La situation au Brésil

Dans le monde...

Message par Barnabé » 08 Fév 2004, 22:13

a écrit :
BRESIL
Après les exclusions, le temps est maintenant à la construction du nouveau parti

L’exclusion du PT, le 14 décembre 2003, des quatre parlementaires (Heloísa Helena, Luciana Genro, Babá, João Fontes) désignés sous le nom de « radicaux » depuis qu’ils se sont opposés à la politique néolibérale du gouvernement Lula et placés à la tête des luttes de résistance des travailleurs, était annoncée (voir notamment le dossier d’Avanti ! n° 8) et ne pouvait surprendre aucun militant informé.
Avec les parlementaires radicaux, de nombreux autres militants, parmi eux des intellectuels renommés qui avaient été des fondateurs du PT (tels que Chico de Oliveira, Carlos Coutinho, Milton Temer ou Leandro Konder) , ont signalé cette réalité incontournable : la démonstration est faite que non seulement l’orientation du gouvernement ne peut pas être infléchie, mais que le PT lui-même n’est plus redressable, qu’il est mort en tant que parti pouvant encore défendre un tant soit peu les intérêts des opprimés. Il est maintenant indiscutable que le processus de dégénérescence en cours depuis de nombreuses années a franchi un seuil qualitatif.
L’intégration à des postes de pouvoir et de confort dans les administrations et institutions, autrement dit la corruption d’un très grand nombre de cadres, s’est accompagnée de l’étouffement de toute vie démocratique et de toute vie interne tout court, de la démoralisation et du départ de milliers de militants ouvriers d’avant-garde, au moment même où une « génération Lula » largement recrutée dans les classes moyennes voire aisées renouvelait profondément les effectifs du parti. Dans un « vieux langage trotskyste », on dirait : le PT est définitivement passé du côté de l’ordre bourgeois.
Symboliquement mais significativement, un mois après les exclusions, le gouvernement a pris un caractère encore plus accentué d’union nationale, avec l’intégration à des postes importants de représentants du PMDB, le parti bourgeois brésilien le plus significatif (deuxième groupe parlementaire après celui du PT) et le plus ancien (il formait l’opposition légale à la fin la dictature militaire, il y a 20 ans). Significativement et symboliquement, l’un des deux portefeuilles attribués au PMDB est celui de la prévoyance (sécurité sociale) : son représentant aura pour tâche d’appliquer la contre-réforme libérale que les « radicaux » avaient dénoncée et combattue, ce qui avait décidé la direction du PT à engager à leur encontre le processus d’exclusion. Toujours dans l’ordre de la signification et du symbole, les attaques de cette direction contre Heloísa Helena, principale figure des radicaux, avaient commencé à se déchaîner lorsqu’elle avait refusé de voter pour José Sarney, l’ancien président de la République devenu un dirigeant du PMDB, à la présidence du sénat.

Un espoir et un défi
« La résistance, la fidélité aux intérêts des travailleurs comme à l’espoir qu’avait représenté le PT, la rupture avec le capitalisme et l’impérialisme sont à l’évidence incarnées dans le combat de ceux qu’on appelle ‘‘les radicaux’’ », écrivions-nous dans notre numéro 8. Face aux multiples manœuvres dilatoires de l’appareil du PT, mais aussi aux pressions exercées par son aile « gauche » timorée ou collaborationniste, il n’était pourtant pas assuré que les radicaux, issus de nombreux courants , parviennent à rester suffisamment unis et forts pour lancer un projet alternatif. C’est l’excellente nouvelle de ce début d’année : avec plusieurs courants politiques (issus principalement du PT mais aussi du PSTU ), des intellectuels, des syndicalistes, des militants ouvriers et des mouvements sociaux, la sénatrice et les trois députés ont lancé, le 19 janvier 2004 à Rio de Janeiro, le processus constituant vers un nouveau parti. Le document adopté lors de cette réunion (« Mouvement pour un nouveau parti : pour une gauche socialiste et démocratique ») est le document n° 1 du dossier qui suit.
Ce texte vise, à la fois, à fixer un premier cadre programmatique et à ouvrir la discussion avec tous ceux qui souhaiteront participer au processus constituant. Ses signataires ont annoncé qu’ils organiseraient très vite une seconde réunion, cette fois-ci à Sao Paulo, avec des intellectuels et des militants de cet Etat qui ont également rompu avec le PT en décembre et devraient s’intégrer au travail initié. Au cours des prochains mois, d’autres réunions seront organisées, avec les quatre parlementaires, cette fois-ci dans chaque Etat du pays, afin de préparer une première rencontre nationale, au mois de mai, où seront adoptés les statuts provisoires du Mouvement pour le nouveau parti (avec publication de la liste, exigée par la loi, des 101 membres fondateurs) ainsi qu’un plan de campagne pour obtenir sa légalisation. La réunion du 19 janvier a en outre adopté des mesures pour l’organisation politique du Mouvement dans les syndicats et dans la jeunesse, décidé de se doter d’une site Internet, ainsi que d’une apparition publique centrale à l’occasion du 8 mars, journée internationale de lutte des femmes.
Comme un document du MES le signale , sans doute le processus engagé ne sera-t-il pas linéaire ni facile. En premier lieu, la dynamique de construction dont le Mouvement bénéficie pourrait s’avérer plus lente qu’espérée, notamment parce qu’à une échelle de masse, la démoralisation et la résignation prédominent actuellement sur la combativité et la radicalisation. Le fait que le gouvernement et les bureaucraties syndicales aient réussi à isoler puis défaire le grand mouvement des fonctionnaires fédéraux (de juin à août 2003) en défense de leurs retraites pèse en partie de façon négative. L’attitude des députés de la « gauche » du PT, qui ont choisi de voter pour les contre-réformes au nom d’une discipline ou solidarité de parti (voir Avanti ! n° 6) n’en apparaît que plus déplorable.
En second lieu, l’objectif de regrouper et unifier autour d’un programme commun et d’un fonctionnement démocratique, dans un pays fédéral de la taille d’un continent, de nombreuses composantes dont aucune ne dispose d’une implantation nationale (le courant organisé sans doute le plus important, le MES, est fondamentalement implanté dans deux Etats et ne compte pas plus de quelques centaines de membres), ainsi que toute une série de militants d’origines et de  sensibilités très diverses, ayant peu d’expérience commune de construction politique (vu la coquille vide qu’est devenu le PT), constitue un véritable défi. Un défi à relever, alors même que les obstacles matériels sont considérables. Pour être légalisé et donc pouvoir se présenter aux élections, un parti politique doit ainsi recueillir 500.000 signatures, avec des quotas minimum dans au moins 9 Etats. L’effort militant devra donc être soutenu, pour le moins, sur de longs mois.

Face à l’opportunisme…
Les « radicaux » doivent de plus faire face à des orientations contraires de deux types, portées par des courants qui leur disputent – ou voudraient leur interdire de disputer – l’espace politique délaissé, à gauche, par le PT.
La première de ces orientations est celle de la « gauche » résiduelle du PT, représentée par les tendances Démocratie socialiste (la « section brésilienne de la IV° Internationale »), Articulation de gauche et Force socialiste. Ces courants, en général, affirment que le cours du gouvernement et du PT n’est toujours pas tranché, et ils considèrent de toute façon que dans une situation qui n’est pas marquée par une montée des luttes, il n’y aurait point de salut en dehors. Sans doute ne sont-ils cependant pas homogènes mais sujets à des contradictions. Leur décision de rester dans le PT dessert gravement la construction d’une alternative et est grosse de futures catastrophes, mais l’on ne peut pas condamner à l’avance ceux de leurs membres qui peuvent mettre en avant des raisons tactiques, en soutenant – de façon illusoire – qu’il faudrait rester plus longtemps pour sortir demain plus nombreux. De toute façon, beaucoup de militants aujourd’hui encore membres du PT devront trouver leur place dans le nouveau parti.
Mais rester tactiquement dans le PT est une chose, soutenir le gouvernement ou, pire encore, y participer en est une autre, qualitativement différente. « Le lendemain de l’exclusion de la sénatrice Heloísa Helena du Parti des travailleurs (PT), le ministre du développement agraire, Miguel Rossetto, défend son plan de réforme agraire sans état d’âme », peut s’étonner Le Monde du 31 décembre dernier, en précisant aussitôt après que « la parlementaire exclue le 15 décembre faisait partie de la tendance Démocratie socialiste, le courant trotskiste du PT, dont M. Rossetto est le seul représentant au gouvernement ». Comment pareille chose est-elle possible ?
Pour quiconque se réclame du socialisme, sans même parler de révolution, défendre l’action du ministre DS tourne de plus en plus à la farce sinistre. Du fait de la politique de soumission au capital financier et à l’impérialisme menée par son gouvernement, Rossetto est dépourvu de toute marge de manœuvre pour satisfaire les revendications des sans-terre, et plus généralement pour mener dans le cadre limité de ses fonctions une politique minimalement progressiste. Sauf à se condamner à l’immobilisme (ce qui avait précisément été reproché au directeur démissionné de l’INCRA , Marcelo Resende), il ne peut donc appliquer que cette « réforme agraire de marché » que le PT condamnait jusqu’à une époque très récente (voir Avanti ! n° 6).
C’est ce qu’il fait, et avec persévérance. Officiellement afin de mieux coordonner la réforme agraire « avec les ONG et les entités privées », un « groupe de travail interministériel » a été constitué le 22 janvier 2004. Rossetto y est associé à (c’est-à-dire placé sous la tutelle directe de) José Dirceu, ministre de la Maison Civile (premier ministre) et Antonio Palocci, ministre des finances, respectivement les numéros 2 et 3 du gouvernement, principaux idéologues et artisans de la politique en cours. On ne peut définitivement plus croire en un aveuglement passager. Pour accepter d’agir dans un tel cadre, il faut avoir préalablement accepté, comme un « fait » peut-être regrettable mais en tout cas indépassable, la structure capitaliste et oligarchique de la propriété foncière – donc aussi de l’ensemble de l’économie.
Là encore, c’est le cas. Photographié tout sourire par Reuters alors que sa camarade de tendance vient d’être exclue, le ministre affirme, dans son interview déjà citée (Le Monde, 31/12/2003), que certes c’est une « ‘‘contradiction que l’agrobusiness modifie les paramètres avec lesquels doit rivaliser l’exploitation familiale’’ (…) L’expansion des grandes entreprises augmente la valeur de la terre, alors que les expropriations se font au prix du marché .  Néanmoins, ‘‘le Brésil peut continuer à vivre avec ces deux modèles, il y assez de terre pour les deux’’, plaide le ministre ». Autrement dit, l’amélioration du sort des plus opprimés serait compatible avec la perpétuation de la forme de capitalisme la plus inhumaine et brutale…
Pour que des courants que sépareraient des désaccords tactiques (en supposant qu’ils soient vraiment tactiques) puissent éventuellement se réunir plus tard, une condition indispensable est un minimum de correction et d’honnêteté. Malheureusement, il faut dire que la déclaration publiée le 15 décembre par la DS (ci-après, document n° 4) ne répond pas à cette exigence. Ce texte dissocie le « cas » d’Heloísa Helena de celui des trois députés, dont il ne mentionne même pas les noms. Il présente comme intolérable l’exclusion d’Heloísa, mais non celle des autres parlementaires radicaux. De plus, la DS y invite la sénatrice de l’Alagoas à s’abstenir de toute « provocation », jusqu’à ce qu’une demande de réintégration présentée par ses soins puisse être examinée par le prochain congrès du parti… en 2005 .
Il s’agissait bien évidemment de neutraliser la principale figure nationale de l’opposition de gauche, et ainsi d’affaiblir le combat d’ensemble des « radicaux ». Que cette tentative ait fait long feu témoigne certainement du désarroi et des limites politiques de ses auteurs… mais aussi et surtout de la nécessité et viabilité de la lutte pour le nouveau parti, dont Heloísa Helena est la première porte-parole.

…et au sectarisme
Mais l’opportunisme (ou capitulation, ou ralliement), problème le plus grave, n’est pas le seul obstacle. Une deuxième orientation divise et affaiblit la gauche anticapitaliste et révolutionnaire : celle pour laquelle la direction majoritaire du PSTU a opté.
A première vue , la dénonciation virulente que cette direction a entreprise des radicaux était peu compréhensible. Il semblait en effet n’y avoir, entre eux et le PSTU, que des différences d’appréciation sur les rythmes. La direction du PSTU insistait sur le fait que le processus de constitution d’un nouveau parti, pour être vraiment démocratique, devait être mené avec patience dans un cadre unitaire large et souple, permettant de confronter à fond toutes les opinions ; si – affirmait-elle – les radicaux insistaient pour avancer plus vite vers des formes de structuration de parti, notamment pour en obtenir la légalité, c’est qu’ils cédaient à une certaine forme d’électoralisme, ce même électoralisme qui a abouti à la conversion néolibérale du PT ; d’ailleurs, qu’était-il besoin de presser le mouvement puisque le PSTU, parti légal, était disposé à faire bénéficier de son registre électoral des dirigeants tels que Heloísa Helena, si celle-ci décidait de concourir en 2004 pour la mairie de Maceió (capitale de l’Etat d’Alagoas) où elle avait de fortes chances de l’emporter ?
La direction du PSTU s’en est tenue à ce type d’explication plusieurs mois durant… jusqu’à ce que ses interlocuteurs parviennent à forcer le débat sur le fond. A ce moment-là, la teneur des échanges s’est modifiée. On a alors appris que si le « mouvement » pour le nouveau parti devait être extrêmement lâche et peu contraignant, ce « parti » ne pourrait lui-même que prendre à l’inverse une forme ultra-centralisée et se baser sur un programme complet intégrant tous les aspects de la stratégie et de la tactique révolutionnaires. Non à un parti large pour le socialisme sur un programme anticapitaliste et anti-impérialiste qui ne clive pas a priori avec des militants et courants conservant des illusions réformistes, a alors proclamé le PSTU, affirmant que tout ceci contenait en germe les mêmes déviations ayant conduit le PT à sa perte…
Et surtout, surtout pas de « tendances permanentes », car cela équivaudrait au « fonctionnement du PT », à sa « stratégie de prioriser les élections et les institutions bourgeoises au détriment des luttes et de l’organisation des travailleurs », ce qui est « anti-démocratique » : dans le communiqué publié le 20 janvier par le PSTU à l’issue de sa rencontre avec Heloísa Helena et Milton Temer (mandatés par la réunion des radicaux tenue à Rio), ce point est même la seule divergence de fond mentionnée.
Dans une activité militante ne se développant pas dans le cadre d’une situation révolutionnaire, on peut certainement relativiser la portée de la revendication par le PSTU d’un programme « révolutionnaire » pur et dur. Sa direction serait d’ailleurs bien en peine de démontrer en quoi ses militants (qui jouent dans les luttes un rôle respectable et utile) mèneraient en pratique une politique plus « révolutionnaire » que les radicaux issus du PT… Ce qui selon toute apparence l’incommode le plus, c’est donc bien l’idée d’une « alternative démocratique et pluraliste, de masse et internationaliste, libre de tout doctrinarisme ou esprit de secte, avec des mécanismes garantissant la participation active des militants, le plein droit de tendance, un profond respect envers les minorités et la liberté d’opinion » (voir ci-après document n° 1, point C.2).
Le PSTU aurait pu, pourrait toujours, devrait encore pouvoir apporter un concours important au processus de réorganisation politique des travailleurs brésiliens. Son choix actuel n’est donc pas moins dommageable et débilitant que celui des courants du PT qui choisissent de rester immergés dans ce parti sans combattre. Il l’est d’autant plus – autre aspect de la question – que, « prenant de vitesse » les radicaux dont la combat au sein du PT devait aller jusqu’à son terme, le PSTU avait pris l’initiative, à l’occasion du Forum social de Belo Horizonte tenu en novembre dernier, de proclamer son propre « Mouvement pour un nouveau parti » ; et que toute caricaturale qu’elle soit , cette initiative ne représente pas moins un certain facteur de confusion.

Pour nous aussi, il est temps maintenant
Il y a donc chez ceux qui se ceux se réclament au Brésil du socialisme, de la révolution, du trotskysme, trois orientations qui s’opposent de la façon la plus évidente et la plus claire possible. Orientations que l’ont peut, selon nous, résumer de la façon suivante : a) continuer dans l’illusion de redresser un jour le PT, tout en baissant la tête face aux menaces bureaucratiques et pendant ce temps en collaborant à la politique néolibérale majoritaire ; B) poursuivre dans la logique également illusoire de l’organisation révolutionnaire verticaliste et (jusqu’aux scissions ou exclusions, inévitables) monolithique ; c) lutter pour construire un nouveau parti large pour le socialisme, de lutte de classe, démocratique et pluraliste.
Aucun responsable de notre mouvement ayant accès aux informations ne peut plus maintenant échapper à l’obligation d’étudier la situation brésilienne, d’en tirer des conclusions et de les faire connaître.
Il n’est plus possible de rester silencieux sur la politique majoritaire de la DS, sur sa participation au gouvernement et sur ce qu’elle y fait, ni d’évacuer cette question à l’aide de considérations allusives et parcellaires. Ni de se contenter de reproduire sans commentaire des déclarations tendancieuses quand elles ne sont pas mensongères . Et pas davantage d’essayer de « se tirer d’affaire » avec la méthode éculée de « la paille dans l’œil du voisin » .
La LCR, la Quatrième Internationale (Secrétariat Unifié) doivent se définir. Entre l’orientation de Miguel Rossetto et celle de Heloísa Helena, il faut choisir, il est maintenant plus que temps.
Jean-Philippe Divès

Barnabé
 
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Message par Mariategui » 11 Fév 2004, 19:05

Bon, la tendance Démocratie Socialiste s'est réuni et alors que je croyais que ce n'était pas possible, elle a réussi à s'enfoncer encore plus dans l'ignominie (et je pèse mes mots). Voila en francais, la traduction du site suisse àl l'encontre des résolutions de la séance du 7 février et un article d'Ernesto herrera qui tire les conclusions logiques de ce qui vient d'arriver:


a écrit :Nous publions, ci-dessous, la résolution de la Coordination nationale de Démocratie socialiste (DS), tendance du Parti des travailleurs, Brésil. Cette résolution a été adoptée le 7 février 2004. La tendance Démocratie socialiste a conservé sa représentation au sein du gouvernement récemment remanié par le président Lula. En effet, un membre éminent de Démocratie socialiste est à la tête du Ministère du développement agraire - autrement dit de la réforme agraire. Une réforme à pas de tortue. Mais d'une tortue sous-alimentée, c'est-à-dire ne disposant pas des ressources - en l'occurrence ici des fonds budgétaires - pour avancer à un pas raisonnable. Même si le qualificatif "raisonnable" implique d'être bien en deçà des espérances de la centaine de milliers de paysans qui sont, chaque année, expulsés de leurs terres; et qui s'additionnent aux centaines de milliers de sans-terre.

La direction de la DS, avec le poids de responsabilités dans un gouvernement salué par Cardoso comme exemplaire1, n'a pas traité de ce genre d'expulsions. Elle a centré sa discussion sur la continuité des décisions prises lors de sa 7e Conférence nationale qui s'est tenue du 21 au 23 novembre 2003, dont la principale, très concrètement, reste celle d'une participation dans le gouvernement de Lula.

Elle affirme vouloir contribuer à "la formation d'un ample mouvement, dans le parti, dans le gouvernement, dans le parlement, dans la société". A priori, il semble que cet ample mouvement sera assez difficile à développer dans le gouvernement; à moins que le ministre du Développement agraire n'annonce, indirectement, par ce communiqué, qu'il va tenter d'écarter ou de bousculer, à la fois: le ministre de l'Agriculture, Roberto Rodrigues, représentant des grands latifundistes modernistes, le ministre de l'Economie, Palocci, et le patron de la banque centrale, Mereilles.

Quant à l'ample mouvement dans le parlement, pour l'heure il s'est soldé par des expulsions du PT et de sa fraction parlementaire des "quatre radicaux". Parmi eux, la sénatrice Heloisa Helena, membre de la DS. Elle est l'une des figures publiques les plus connues du PT. Elle fut ancienne dirigeante, sous Cardoso, de la fraction parlementaire du PT au Sénat.

Quant à Luciana Genro, autre députée fédérale de l'Etat de Rio Grande do Sul, membre du MES (Mouvement de la gauche socialiste), exclue du PT avec son amie Heloisa Helena, peu de chances existent qu'elle puisse susciter un ample mouvement dans le parlement! Et encore moins dans le gouvernement... où son père Tarso Genro a consolidé ses positions gouvernementales lors du dernier remaniement; un remaniement salué par la presse financière internationale.

La résolution de la DS présente au plan politique deux options à rejeter. La première, celle qui conduit à renoncer au programme historique du PT, autrement dit, de fait, avaliser l'orientation social-libérale (et même pas réformiste) du PT. La deuxième, celle qui marche sur les brisées de la construction d'un Mouvement pour un parti socialiste, révolutionnaire et démocratique (voir notre site, articles Brésil en date du 30.1.2004, du 20.1.2004 et du 7.1.2004), orientation définie comme sectaire. Deux  questions viennent à l'esprit.

1° Tout d'abord, en quoi une participation, tranquille, d'un membre de la DS à ce gouvernement bourgeois de coalition constitue-t-elle une bataille politique et programmatique pédagogique face à ceux et celles qui accompagnent la dérive social-libérale (ou "néolibérale") du PT-gouvernemental, c'est-à-dire ceux que la résolution caractérise comme accompagnant "l'abandon du caractère programmatique historique du parti (PT)"?

De plus, si l'on caractérise le "gouvernement [comme étant] hégémonisé par le PT", - comme le fait la résolution de la DS présentée ci-dessous - alors la conclusion logique est terrible. L'orientation du parti hégémonique (le PT), pour autant que le terme ait un sens2, se superpose à celle du gouvernement. En effet, hégémonique, le PT impose sa ligne. Cela conduit à reconnaître que l'orientation concrète du présent gouvernement Lula représente effectivement la ligne néolibérale du PT (social-libérale comme disait la "gauche radicale" française à propos de Jospin). L'alliance organique avec des secteurs décisifs du grand capital brésilien - que symbolisent la vice-présidence d'Alencar ou le rôle légalisé de centre de décision indépendant de la Banque centrale avec Mereilles, ancien PDG international de la BankBoston - n'expliquerait pas, à elle seule, le cours du PT. C'est le PT actuel - fruit d'une longue transformation institutionnelle et sociologique que sa large audience électorale ne réfute en aucune mesure - qui impose cette orientation pratique s'opposant aux besoins des masses laborieuses. Le jugement sur le PT, de fait, est donc des plus sévères de la part de la DS.

Mais alors, comment vouloir participer à la "construction d'un grand courant de gauche qui soit le pôle de référence de la reconstruction et du fonctionnement du PT en tant que parti socialiste et démocratique" tout en restant dans ce gouvernement, comme le fait Miguel Rossetto, la tête gouvernementale de la DS? C'est-à-dire en avalisant le cours du PT-gouvernemental et en accentuant toutes les adaptations socio-institutionnelles du PT, qui sortiront encore renforcées de la combinaison entre une avancée électorale aux municipales de l'automne 2004 - tremplins pour les prochaines élections à l'échelle des Etats - et le cours néolibéral du gouvernement.

Le "troisième voie" proposée par ce courant historique de la gauche du PT, la DS, risque bien de se solder par l'apparition d'une New-DS dans le New-PT, pour faire référence au passage du Labour Party au New-Bliar3 Party.

On pourrait même se risquer à discuter le sens politique du terme "reconstruction" du PT. Car l'émergence d'un parti socialiste et démocratique - donc anticapitaliste, anti-impérialiste et socialiste - ne peut faire l'économie des profondes mutations à l'échelle nationale et internationale par rapport au début des années 1980. Dès lors, continuité et discontinuité seront des éléments essentiels pour l'affirmation d'un tel parti. La "reconstruction" posée comme répétitive, itérative, sera une fausse fenêtre comme l'ont été les tentatives des "refondateurs" des partis communistes (fruit du stalinisme) en Europe.

2° Ensuite, la caractérisation de sectaire pour ce qui a trait à l'option de la construction d'un nouveau parti socialiste, révolutionnaire et démocratique devrait être examinée de plus près. Peut-on qualifier les principaux signataires de l'appel pour un nouveau parti de sectaires dans leurs pratiques et dans leur orientation? Le faire revient, d'un côté, à condamner Heloisa Helena, Leandro Konder, Cid Benjamin pour sectarisme et, de l'autre, à épauler Miguel Rossetto pour sa bataille, silencieuse, dans le gouvernement.

De plus, la caractérisation de sectaire, au plan politique, est assez claire: cela revient à privilégier les intérêts d'appareil, grand ou petit, de positions institutionnelles, etc. face aux intérêts effectifs des travailleurs. Or, toutes les contributions de très nombreux intellectuels, dont certains ne participent pas au Mouvement pour le nouveau parti, comme César Benjamin ou Emir Sader, s'articulent sur une thématique: la politique concrète du gouvernement Lula ne répond pas aux besoins des masses laborieuses qui ont voté pour lui. Qui est donc sectaire? Poser la question, c'est y répondre.

Nous ne commenterons pas ici les choix organisationnels de la DS, même s'ils sont publics, comme l'ont été les expulsions des "quatre radicaux" du PT. Toutefois, l'appel aux membres est clair: quittez le Mouvement pour le nouveau parti. A ce propos, voir l'article du Jornal do Brasil, du 8 février 2004, consacré à la prise de position d'Heloisa Helena en faveur du Mouvement pour un nouveau parti (voir la traduction sur ce site: "Entretien avec Heloisa Helena").
C.-A. Udry et Ernesto Herrera

Notes
1. Voir le quotidien mexicain L'Universal qui résume la conférence organisée à New York par Jorge G. Castaneda, ex-ministre des Affaires étrangères du Mexique du président Vicente Fox. Voir sur notre site l'article: "Brésil: Cardoso parle de Lula", 30 janvier 2004.

2. Hégémonie signifie suprématie d'une cité, d'un peuple dans une fédération. Cela dans le sens grec. Dans le sens moderne, hégémonie signifie autorité, direction, pouvoir, suprématie. C'est-à-dire que le PT impose son orientation aux autres forces, par exemple aux représentants du grand capital.

3. En anglais menteur se dit: liar.


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1.  La Démocratie socialiste, une des tendances internes du Parti des travailleurs, a réalisé sa 7ème Conférence nationale les 21, 22 et 23 novembre 2003. Le centre des débats a alors tourné autour de la nouvelle situation au Brésil depuis l'élection de Lula à la présidence. Plus particulièrement, cette Conférence a été axée sur l'évaluation critique de l'expérience de presque une année de gouvernement dominé par le PT, sur l'impact de cette expérience sur les mouvements sociaux et sur le PT, sur les débats stratégiques ouverts, aussi bien par rapport aux alternatives programmatiques que par rapport à la question décisive de la construction partidaire [du parti des travailleurs] au Brésil.

2.  La Conférence a jugé valable la poursuite de la défense des valeurs positives issues de l'histoire du PT (la contribution programmatique; le droit de tendances et le droit à la démocratie interne; les conquêtes féministes; la synthèse des expériences et des forces de gauche). Dans ce cadre, cette Conférence a également souligné la nécessité de renouer les liens entre le parti et l'ample mouvement politico-social qui gravite autour du PT.

3.  La Conférence a décidé l'intervention dans la bataille d'orientation au sein du PT en se basant sur la légitimité de la défense d'un projet historique et stratégique d'un parti socialiste et démocratique. Et, face au développement d'un conflit au sein du parti, la Conférence décida de mettre en avant la construction d'un grand courant de gauche qui soit le pôle de référence de la reconstruction et du fonctionnement du PT en tant que parti socialiste et démocratique. La construction de ce courant et la lutte pour la reconstruction socialiste du PT représentent l'alternative aussi bien à toute tendance favorable à l'abandon du caractère programmatique historique du parti (PT), qu'aux démissions en vue de la construction d'un projet sectaire de parti politique. En effet, les deux tendances renoncent à l'expérience de la construction d'un parti de masses, socialiste et démocratique.

4.  La Conférence [de novembre 2003] a approuvé une résolution spécifique " En défense de la démocratie " contre les expulsions des parlementaires du PT. Nous avons annoncé que si l'expulsion de la camarade Heloísa Helena venait à être exécutée, nous présenterions immédiatement un recours auprès de la prochaine Rencontre nationale du PT, en proposant y compris d'en avancer la date. Cette initiative cherchait également à maintenir des liens politiques avec notre camarade, en vue de renforcer l'orientation décidée lors de notre Conférence, à savoir la bataille pour l'orientation à l'intérieur du PT.

5.  La Direction nationale du PT, réunie le 14 décembre 2003, a décidé d'expulser quatre parlementaires pétistes. Parmi ces derniers, la députée fédérale Luciana Genro et les députés fédéraux Babá et João Fontes, qui militaient déjà pour la création d'un nouveau parti politique. Ce n'était pas le cas de la camarade Heloísa Helena. A cette séance de la Direction nationale du PT, nous avons unifié tous les courants minoritaires du PT autour d'une seule déclaration contre les expulsions, à laquelle s'est joint le sénateur Eduardo Suplicy. Toujours à la même réunion, le camarade Walter Pinheiro a présenté, au nom de la Démocratie Socialiste, un recours auprès de la Réunion nationale du PT.

6.  Encore au mois de décembre 2003, quelques militant-e-s de la DS de Rio et de l'Etat de Paraná ont signé un manifeste qui symbolisait leur sortie du PT et ont affirmé leur engagement dans la construction d'un nouveau parti.

7.  Le 19 janvier 2004 à Rio de Janeiro, quelques militant-e-s de la DS ont participé à une réunion et ont signé un manifeste pour la création d'un nouveau parti politique.

8.  La proclamation d'un nouveau parti politique et les tâches déjà prévues pour sa mise en pratique constituent un droit et une option politique de celles et ceux qui en expriment la nécessité. Pourtant, la Coordination nationale de la DS affirme que cette initiative est en opposition frontale avec les délibérations de notre dernière Conférence nationale (points 1 à 4).

9.  La Coordination nationale de la DS, tendance du PT, élue lors de la 7èmeConférence nationale, lors de sa première séance, le 7 février 2004, décide :

-          d'appeler les militant-e-s qui ont démissionné à re-adhérer au PT afin que nous donnions suite, ensemble, aux résolutions de la 7èmeConférence, renforçant ainsi notre courant et non en l'affaiblissant ;

-          d'appeler toutes et tous les camarades de renouer les liens avec notre courant, en arrêtant de se compromettre dans la formation de ce nouveau parti ;

-          de contribuer à la création d'un ample mouvement, dans le parti, dans le gouvernement, au Parlement, dans la société, qui fasse pression sur le PT afin que ce dernier revienne à ses positions historiques et sur le gouvernement Lula afin qu'il applique les transformations sociales que le peuple et les travailleuses et les travailleurs désirent ardemment ;

-          d'expliquer à l'ensemble du Parti des travailleurs que les propositions, attitudes et paroles de ces camarades qui ont démissionné du PT et qui militent pour la construction d'un nouveau parti ne représentent pas les membres de la tendance Démocratie socialiste, soit l'orientation exprimée lors de la Conférence nationale; et de même ils n'ont pas l'accord de sa Coordination nationale.

São Paulo, le 7 février 2004
Mariategui
 
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Message par emman » 12 Fév 2004, 22:34

Sur DS j'ai rien a dire, je me demande ce qu'ils font encore a la 4... :altharion:

Sur l'article d'avanti je retiens entre autre cela :

Ce qui selon toute apparence l’incommode le plus [le PTSU], c’est donc bien l’idée d’une « alternative démocratique et pluraliste, de masse et internationaliste, libre de tout doctrinarisme ou esprit de secte, avec des mécanismes garantissant la participation active des militants, le plein droit de tendance, un profond respect envers les minorités et la liberté d’opinion »

En gros, toute organisation qui ne souhaitent pas construire le "grand parti anticapitaliste et democratique au contour non defini", ne peut etre etre que doctrinaire et sectaire. :halalala:
emman
 
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Message par Barnabé » 13 Fév 2004, 22:06

Dans le dernier numéro de débat militant:
a écrit :
Prendre le parti des “ radicaux ” exclus du PT !

Le 19 janvier, à Rio de Janeiro, les député(e)s João Batista Araujo dit “ Babá ”, João Fontes et Luciana Genro ainsi que la sénatrice Heloísa Helena ont signé un manifeste “ Pour une gauche socialiste et démocratique ”, confirmant la volonté des “ radicaux ” exclus du Parti des travailleurs à la mi-décembre de créer une nouvelle formation d’ici le mois de juin.
La direction “ pétiste ” entend museler ceux qui dénoncent la politique de contre-réforme libérale du gouvernement de Luiz Inacio “ Lula ” da Silva : la position courageuse arrêtée par Babá, João, Luciana et Heloísa est une note d’espoir pour toutes celles et tous ceux qui ne se résignent pas à voir le PT et ses alliés imposer, l’une après l’autre depuis un an, les mesures anti-ouvrières dictées par le FMI et la Banque mondiale.
Le texte signé par les quatre élus et par des figures historiques du PT estime que “ le gouvernement Lula a choisi d’accomplir la tâche à laquelle la social-démocratie institutionnelle s’est consacrée dans un passé récent : faire au compte du grand capital ce que la droite traditionnelle n’était pas en condition de faire. ” La conclusion s’impose d’elle-même : “ Aussi avons-nous le droit, pour ne pas dire l’obligation, ajoutent-ils, de construire une alternative en terme de parti susceptible de remplir l’espace qui a été abandonné. Une alternative qui soit un parti de lutte, contre le modèle néolibéral et le gouvernement qui l’applique, de défense des revendications et objectifs de la classe des travailleurs ; une alternative démocratique et pluraliste, de masse et internationaliste, libre de tout doctrinarisme ou esprit de secte, avec des mécanismes garantissant la participation active des militants, le plein droit de tendance, un profond respect envers les minorités et la liberté d’opinion. ”
Des militants du rang comme des membres fondateurs du PT se sont publiquement solidarisés de la démarche initiée par les “ radicaux ”. Certains, à l’instar de militants de Rio et de Parana issus de Démocratie socialiste, ont annoncé qu’ils refusaient “ de rester une minute de plus dans le parti ”, à peine connues les mesures disciplinaires prises à l’encontre de Babá, João, Luciana et Heloísa. “ Pour nous, il est temps maintenant ” titrent-ils, tranchant avec l’attentisme caractérisant la direction de ce courant lié à la Quatrième internationale et à la LCR depuis l’accession de l’ancien métallo à la magistrature suprême.
L’analyse des militants de Rio et de Parana est lucide ; leur position conséquente : “ ces expulsions envoient […] un clair message qu’aucun type de divergences politiques de la part de ceux qui restent dans le parti ne sera toléré. Dès lors, nous nous considérons aussi expulsés du parti. ” C’est l’évidence. Demeurer au PT deviendra de plus en plus difficile pour toutes celles et tous ceux qui contestent le ralliement de la majorité entourant Lula au social-libéralisme, sinon bien sûr à ménager la direction “ pétiste ” ou pire à taire ses désaccords.
Une année après le remplacement de Fernando Henrique Cardoso par Luiz Inacio “ Lula ” da Silva à la tête du Brésil le doute n’est plus de mise sur la nature du gouvernement “ pétiste ”. Les réformes de la prévoyance et de la fiscalité ou l’austérité qui frappe tous les budgets attestent suffisamment de son caractère bourgeois et réactionnaire. Nulle surprise de ce côté. Pour s’assurer la victoire à la Présidentielle, Lula n’avait pas hésité à rallier le Parti libéral (PL), une formation de droite. En choisissant comme futur vice-président le sénateur José Alencar, membre de PL, un ex-dirigeant de la Confédération nationale de l’industrie, un milliardaire à la tête d’une société employant près de 20 000 salariés et au chiffre d’affaires de plus de 320 millions de dollars, Lula signifiait explicitement sur quelle classe il entendait s’appuyer.
Sa majorité parlementaire s’est depuis sa victoire naturellement élargie à droite.
De ce point de vue, le remaniement ministériel décidé par Lula le 23 janvier est un non-événement. Les deux maroquins confiés au Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB) sanctionnent le soutien parlementaire sans faille apportée à Lula par le PMDB lors du vote des deux contre-réformes libérales phares, celle de la prévoyance et celle de la fiscalité. Le PMDB est avec 78 élus le deuxième parti à la Chambre des députés et avec 22 représentants la première formation du Sénat que préside son leader, l’ancien chef de l’État, José Sarney. L’ouverture de la coalition gouvernementale à ce parti assure “ une gouvernabilité tranquille du pays ”, dixit Lula.
L’ancien métallo fait très exactement ce qu’il a dit et redit tout au long de la campagne présidentielle, ni plus ni moins. Partant, on comprend d’autant moins l’allant de la gauche du PT, notamment de DS qui entend représenter son aile radicale, et qui, malgré le bilan de Lula et de son équipe, mise encore sur les supposées contradictions qui traverseraient le gouvernement ! Le débat sur “ les deux âmes du gouvernement Lula ” est tranché, et ce, plutôt deux fois qu’une. Les contre-réformes, l’austérité, les exclusions : tout dans la situation le confirme. La position de DS était déjà intenable, il y a un an, alors que Lula misait sur un compromis avec les représentants des couches les plus réactionnaires de la bourgeoisie brésilienne plutôt que de s’en remettre à la mobilisation des masses ; revendiquer, aujourd’hui, une simple “ réorientation ” de la politique du gouvernement Lula est une démission devant ses responsabilités.
La bataille perdue par la classe ouvrière brésilienne cet été sur les retraites souligne l’urgence pour les révolutionnaires d’une lutte pieds à pieds pour redonner au mouvement ouvrier une expression autonome, indépendante de la bourgeoisie. Fort de ses liens historiques avec la Centrale unique des travailleurs (CUT), le PT a pu amortir la contestation et négocier un ralliement du mouvement à Lula, sans dommage pour ses projets réactionnaires. En tirer toutes les leçons est vital. Le gouvernement “ pétiste ” compte pousser son avantage et prépare déjà après la privatisation, début février, de la Banque de l’État du Maranhão (BEM) celle des trois autres établissements publics. Permettre à la classe ouvrière de retrouver son indépendance de classe est la priorité pour tous les révolutionnaires du Brésil, et cela passe inévitablement dorénavant par une rupture avec le parti assurant le rôle de courroie de transmission du gouvernement : le PT.
Réarmer le prolétariat des villes et des campagnes est une tâche dont aucun courant révolutionnaire ne peut s’affranchir, sinon à perdre son âme. L’attitude de la direction de Démocratie socialiste est malheureusement désarmante. Miguel Rosseto, membre de DS, participe au gouvernement Lula malgré la présence de ministres de droite, malgré les contre-réformes, malgré les exclusions visant les révolutionnaires du PT. Que faut-il donc pour amener la direction de DS et son ministre Rosseto à faire marche arrière ?
Les positions arrêtées lors de la Coordination nationale de DS à São Paulo le 7 février 2004 annoncent le pire.
La résolution adoptée comporte une “ évaluation critique de l’expérience de presque une année de gouvernement dominé par le PT, sur l’impact de cette expérience sur les mouvements sociaux et sur le PT, sur les débats stratégiques ouverts, aussi bien par rapport aux alternatives programmatiques que par rapport à la question décisive de la construction partidaire au Brésil ”, mais sans en tirer d’autre conclusion. Significativement, la présence de Miguel Rosseto à la tête du Ministère du développement agraire n’est pas même mentionnée, moins encore le bilan de la réforme agraire : à peine 10 000 familles installées sur les 60 000 initialement prévues en 2003 ; une explosion du nombre des attentats contre les sans-terre, etc. DS est, en revanche, autrement démonstrative dès qu’il s’agit de qualifier l’initiative des radicaux de créer un nouveau parti, qu’elle taxe de “ projet sectaire ”.
Elle demande, de surcroît, à tous ceux qui s’engagent auprès de Babá, João, Luciana et Heloísa “ de renouer les liens avec notre courant, en arrêtant de se compromettre dans la formation de ce nouveau parti ”, s’empressant “ d’expliquer à l’ensemble du Parti des travailleurs que les propositions, attitudes et paroles de ces camarades qui ont démissionné du PT et qui militent pour la construction d’un nouveau parti ne représentent pas les membres de la tendance Démocratie socialiste ”. Qui se compromet ?
Nous, nous sommes pleinement solidaires des militants de Démocratie socialiste de Rio et de Parana — fusent-ils une poignée comme le dit la direction de DS — ; nous nous plaçons résolument aux côtés de toutes celles et de tous ceux qui refusent de cautionner la politique de Lula et du PT. Les diviseurs, ce sont ceux qui affaiblissent le regroupement en cours à la gauche du PT. Ceux qui “ renoncent à l’expérience de la construction d’un parti de masses, socialiste et démocratique ”, contrairement à ce que dit la direction de DS, se trouvent parmi ses militants préférant perdre les avantages que les positions acquises par le PT dans l’appareil d’État assurent plutôt que de renier leur combat pour un Parti des travailleurs, une arme pour la lutte de classe.
Il y a loin entre le processus amorcé avec le manifeste “ Pour une gauche socialiste et démocratique ” et la création du nouveau parti. De nombreux obstacles subsistent, à commencer par Lula et le PT qui bénéficie au sein de la classe ouvrière brésilienne du prestige accumulé dans les années 70 contre la dictature. Nous avons évoqué la division des révolutionnaires qui dessert l’entreprise. Les difficultés sont également politiques.
(Re)définir un projet révolutionnaire n’est pas plus simple au Brésil qu’en France. L’antilibéralisme et l’anticapitalisme remplacent subrepticement là-bas comme ici les références à la révolution. Le texte programmatique qui ouvre la discussion “ Pour une gauche socialiste et démocratique ” laisse ainsi pendante toute une série de questions stratégiques qu’il s’agit dorénavant de débattre et de préciser, par exemple le “ socialisme dans la démocratie comme objectif stratégique, explicite et permanent ” revendiqué par Babá, João, Luciana et Heloísa.
Le rapport à l’État apparaît comme un des éléments fondamentaux pour comprendre comment un mouvement d’émancipation comme le PT a été détourné, au profit de quelques apparatchiks, du combat du plus grand nombre. La création du PT en 1980 représentait une avancée importante dans l’organisation d’un mouvement ouvrier indépendant de la bourgeoisie, prenant pleinement confiance de sa force dans la lutte de classe. Malheureusement, à défaut d’un programme politique clair et cohérent, s’appuyant sur une organisation réelle et militante des travailleurs, le PT a privilégié sa participation au pouvoir dans les mairies et les régions jusqu’à son intégration finale à l’appareil d’État. Réapprécier cette histoire pour n’en retirer que le meilleur est une tâche aussi nécessaire que difficile.
Ce débat ne connaît pas de frontière.
Serge Godard
Barnabé
 
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Inscription : 11 Oct 2002, 20:54


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