J'ai hésité à aborder le sujet : parler du contenu de certains divertissements télévisés ou évoquer les personnalités "people", c'est presque salissant. Mais ces programmes sont hélas regardés par un grand nombre de téléspectateurs, notamment dans les classes populaires, et il est difficile de faire comme si ça n'existait pas.
Depuis que la télévision sert à engranger de substantielles recettes publicitaires, et surtout depuis qu'il existe des chaînes privées (grosso modo une trentaine d'années), les programmes les plus abêtissants, les plus démagogiques, n'ont fait que se multiplier. Dans une société capitaliste bien décomposée, en crise depuis 40 ans, ces programmes cartonnent, accompagnant d'ailleurs l'évolution réactionnaire des discours politiciens, eux-mêmes de plus en plus putassiers. Et l'on peut se demander si la "télé-poubelle", en plus d'être très rentable (c'est sa première raison d'être), n'a pas également de plus en plus un usage politique.
Les médias, même les plus sérieux, parlent depuis plusieurs jours de cette fameuse émission de Cyril Hanouna sur la chaîne C8 de Vincent Bolloré, "Touche pas à mon poste". La semaine dernière, pour faire s'esclaffer son public de crétins, Hanouna s'est livré à un canular téléphonique assez cruel : après avoir publié une fausse annonce sur un site de rencontres gays, il a répondu en direct à des appels de jeunes hommes, en imitant de façon raciste et vulgaire ce qu'il croit être un homosexuel. Certains de ces jeunes hommes ont donné leur prénom, et leur voix pouvait être reconnue par leurs collègues ou des membres de leur famille. Cela n'a pas manqué : Le jeune homme victime du canular jugé homophobe de Cyril Hanouna "a été viré de chez lui" (article publié aujourd'hui sur le site France Info).
Histoire de saisir la dimension macabre de cet humour qui a le vent en poupe, c'est justement avec de fausses annonces sur des sites web ou applications pour smartphone que dans certains pays, la police ou les fascistes parviennent à capturer des homosexuels pour les bastonner, les torturer ou les tuer. Parce que ni dans la rue, ni dans la discrétion d'internet, ils ne doivent exister.
L'important étant, comme je l'ai dit plus haut, de faire du fric, Hanouna vient de s'excuser platement. Plusieurs grandes marques - parce que les controverses sont mauvaises pour les affaires - ont en effet menacé de rompre leurs contrats publicitaires. Gageons que si l'homophobie faisait moins réagir, elles n'y trouveraient rien à redire ; après tout, il y a 30 ans, les sketches de Michel Leeb sur les Africains étaient précédés et suivis de pubs, et ça ne dérangeait pas grand-monde.