Un point sur la question des traitements. De quoi dispose-t-on pour les essais ?
- De médicaments avec des effets antiviraux supposés.Cela inclut la chloroquine, l'hydroxychloroquine, l'antibiotique azithromycine, l'antiviral remdesivir (qui a échoué contre Ebola) dont la disponibilité est malheureusement trop faible (cf. mon post précédent), l'association lopinavir/ritonavir utilisée contre le VIH, l'interféron bêta.
Les essais déjà réalisés ne sont pas suffisants, il faut poursuivre et en particulier, ne pas s'intéresser qu'à l'évolution de la charge virale mais à ce que ça change au final en termes de mortalité des patients, nombre d'hospitalisations etc. Or, la plupart des gens qui meurent suite au Covid19 décèdent non pas du virus lui-même mais de la réaction inflammatoire pulmonaire déclenchée par le virus, ce qu'on appelle une "tempête de cytokines", alors que bien souvent le virus n'est déjà plus présent. Donc on peut très bien imaginer avoir éliminé le virus avec un médicament alors que les patients continueraient de mourir.
Ce qu'il faut réussir à savoir, au cas où un effet antiviral serait démontré, c'est si le fait d'éliminer le virus plus ou moins vite permet ou pas d'éviter la "tempête de cytokines" ou d'en réduire l'importance, ce serait une bonne nouvelle. Accessoirement, éliminer le virus plus tôt rend aussi les patients non contagieux plus tôt.
- De médicaments avec des effets anti-inflammatoires.L'effet anti-inflammatoire doit permettre de lutter directement contre la "tempête de cytokines". Sont étudiés, dans cette catégorie, des médicaments de certaines maladies auto-immunes. Les essais menés en France inclueront l'interféron bêta (qui était déjà dans la première catégorie), un traitement habituel de la sclérose en plaques. D'autres médicaments dirigés contre
l'interleukine 6 (IL-6) qui semble la principale cytokine impliquée dans la fameuse "tempête", sont à l'étude chez les laboratoires qui en vendent déjà contre la polyarthrite rhumatoïde : le tocilizumab (Actemra/Roactemra) de Roche et le sarilumab (Kevzara) de Sanofi.
Mais il faut bien voir que ces anti-inflammatoires ont un certain effet immuno-suppresseur et donc, peuvent aussi favoriser, soit le virus lui-même, soit une surinfection par une bactérie (fréquente à l'hôpital) ou un champignon, facteur de mortalité supplémentaire.
Espérons que les essais permettront de trouver les bonnes combinaisons et le bon moment pour administrer chaque traitement, et qu'une molécule ne sera pas éliminée sur le seul fait qu'elle ne réduit pas la mortalité toute seule.
On peut imaginer par exemple : un traitement antiviral pour amener plus vite la charge virale à zéro et éviter un rebond de l'infection virale lors de l'utilisation du traitement anti-inflammatoire qui, lui, sert à éviter la "tempête de cytokines". Et un antibiotique adapté (voire un antifongique) pour éviter une surinfection. Si les essais cliniques sont concluants, le traitement efficace pourrait ressembler à ça.
Quelques définitions :Les cytokines sont de petites protéines synthétisées par les cellules et jouant un rôle de signal régulateur à distance sur l'activité d'autres cellules. Cela concerne notamment le fonctionnement du système immunitaire (mais pas seulement).
Le choc cytokinique ou "tempête de cytokines" correspond à un emballement du système immunitaire face à un élément déclenchant, qui est souvent un virus (et parfois un médicament). Selon Wiki :
"La tempête de cytokines survient quand un grand nombre de globules blancs (leucocyte) sont activés, et que ces leucocytes libèrent un flot anormalement abondant de cytokines inflammatoires qui, à leur tour, activent encore plus de globules blancs : le système immunitaire s'emballe".
Il est à déplorer que l'on n'ait pas cherché plus tôt à mettre au point des traitements contre la "tempête de cytokines", alors que c'est un phénomène mortel connu depuis longtemps car également présent dans la grippe et d'autres infections. Si l'on trouve une solution dans le cadre de l'épidémie de Covid19, cela pourra donc représenter un précédent utile pour diminuer également la mortalité d'autres maladies. Du moins dans les pays qui pourront payer un tel traitement...
On voit bien pourquoi, à l'avenir, dans les pays riches comme dans les pays pauvres, la mise au point d'un
vaccin (dans 1 an, 2 ans...) serait quand même la meilleure solution...