http://www.marxists.org/francais/trotsk ... 20127e.htm
Sans cacher ni modérer en rien notre opinion sur les chefs de la social-démocratie, nous pouvons et nous devons dire aux ouvriers sociaux-démocrates : "Comme, d'un côté, vous êtes d'accord pour vous battre avec nous, et que, de l'autre, vous ne voulez pas encore rompre avec vos chefs, voilà ce que nous vous proposons : obligez-les à entreprendre une lutte commune avec nous pour telles et telles tâches pratiques, par tels et tels moyens ; en ce qui nous concerne, nous, communistes, sommes prêts." Que peut-il y avoir de plus simple, de plus clair, de plus convaincant que cela ?
C'est précisément dans ce sens que j'écrivais - avec l'intention délibérée de susciter l'effroi sincère ou l'indignation feinte des imbéciles et des charlatans, - que, dans la lutte contre le fascisme, nous étions prêts à conclure des accords pratiques militants avec le diable, avec sa grand-mère, et même avec Noske et Zörgiebel
(Dans « Et maintenant, La révolution allemande et la bureaucratie stalinienne » janvier 1932)
https://www.marxists.org/francais/trots ... 321015.htm
L'exemple que j'ai donné de l'accord des bolcheviks avec mencheviks et les socialistes révolutionnaires contre Kornilov retient également l'attention du " correspondant ouvrier " d'une usine imaginaire. " A cette époque, écrit-il, Kerensky lutta réellement, durant un laps de temps déterminé, contre Kornilov et aida le prolétariat à écraser Kornilov. Même un enfant en bas âge voit qu'actuellement la social-démocratie ne lutte pas contre le fascisme. " Thälmann qui n'est pourtant pas un " enfant en bas âge ", affirme que les bolcheviks russes n'ont jamais passé d'accord avec les mencheviks et les socialistes révolutionnaires contre Kornilov. Rude Pravo, comme on peut le voir, choisit une autre voie. Il ne nie pas l'accord. Mais, à son avis, l'accord était justifié par le fait que Kerensky luttait réellement contre Kornilov, à la différence de la social-démocratie qui ouvre au fascisme le chemin du pouvoir. L'idéalisation qui est faite ici de Kerensky, est tout à fait inattendue. Quand Kerensky commença-t-il à lutter contre Kornilov ? A l'instant précis où Kornilov brandit son sabre de cosaque au-dessus de la tête de Kerensky, c'est-à-dire le 26 août 1917 au soir. La veille encore, Kerensky complotait directement avec Kornilov pour écraser les ouvriers et les soldats de Petrograd. Si Kerensky commença à lutter contre Kornilov ou, plus exactement, ne s'opposa pas pendant un certain temps à la lutte contre Kornilov, c'est uniquement parce que les bolcheviks ne lui laissaient pas d'autre issue. Le fait que Kornilov et Kerensky, deux conspirateurs, rompent l'un avec l'autre et entrent en conflit ouvert, fut, jusqu'à un certain point, une surprise. Mais on pouvait et on devait prévoir, ne serait-ce que sur la base de l'expérience italienne et polonaise, que le fascisme allemand et la social-démocratie allaient entrer en conflit. Pourquoi serait-il acceptable de conclure un accord avec Kerensky contre Kornilov et interdire de faire de la propagande, de défendre, de soutenir et de préparer un accord avec les organisations de masses sociales-démocrates, contre le fascisme ? Pourquoi faut-il saboter de tels accords partout où ils se forment ? Car c'est précisément de cette manière qu'agissent Thälmann et Cie.
Rude Pravo s'est naturellement emparé avidement de mes paroles sur le fait que l'on pouvait conclure un accord pour des actions militantes avec le diable en personne, sa grand-mère et avec Noske, Grzesinsky. " Regardez, ouvriers communistes, écrit le journal, vous devez, ainsi passer un accord avec Grzesinsky qui a fusillé tant de vos camarades de combat. Discutez avec lui comment lutter en commun contre les fascistes, avec qui il siège à des banquets et dans les conseils d'administration des usines... " Tout le problème est déplacé sur le terrain d'un sentimentalisme artificiel. Cet argument est digne d'un anarchiste, d'un vieux socialiste révolutionnaire russe de gauche, d'un " pacifiste révolutionnaire " ou de Münzenberg lui-même. Mais il n'y a pas trace de marxisme.
Est-il exact que Grzesinsky soit avant tout le bourreau des ouvriers ? Indiscutablement, oui. Mais Kerensky n'était-il pas bourreau des ouvriers et des paysans à une échelle encore plus grande que Grzesinsky ? Et pourtant Rude Pravo approuve après coup l'accord pratique avec Kerensky.
Soutenir le bourreau dans son œuvre dirigée contre les ouvriers est un crime et même une trahison : l'alliance de Staline avec Tchang Kaï-chek en est une. Mais si, demain, ce bourreau du peuple chinois se trouvait en guerre contre les japonais, des accords pratiques de combat entre ouvriers chinois et le bourreau Tchang Kaï-chek seraient non seulement admissibles mais obligatoires.
Grzesinsky a-t-il siégé à des banquets en compagnie des dirigeants fascistes ? Je n'en sais rien, mais je l'admets tout à fait. Toutefois, Grzesinsky a dû par la suite séjourner dans une prison berlinoise, non pas au nom du socialisme, naturellement, mais parce qu'il ne voulait pas céder sa place au soleil aux bonapartistes et aux fascistes. Si le Parti communiste avait déclaré ouvertement, ne serait-ce qu'il y a un an : nous sommes prêts à lutter contre les bandits fascistes, même avec Grzesinsky ; si de cette formule il avait fait un mot d'ordre de lutte s'il l'avait développée dans ses discours et ses articles et l'avait fait pénétrer profondément dans les masses, Grzesinsky n'aurait pas pu en juillet justifier sa capitulation devant les ouvriers en se référant au sabotage du Parti communiste. Il lui aurait fallu soit s'engager encore plus dans la lutte, soit se compromettre définitivement aux yeux de ses propres ouvriers. N'est-ce pas clair?
(Dans "La seule voie" octobre 1932)
Reste à apprécier si le parallèle peut être fait
entre le mouvement ouvrier des années 1930, alignant des partis socialistes et communistes de masse et la situation d'aujourd'hui,
entre les masses chinoises mobilisées y compris derrière Tchang Kaï-chek, et l'armée de El Assad,
entre Trotsky ancien chef de l'Armée Rouge s'adressant au mouvement communiste international et les quelques gauchistes déboussolés s'adressant à... personne, sur des forums confidentiels...
Reste donc à... rester sérieux.