L'accord avec Lutte ouvrière pour les régionales suscite remous et démissions au sein de la LCR
LE MONDE | 10.12.03 | 13h14
Un membre du bureau politique du parti d'Olivier Besancenot a exposé par écrit les raisons de son départ. D'autres défections sont évoquées.
Alors que la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) s'apprête à donner le coup d'envoi à sa campagne commune avec Lutte ouvrière (LO), l'accord conclu avec la formation d'Arlette Laguiller suscite un malaise dans ses rangs. L'une de ses principales dirigeantes, Catherine Lebrun, a décidé de quitter l'organisation. Certaines sources évoquent d'autres départs, pour l'heure impossibles à quantifier.
Un mois après le congrès de la LCR, qui a ratifié à une large majorité l'alliance avec LO pour les élections du printemps 2004, les interrogations continuent de s'afficher au fil des assemblées générales de bilan et des réunions de sections.
Samedi 6 décembre, à l'occasion de la fête de la fédération du Rhône, l'un de ses animateurs et porte-parole locaux, Armand Creus, a indiqué qu'il "n'en serait pas". Pas question, a expliqué cet opposant à l'accord, de figurer sur la liste commune LO-LCR dans la région. Cette liste lui semble en effet " en contradiction avec le travail -mené- depuis plus de six ans" avec les militants syndicaux et associatifs regroupés dans le réseau "A gauche autrement". Si d'aventure "A Gauche autrement" devait monter sa propre liste, il n'en serait toutefois pas non plus - " par correction, pour ne pas créer de situation de rupture". En revanche, M. Creus n'exclut pas, que d'autres militants de la LCR "sans responsabilité, moins exposés", souhaitent y figurer.
Le cas du Rhône n'est pas unique. A Lille, l'octroi de la tête de liste départementale à LO a provoqué un vif mécontentement. A Clermont-Ferrand, des militants éprouvés de la LCR ont exprimé leur désaccord et signifié leur mise en "congé militant" durant la campagne. "On n'y participera pas", explique Alain Lafont, conseiller municipal, expliquant que lui et ses amis se concentreront sur les cantonales, où ils comptent présenter des candidats LCR sous le libellé "100 % à gauche". Un libellé précisément refusé par LO dans le protocole d'accord pour les régionales et les européennes. A Narbonne, enfin, la LCR locale a aussi exprimé son désaccord. Son animateur, Cyril Giesbert, a adhéré au PS, sous la bannière du courant NPS (Nouveau Parti socialiste).
Mais, un peu partout, c'est la lettre adressée au bureau politique (BP) de la LCR par Catherine Lebrun qui a troublé. Militante depuis 23 ans, membre du BP, Mme Lebrun avait fait part, lors du congrès, de sa décision de quitter l'organisation. Dans son courrier, daté du 17 novembre, elle expose les motivations de ce départ. "On prend cette décision, une fois constaté que la LCR cumule désormais de graves travers qui font système", écrit-elle. "Ainsi, la direction de la Ligue est-elle devenue une machine à penser la survie de la Ligue", ajoute-t-elle, pointant un "écartèlement désormais intenable entre discours velléitaire sur la nouvelle force -anticapitaliste que la LCR souhaite construire- et chimère du petit parti populaire reconnu électoralement".
"Il y a un risque de départs anonymes et silencieux, en particulier de camarades ex-PC et de jeunes venus sur l'effet Besancenot", s'est alarmé récemment Armand Creus, dans un texte interne. Si elles sont difficiles à dénombrer, ces démissions semblent pour le moment marginales. "Les gens risquent surtout de faire campagne avec leurs pieds", explique un militant parisien.
Du coup, conscients d'un certain malaise, les animateurs de la "plateforme 3" qui, regroupés derrière Christian Picquet et Alain Mathieu au dernier congrès, avaient critiqué le contenu de l'accord Ligue-LO, ont décidé - fait inédit - de rester " constitués en tendance".
Caroline Monnot
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 11.12.03