mort, on pourrait l’aider à le faire. Et quand il ne dispose plus de cette autonomie, il faudrait associer, avec le maximum de précautions, de contrôles et d’humanité, la famille et les proches. Des lois de ce genre existent aujourd’hui en Belgique et aux Pays-Bas.

À la lettre de Vincent, Chirac avait répondu: «Je ne puis vous apporter ce que vous demandez, car le président de la République n’a pas ce droit.» Aujourd’hui Raffarin déclare: «La vie n’appartient pas aux politiques. On ne peut pas gouverner ou légiférer pour des situations si spécifiques.» Quant à Sarkozy, il affirme: «Reconnaître le droit d’abréger la vie d’une personne, on imagine à peu près où ça commence, on voit mal où ça s’arrête». Ils se dérobent.

Ils se dérobent car ils subissent la pression des religieux -catholiques, protestants, musulmans ou juifs- qui prétendent que la vie est l’œuvre des dieux qu’ils ont inventés. C’est avec de tels arguments que l’Église catholique s’est opposée à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse. Il n’y a pas si longtemps, c’est sous cette pression que, quand des curetages devaient être pratiqués après des fausses couches provoquées, c’était «à vif» afin que les femmes coupables paient leur faute! Il en fut même pour s’opposer à l’accouchement sans douleur sous le prétexte du «Tu enfanteras dans la douleur» de la Bible, si cher aux dévots.

Il y a à peine plus de trente ans, quand les femmes ont imposé la loi qui leur permet aujourd’hui de mettre au monde un enfant quand elles le choisissent, quand elles le désirent, elles ont, un peu, fait reculer l’obscurantisme des religions. Mais il reste à celui-ci bien des brèches par lesquelles s’engouffrer.

Sophie GARGAN[/quote]
"Le capital est une force internationale. Il faut, pour la vaincre, l'union internationale, la fraternité internationale des ouvriers." Lénine
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Message par emma-louise » 02 Oct 2003, 18:01

Très bon cadre de discussion , bravo , ouf ! Mais , comme pour le reste , pas l'temps ce soir ...RDV ce weekend et les jours suivants !
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Message par com_71 » 03 Oct 2003, 07:03

J'ai quelques réserves.

Il mérite d'être signalé que la notion de "respect de la vie" et de "respect de l'intégrité du corps humain", loin de s'imposer partout comme une évidence, est un reflet du progrès de l'humanité.

D'autre part si "souffrances intolérables" renvoie à la réalité sensible, "vie ne valant pas la peine d'être vécue", même formulé dans la conscience du principal intéressé, fait référence à la vie sociale, au niveau de la société. En ce sens le problème de l'enthanasie se poserait d'une manière différente dans une société plus évoluée.

Enfin les lois introduites dans d'autres pays sont-elles "neutres" par rapport à tout ce qu'on peut imaginer de sordide dans l'application d'une "décision" d'euthanasie ?
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par pelon » 03 Oct 2003, 07:53

Il manque dans l'article l'énonciation de tous les problèmes posés par une société où le fric, l'héritage pourrait pousser à bien des calculs, des combinaisons. L'article pointe des solutions en demandant de nombreux garde-fous, que la décision ne relève pas simplement de la famille. On peut quand même imaginer un responsable de clinique de mèche avec la famille, un personnel soigant subissant la pression de sa direction...
Il manque dans l'article tous les risques que pourrait faire peser une loi sur l'euthanasie.
pelon
 
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Message par magdalene » 03 Oct 2003, 08:53

CITATION (com_71 @ vendredi 3 octobre 2003, 08:03)
D'autre part si "souffrances intolérables" renvoie à la réalité sensible, "vie ne valant pas la peine d'être vécue", même formulé dans la conscience du principal intéressé, fait référence à la vie sociale, au niveau de la société. En ce sens le problème de l'enthanasie se poserait d'une manière différente dans une société plus évoluée.
[/quote]
je partage les commentaires de com et pelon. aujourd'hui les malades en fin de vie, hospitalisés, ne sont même pas sûrs de finir leurs jours sans douleurs. alors, on peut les voir "demander de mourir", faute de soins anti-douleurs, faute de place dans les quelques services de soins palliatifs.

par exemple, j'ai accompagné une personne de mon entourage dans ses derniers jours à l'hôpital : souffrances terribles, j'ai demandé à ce que cela cesse. on m'a répondu qu'il n'y avait pas assez de morphine disponible... véridique.

tout n'est pas encore fait pour que nous puissions mourir sans souffrir. il ne fait pas jouer les surpris quand des gens demandent alors de mourir, comme unique solution pour abréger leurs souffrances.

je vous conseille de voir "Les invasions barbares". Outre le fait que c'est un très beau film, il montre ce que peut -- idéalement, dans un milieu plus que favorisé -- être un "suicide assisté" ; ce qui est, je pense, différent de l'euthanasie, dans le sens où la personne est demandeuse et lucide. ce qui était le cas de Vincent et à quoi s'opposent les valets de la curetaille comme écrit dans l'article.

de plus, on voit des placements des HP abusifs, des familles qui règlent leurs comptes, ou bien qui souhaitent devenir tuteurs abusivement pour contrôler le fric de l'héritage qui leur reviendra. rien, strictement rien, aujourd'hui ne permet de dire que les mêmes problèmes ne se reproduiront pas avec un dispositif d'euthanasie qui ne sera pas sérieusement en encadré et contrôlé. leur sacro-sainte famille est encore bien trop louée pour qu'une sérieuse distance soit prise lors de la décision entre ce qui relève du choix du malade et celle des enfants ou des parents !
magdalene
 
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Message par Louis » 03 Oct 2003, 09:16

Je précise qu'une bonne partie de mon opinion viens des discussion que j'ai eu avec ma copine, infirmiere qui a a traiter assez courremment ce probleme (malades en stade terminal de cancer)

Je suis globalement en accord avec l'article. J'ai cependant quelques remarques :


CITATION on peut les voir "demander de mourir", faute de soins anti-douleurs[/quote]

Le probleme numéro un n'est pas un probleme de "moyens" (il n'y a rien qui ne coute moins cher que la morphine, a la limite c'est meilleur marché que l'aspirine) mais de la non prise en considération par les médecins de la douleur. Combien de fois as t on vu par le passé un médecin refuser de placer un malade sous morphine sous prétexte que cela ferait de lui un drogué ! Alors que le malade n'a plus que quelques jours a vivre ! Toutes les enquetes montrent qu'une prise en charge correcte de la douleur font disparaitre le désir "d'en finir" Les soins paliatifs ne sont pas aussi "cher" que ça, c'est aussi une question que ca "remet en cause" le rôle des médecins

un autre probleme qui se pose, et qui est toujours de la meme nature, c'est celui de l'acharnement thérapeuthique. Personnelement, j'ai vécu ça lors du déces de mon pere.Les reins lachent, pas de probleme, on branche Le coeur lache ? pas de probleme, on branche etc etc etc La aussi, c'est une question des rapports entre la médecine et son but

D'autre part, un probleme qu'on a totalement occulté (et pas seulement dans cet article), c'est celui de l'euthanasie "active" qui se pratique assez régulierement dans nombre de services hospitaliers On a demandé plusieures fois a ma copine de préparer un "coktail" (lithique). Il lui est meme arrivé de le refuser (mais normalement ça ne se fait pas) Tout ça se passe dans la plus grande obscurité

sinon, évidemment il y a des risques de dérives. Mais idéalement, le dispositif devrait comprendre la famille, l'équipe médicale et un "comité éthique" chargé d'avoir une réflexion "distante" vis a vis du malade Et evidemment, ce comité ethique devrait etre laïque... Mais justement, on perle de mettre en place un tel comité dans tous les hopitaux, pour trancher sur tous les problemes "ethiques"
Louis
 
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