par Plestin » 02 Nov 2015, 09:29
Un article publié dans une revue professionnelle des entreprises du secteur de la pharmacie, réservé aux abonnés, porte sur la stratégie du laboratoire Weleda dans le domaine de l'homéopathie, et sur l'extension de son usine d'Huningue en Alsace. C'est assez édifiant parce que cette entreprise incarne une collusion entre l'homéopathie et d'autres fausses sciences (agriculture biodynamique, médecine anthroposophique) ou croyances absurdes (un mélange d'ingrédients réalisé manuellement est forcément meilleur que s'il est fait de manière mécanique). La journaliste Sylvie Latieule n'ose pas critiquer, mais on sent que sur tous les sujets qui fâchent elle s'arrange pour préciser que c'est le discours de l'entreprise (et non le sien). Je vous en cite quelques extraits (Industrie Pharma Hebdo, 1er septembre 2015) :
"Homéopathie : Weleda double sa capacité de production à Huningue.
A Huningue, le groupe suisse Weleda opère un site entièrement dédié à la production de médicaments homéopathiques. Loin d'être une niche, cette activité génère en France presque autant de revenus que les cosmétiques Bio qui font la notoriété de la marque.
La marque Weleda est bien connue des amateurs de cosmétiques naturels, issus de l'agriculture biologique. Pourtant, le laboratoire suisse, qui en est à l'origine, mène de front, depuis sa création en 1921, une activité dans la pharmacie, avec un large portefeuille de médicaments homéopathiques qui s'appuie sur les principes de la médecine anthroposophique. (...) sur un chiffre d'affaires de 364 millions d'euros réalisé par le groupe en 2014, en croissance de 8 %, la pharmacie a représenté 30 % des revenus. Cette proportion est encore plus importante en France, de l'ordre de 46 % (...) Weleda maîtrise sa chaîne de production de A à Z. Elle démarre par l'exploitation d'un jardin botanique d'une superficie de 1,5 ha, à Bouxwiller (...) Chaque année, des jardiniers de Weleda y cultivent une quarantaine de plantes médicinales selon les préceptes de l'agriculture biodynamique. Au-delà du bio qui bannit l'usage de tout intrant de la chimie de synthèse, les jardiniers respectent le rythme des plantes, mais aussi celui des sols qu'ils considèrent comme des organismes vivants. (...)
La plante fraîche constitue l'essentiel de la matière première des médicaments homéopathiques de Weleda, avec quelques souches minérales (silice, aragonite, cristaux de soufre, divers métaux) et animales (abeilles, frelons, fourmis, araignées, organes de lapins et plus rarement de porcs). Les récoltes doivent d'ailleurs être acheminées le jour même à Huningue pour un traitement dans la journée. La plupart du temps, il consiste en un broyage puis une mise en macération de tout ou partie de la plante (feuille, tige, racine...), dans un mélange eau/alcool (dérivé du blé bio) pendant 10 à 30 jours, à température ambiante (15 à 20°C). Ensuite, ce macérat est pressé puis filtré pour l'obtention de teintures mères qui pourront être conservées entre 3 et 5 ans. (...) Une fois que les teintures mères sont élaborées, viennent les étapes de dilution au coeur de la controverse sur les médicaments homéopathiques. Chez Weleda, on préfère parler de "dynamisation". "La dynamisation est plus qu'une simple dilution. La substance d'origine minérale, végétale ou animale se disperse dans la masse du solvant neutre auquel elle est mélangée. Il s'agit de multiplier les surfaces de contact entre cette substance et le solvant à travers des succussions " (...), explique Weleda dans sa documentation. Le groupe estime que le rythme des succussions, qui est obtenu par des dilutions successives au dixième (et non au centième, comme chez certains fabricants) joue un rôle déterminant pour imprégner au solvant l'information libérée par la substance. A noter que ces dilutions sont accompagnées d'opérations de mélanges qui sont réalisées manuellement par des opérateurs. Weleda insiste sur l'importance du rythme humain, plutôt qu'une cadence mécanique, pour avoir un processus de dynamisation de haute qualité. (...)
2 à 3 M€ seront investis en 2015 après 2 M€ d'investissement en 2014. Cette année 8 à 9 postes devraient être créés, renforçant un effectif de 370 personnes, fin 2014. Car Weleda est bien décidé à partir à la conquête du marché français largement dominé par le groupe Boiron, et dans une moindre mesure, par Arkopharma ou Lehning. "
Un peu plus loin, un encadré précise ce qu'est la "médecine anthroposophique" chère à Weleda :
"Rudolf Steiner et Ita Weigman, qui ont fondé les laboratoires Weleda en 1921, sont à l'origine de la médecine anthroposophique. Cette discipline voit dans l'homme une synthèse des règnes minéral, animal et végétal. Ceci conduit à des correspondances entre l'homme et ces éléments qui sont ensuite utilisés pour élaborer des médicaments homéopathiques. Par exemple, cette médecine voit une correspondance entre la racine, qui absorbe des éléments dans le sol, et la tête de l'homme, qui perçoit de l'information par le biais des neurones. La partie foliaire, qui est le siège de la respiration et de la photosynthèse, offre une analogie avec le système coeur-poumon (partie rythmique de l'homme). La fleur, qui est dans une dynamique de reproduction et d'élaboration de couleur et de parfums, est mise en correspondance avec la partie métabolique de l'être humain, concentrée dans l'abdomen et les membres. Par exemple, l'une des spécialités phares de Weleda est composée de l'assemblage de 3 fougères et 3 saules. Marc Follmer, pharmacien, explique que le dessin de la feuille de fougère présente une correspondance avec les villosités de l'intestin grêle, évoquant la séparation et le fractionnement. Donc la digestion. De son côté, le saule est une plante d'une grande vitalité qui aspire l'eau dans des sols arides. Par analogie, on estime que ses feuilles favoriseront l'assimilation. En conséquence, cette spécialité est indiquée dans le traitement des troubles fonctionnels digestifs."
Voilà une médecine "naturelle" qui n'a même pas l'excuse de se fonder sur des observations d'efficacité empiriques !