CITATION
Le PCF coincé entre extrême gauche et social-libéralisme
Dilemme aux régionales: y aller seul risqué ou avec les socialistes?
Par Pascal VIROT
mardi 25 novembre 2003
Et si entre le Parti socialiste et l'extrême gauche, il n'y avait plus rien ? Comme Malraux évoquant le vide sidéral entre gaullistes et communistes au sortir de la Seconde Guerre mondiale, c'est ce qu'entendent prouver Lutte ouvrière et la Ligue communiste révolutionnaire à l'occasion des scrutins régional et européen. Déjà, lorsque Lionel Jospin était entré en campagne présidentielle en clamant que son «projet [n'était] pas socialiste», Robert Hue avait espéré qu'un espace s'ouvrait sous ses pieds. Las, ce vide à la gauche du candidat du PS a aussitôt été comblé par l'extrême gauche. Ce scénario pourrait se reproduire au printemps.
«Les électeurs de gauche qui ne sont ni socialistes, ni d'extrême gauche sont pris en tenaille», reconnaît Jean-François Gau, le responsable du PCF chargé des relations extérieures. Pour desserrer la dite tenaille, voilà les communistes condamnés à choisir entre deux possibilités : l'union avec le PS dès le premier tour pour sauver leurs élus, quitte à perdre ce qui leur reste d'indépendance, ou une escapade en solitaire qui risque de virer à la chute finale.
Risque. L'ancien président du PCF, Robert Hue, a choisi la première option. Il a annoncé hier qu'il venait de signer la déclaration du député PCF des Hauts-de-Seine, Jacques Brunhes, qui prône «le rassemblement dès le premier tour» des régionales en Ile-de-France. Robert Hue souhaite même que cette ligne s'applique dans toute la France. L'une de ses proches, Marie-Pierre Vieu vante, elle aussi, l'union : «Il faut tenir le rassemblement à gauche et disputer le leadership à la sociale-démocratie.» Dans une déclaration déjà signée par une trentaine d'élus et de personnalités d'Ile-de-France, Jacques Brunhes, ancien secrétaire d'Etat au Tourisme, écrit : «Nous sommes sur le fil du rasoir» ; il y a un risque qu'il n'y ait «plus aucun conseiller régional communiste en Ile-de-France» si le PCF n'atteint pas, seul, 5 % des voix. Pas de quoi effrayer les «orthodoxes» qui, réunis autour du député du Rhône, André Gerin, et du patron de la fédération du Pas-de-Calais, Jean-Claude Danglot, plaideront aujourd'hui, lors d'une conférence de presse, pour l'autonomie au premier tour. Entre les deux options, le député-maire refondateur de Saint-Denis, Patrick Braouezec, veut monter en Ile-de-France une liste ouverte au «mouvement social» d'inspiration altermondialiste.
Au final, les communistes cherchent donc à se dégager d'une logique meurtrière selon laquelle les électeurs de gauche n'auraient plus qu'une alternative : soit le vote «social-libéral», selon l'expression de l'extrême gauche, soit le vote «ultragauche», d'après la terminologie socialiste. Le piège est d'autant plus présent que l'extrême gauche se rêve en «quatrième pôle» sur l'échiquier politique, durablement installée aux côtés de l'extrême droite, de la droite et de «la gauche traditionnelle».
Les communistes se rassurent en misant sur l'effet «repoussoir» de LO. Membre de la direction, Bernard Calabuig pense qu'«il existe une frange de gens qui ne se reconnaissent pas dans la gauche institutionnelle et socialiste, mais qui ne veulent pas apporter de l'eau au moulin de LO». Comment les récupérer ? Le dilemme est résumé par Jean-François Gau : «Les socialistes appellent à l'union, mais ils ne veulent pas changer. L'extrême gauche appelle au changement, mais ne veut pas l'union.»
«Pas de débat». En tout cas, le discours de l'union avec le PS n'est pas vraiment en cour place du Colonel-Fabien, où on se refuse à «recommencer ce qui a échoué» avec la gauche plurielle et abouti aux 3,37 % des voix de Robert Hue à la présidentielle. Marie-Pierre Vieu relève pourtant que «la crise du PCF ne date de la gauche plurielle» mais «elle est bien antérieure».
Pas de quoi réveiller une direction qui ne semble guère sensibilisée à un éventuel succès de l'extrême gauche. Au lendemain du congrès de la LCR qui a entériné l'union avec LO, elle s'est réunie, comme chaque semaine. Selon des participants, «il n'y a pas eu de véritable débat». Tout le monde s'est entendu pour considérer que «l'accord électoral entre LO et la LCR [était] dicté par des choix politiciens». Point barre.
© Libération
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