Européennes : Lutte Ouvrière, sans illusion, traite le Parlement de « paillasson du grand capital »
Lors de la fête annuelle de Lutte Ouvrière, les porte-paroles du parti, Nathalie Artaud et Jean-Pierre Mercier, ont appelé à voter pour la liste qu’ils conduisent, tout en reconnaissant que leur élection au sein de l’UE, « foire d’empoigne entre brigands », n’y changerait rien.
« Un trotskiste c’est un parti, deux trotskistes c’est une tendance, trois trotskistes c’est une scission ». Cette plaisanterie, bien connue des milieux de gauche radicale, suffit à résumer la multiplicité des sigles qui fleurissent à la traditionnelle Fête de Lutte Ouvrière (LO), ce week-end de Pentecôte à Presles (Val-d’Oise).
« Je n’écoute pas la messe ! »
Même l’allocution de Nathalie Artaud, porte-parole de LO et tête de liste pour les élections européennes, ce dimanche, est loin de faire l’unanimité parmi les quelque 3 000 militants et sympathisants présents. « Non merci, je n’écoute pas la messe ! », s’écrie une cadre du CERMTRI, un centre d’études proche du Parti Ouvrier Indépendant (POI), composante trotskiste de la France Insoumise.
Autour de la grande scène, tout s’arrête. Les stands de LO aux noms inspirés – « Le temps des cerises », « Fraternithé à la menthe », « Partage des profruits » – cessent de vendre leurs denrées le temps du discours de leur championne. « Travailleuses, travailleurs… » : l’exorde résonne, toujours la même depuis la première présidentielle d’Arlette Laguiller en 1974.
Arlette Laguiller en fin de liste
La vétérane figure d’ailleurs en fin de liste. « Le 9 juin, vous voterez aussi pour Arlette Laguiller, qui incarne notre combat depuis bien des années ! » Tonnerre d’applaudissements pour la dame de 84 ans à l’imperméable orange qui s’avance modestement sur la scène, appuyée sur sa canne. Un instant plus tôt, elle partageait une fondue avec les « camarades ».
Comme attendu, le discours de Nathalie Artaud énumère les fondamentaux du trotskisme : « La lutte de classe ne s’arrête jamais. La grande bourgeoisie attaque, en permanence, sur tous les fronts » ; ou encore : « Ce sont les possédants, les financiers, ceux qui sont les plus éloignés de la production de richesse, qui prospèrent et s’enrichissent, en parasite, sur le dos des travailleurs. »
Nous ne ferons pas miroiter aux travailleurs l’espoir que ces élections européennes pourraient changer leur sort
Nathalie Artaud, tête de liste LO
Après un appel à aller voter pour des « militants convaincus » le 9 juin, la porte-parole de LO relativise l’intérêt du scrutin : « Nous ne ferons pas miroiter aux travailleurs l’espoir que ces élections européennes pourraient changer leur sort », ajoutant que « le Parlement européen, tout comme le Parlement français, ne sont que des paillassons pour le grand capital. »
Régularisation et liberté d’installation
Jean-Pierre Mercier, l’autre porte-parole de LO, deuxième de liste, martèle la ligne de l’internationale communiste. Qualifiant l’Union européenne de « foire d’empoigne entre brigands », il dénonce les « idées souverainistes, protectionnistes et chauvines », appelant à la « régularisation de tous les sans-papiers » et à la « liberté d’installation des travailleurs sur toute la planète ».
Ce discours des deux têtes de liste correspond aux canons du mouvement trotskiste. Surplombant les allées de la Fête, impossible de ne pas remarquer, sur de grandes banderoles, la conclusion du Manifeste du parti communiste de Karl Marx et Friedrich Engels, traduite dans toutes les langues : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »
On retrouve aussi, comme chaque année, les groupes trotskistes étrangers, le Parti des travailleurs (PT) de Daniel Gluckstein, les anarcho-syndicalistes du CNT, et le mouvement d’écologie radicale Extinction Rebellion. Parmi les grands absents, le NPA d’Olivier Besancenot, en désaccord avec LO sur la question de Gaza, mais aussi sur leur choix d’inviter à la Fête « NPA Révolutionnaires » une scission du parti hostile à la direction.
Roussel ? Quelle horreur ce type !
Une militante trotskiste
Grand absent aussi, le PCF qui, comme chaque année, n’est pas invité. Roussel ? « Quelle horreur ce type ! », lâche une militante, « c’est un stal’ (staliniste, NDLR) pur jus ! ». On retrouve d’ailleurs, dans plusieurs stands, un alphabet cyrillique « trotskiste » où la lettre « T » est consacrée à la figure du fondateur de la IVème internationale.
Une ambiance bon enfant
L’ambiance à la Fête est familiale et bon enfant. Un petit train permet de faire le tour des allées. Comme chaque année, les sympathisants peuvent retrouver leurs bibliothèques, leurs conférences scientifiques et même leur « village médiéval », une sorte de petit Puy-du-Fou d’extrême gauche.
L’humour n’est pas en reste. En exergue d’un spectacle sur la guerre de Troie, le metteur en scène prévient : « Travailleurs, travailleuses, simples mortels, dieux, demi-dieux, vous allez assister à un spectacle...