Pour Jacquemard - mais les autres aussi.
Suivant ma hausse tendancielle au doit à la paresse, j'ai écris que le tome III (dans mon édition) parle de la loi sur 18 pages… Que nenni, ça fait 50 pages, pasque y'a un chapitre XIV et XV. Avec une fin lapidaire au chapitre XV : «…
mise en valeur de ce capital qui s'enfle sans cesse. D'où les crises.» The end.
Au fait, je trouvais bien que ce sujet soit hors de la discussion guerrière du capitalisme en phase terminale. Mais puisque ça y est, tant pis.
Au sujet de l'écriture des chapitres sur la baisse tendancielle et de Engels…
Dans un texte de Anton Pannekoek sur MIA "La théorie de l'écroulement du capitalisme", je trouve une remarque de Pannekoek (polémiquant contre un soi-disant écroulement du capitalisme privé de taux de profit) : «
ces chapitres [sur la chute tendancielle…] avaient déjà été complètement rédigés par Marx .» Ah bin voilà, là au moins, c'est clair.
Dans le texte de Gramsci (com_714 a donné le lien), je trouve une autre allusion à la rédaction de ce Livre III, dans une note : «
La question du texte du Livre III peut être réétudiée à présent que l'on dispose, comme je le crois, de l'édition diplomatique de l'ensemble des annotations et des notes qui ont dû servir à sa rédaction définitive. Il ne faut pas exclure qu'aient été négligés, dans l'édition traditionnelle, des passages qui, après les polémiques qui se sont produites, pourraient avoir une importance bien plus grande que ce que pouvait imaginer le premier réorganisateur du matériel fragmentaire.» C'est quoi, ça, cette édition?
Revenons à nos moutons.
J'ai rediscuté avec un ami, j'ai relu (et ce n'est pas dans mes lectures préférées).
Et il y a une remarque fondamentale de Marx, dès le début du chapitre XIV, "Causes qui contrecarrent la loi" :
«
A considérer l’énorme développement de la productivité du travail social, ne serait-ce que dans les trente dernières années par comparaison avec les périodes précédentes ; à considérer, en particulier, l’énorme masse de capital fixe qui, outre les machines proprement dites, entre dans l’ensemble du procès social de production, la difficulté qui a, jusqu’ici, occupé les économistes, "comment expliquer la baisse du taux de profit ?", cède la place à la question inverse : comment expliquer que cette baisse n’ait pas été plus importante ou plus rapide ? Il a fallu que jouent des influences contraires, qui contrecarrent et suppriment l’effet de la loi générale et lui confèrent simplement le caractère d’une tendance. C’est pourquoi nous avons qualifié la baisse du taux de profit général de baisse tendancielle.»
Puis suivent six causes qui permettent de contrecarrer cette baisse tendancielle.
Mais alors, 150 ans après que ces lignes furent écrites, «
la question inverse» est toujours là :
comment expliquer que le taux de profit ne soit pas carrément négatif? Est-ce que cette tendance à la baisse tendancielle d'un taux de profit qui aurait tendance à baisser inquiète tendanciellement tant que ça les groupes capitalistes ?
Quand je vois les
chaînes de montage BMW, je me dis que oui, le taux de profit a du morfler. Ou bien, est-ce cette baisse tendancielle qui vient de stopper (légèrement) quatorze années de croissance du groupe Lego? Ou bien, eh! du coté de chez moi, y'a un fleuron, Les Sirops Monin : y'a trois ans ils ont doublé leur capacité de production, et ils continuent à agrandir encore le site. Depuis que Monin était installé dans un petit lieu du centre-ville, qu'ils ont quitté pour du gigantisme avec un embouteillage qui donne le tourni, le taux de profit devrait être bien être morribond, carrément. Et pourtant, ils affichent une santé de moine. Et IBM qui prend dans sa cagnotte profit pour acheter une entreprise de logiciel en déboursant 34 milliards de dollards, et sur ses fonds propres, je crois me souvenir. C'est quoi son taux de profit? Mon prestataire internet, Orange, réalise 41 milliards d'euros de chiffre d'affaire et réalise pour 7,5 milliards d'euros d'investissement. Ils n'ont pas peur d'avoir un taux de profit à zéro?
Quand je lis les diverses précautions oratoires de Marx, insistant sur le tendenciel, j'me demande si ça vaut le coup d'une longue causerie : «
cette baisse ne se manifeste pas sous sa forme absolue, mais sous forme de tendance à une baisse progressive.» C'est progressif, ce n'est qu'une tendance. La tendance progressive à pencher d'un coté.
Et aussi, la reformulation, pour dire que finalement, la diminution progressive, relative, du capital variable par rapport au capital constant «
n’est encore qu’une autre façon d’exprimer le progrès de la force productive sociale du travail qui se traduit précisément par ce fait : en utilisant plus de machines et en général en employant davantage de capital fixe, le même nombre d’ouvriers peut transformer en produits une , plus grande quantité de matières premières et auxiliaires dans un même laps de temps - c’est-à-dire avec moins de travail.»
Ainsi, «
la tendance progressive à la baisse du taux de profit général est tout simplement une façon, propre au mode de production capitaliste, d’exprimer le progrès de la productivité sociale du travail.»
Rosa Luxembourg dit pareil sur cette loi qu'elle qualifie de fondamentale :
«
La croissance du capital constant aux dépens du capital variable n'est que l'expression capitaliste des effets généraux de la productivité croissante du travail. […] C'est une loi générale du travail humain - elle fut valable dans toutes les formes de production précapitalistes, et sera valable à l'avenir dans l'ordre socialiste. […] cette loi doit s'exprimer dans un emploi toujours plus grand du temps de travail social à la production de moyens de production par rapport à la production de moyens de consommation.»
Moi, je veux bien qu'on m'explique que pour les entreprises que je prenais en exemple, BMW, Lego, Monin, IBM, etc. il n'y a qu'une bonne guerre pour redonner des couleurs à leur taux de profit - Mais z'ont pas l'air de réclamer.
Mais alors, quand même, ce taux de profit peau-de-chagrin , hein? c'est la chute du capitalisme? Je n'ai trouvé que des avis contraire.
Pannekoek s'insurge contre cette idée de l'horizon taux de profit pas bon, avec à la clé, un écroulement final. Il ne voit pas ce que peut permettre d'attribuer cette idée à Marx : «
Maintenant, comment est-il possible de mettre au compte de Marx ce soi-disant écroulement et de l’étayer, durant des chapitres et des chapitres, de douzaines de citations de Marx ? »
Gramsci, parlant de la contradiction entre cette baisse du taux de profit et la production de plus-value : «
A quel moment peut-on estimer que la contradiction se nouera comme un nœud gordien, normalement insoluble, et exigera l'intervention d'une épée d'Alexandre ?» Facile : c'est quand «
le monde économique capitaliste aura rejoint ses colonnes d'Hercule.» Merci, merci, nous v'la bien renseigné… Ça semble beau comme de l'Antique, mais ça semble flou.
Sur MIA, il y a même un texte de Stéphane Just. Oui, je sais, bon, mais bah, on lit pour voir?
«
certains, qui se réclament du marxisme, tirent une conclusion qui n'est pas incluse dans la loi de la baisse tendancielle du taux de profit. Par le développement logique de la composition organique du capital, le taux de profit s'abaisserait mécaniquement jusqu'à devenir nul. Ce serait, alors, la fin du mode de production capitaliste. Ce raisonnement, qui veut se présenter comme radical, n'est pas conforme au développement de la loi de la baisse tendancielle du taux de profit que Marx a formulée, et finalement, il laisse au régime capitaliste de longs et beaux jours devant lui.
Quelle est la limite du taux de profit qui rend impossible la production capitaliste? Personne ne le saura jamais. Et surtout, c'est oublier que cette loi est une loi tendancielle, et non pas un absolu.»
Puis Stéphane Juste cite, à l'appui de son affirmation, le début du chapitre XIV et ensuite les six causes combattant cette tendance. C'est ce que j'ai cité plus haut, on a bouclé le circuit.
Ce genre de sujet n'est pas vraiment de ma compétence ni de mon apétance. Toute remarque (fraternelle et charitable only) est la bienvenue.
PS : en lisant là-dessus, j'ai découvert... que y'a un
wikiberal(!?) qui présente cette loi comme un «
concept central du marxisme». qui aurait été réfuté. Ah! et d'ailleurs aussi, le concept de plus-value: réfuté. Evidemment.